Biennale de Paris on Tue, 10 Apr 2007 01:20:04 +0200 (CEST)


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<nettime-ann> La Biennale de Paris, là-bas, nulle part, ici. Par Elisabeth Lebovici


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La Biennale de Paris, là-bas, nulle part, ici                           

Par Elisabeth Lebovici
Le 26 mars 2007

La Biennale de Paris, 2006-2008. Une exposition biennale, qui 
dure vraiment deux ans. Lorsqu'elle fut créée, en 1959, sous 
l'égide du vieux Malraux, elle s'appelait "biennale des jeunes" 
(avec une limite d?âge, 35 ans) et connut ses heures de gloire 
dans l'après 1968. En 1969, les travaux d'équipe et ?uvres 
collectives y furent, systématiquement, montrés. En 1971, au 
parc floral de Vincennes, il y avait une section consacrée aux 
envois postaux, une à l'art conceptuel.

En 1975, LBV a connu, de très près, la Biennale de Paris, aux 
deux musées du Palais de Tokyo. Elle se souvient de 
l'accrochage dû à Jean-Christophe Ammann et surtout, des 
artistes qui s'y trouvaient invités : Rebecca Horn et sa 
performance toute en ailes, Marina Abramovic, Ulrike 
Rosenbach. Les cartes postales suisses de John Armleder, les 
coussins fourrés en forme de coeur de Pierre Keller, les images 
masculines de Walter Pfeiffer, les milliers de photos d'Emil 
Forman (RIP) en forme d'autoportrait à sujet unique et exclusif : 
sa mère. Dans une salle, étaient réunis Urs Luthi, Luciano 
Castelli et le groupe COUM, composé de Genesis P-Orridge et de 
Cosei Fanni Tutti, déjà des icônes en infâmie, avant leur show 
Prostitution à l'ICA de Londres et la carrière musicale de 
Throbbing Gristle. Et il y avait, bien sûr, la Conical Intersection de 
Gordon Matta-Clark, que la Biennale avait organisée: une percée 
architecturée dans le vif d'un immeuble rue Beaubourg, à la fois 
en face du Centre Pompidou en construction et de l'appartement 
de Ghislain Mollet-Vieville : une pièce renversante que LBV a 
vue dans tous ses états, en compagnie des frères Petitjean, 
lesquels filmèrent en vidéo toute cette histoire.

Dix ans après, en 1985, la Biennale de Paris n'a plus été "des 
jeunes", alors qu?elle prenait forme dans le spectaculaire, à la 
Grande Halle de la Villette. C'est devenu le lot quotidien des 
Biennales. Quotidien, puisqu'il parait qu'il existe aujourd'hui 300 
biennales par an, ce qui nécessite beaucoup plus de 365 jours 
de l'année pour les visiter.

Celle de Paris, en tout cas, a été en vacance (un trou financier ? 
des projets sans lendemains ?) jusqu'à ce qu'un artiste avisé la 
mette réellement en vacances, en la distrayant aux institutions 
qui la retenaient sous leur tutelle, gardant le nom, sans rien en 
faire. Depuis 2000, la Biennale de Paris est désormais une 
association, voilà de quoi se réjouir.

On imagine assez bien les cris d?orfraie poussés à la Délégation 
aux Arts Plastiques comme à la ville de Paris, où les idées 
brillantes fusent et explosent en « Force de l?Art » ou en « 
Monumenta », deux intitulés pas piqués des ver(t)s qu?on n?a pas 
vraiment besoin de faire passer par chez le psychanalyste, sans 
parler de l?événementielle Nuit Blanche, concoctée par la Mairie 
de Paris, au consumérisme digne des nocturnes de grands 
magasins.

Ainsi, bon gré, mal gré, la Biennale de Paris n'appartenant à 
personne, elle est redevenue un instrument d'actualité, qui se 
veut « adapté aux projets des artistes » : sans « curators » et 
sans objets d?art, mais avec des rendez-vous, des projets, des 
questions ; sans lieu défini, mais « là où ça se passe quand ça 
se passe », à Paris, en province, ailleurs et nulle part, Sans 
argent, par ailleurs, ou très peu. Pour les joyeusetés d'usage, voir 
le "Guide Legrand des buffets de vernissage", dans le catalogue 
de la XVè Biennale, pp 0309-0323.

Paru à mi-parcours de la Biennale de Paris, le catalogue fait 
1184 pages en papier-bible (édition Paris-Musées). Contrairement 
à l?image foutraque à laquelle on aurait pu s?attendre, il est très 
soigné, avec des textes introductifs de Steven Wright, Suely 
Rolnik, François Deck? et les pièces des collectifs Au travail/at 
work, Bureau d?Etudes, Glitch, IKHEA@SERVICES, Journée 
Libanaise du Taboulé, Microcollection, Pinxit LM, Ultralab et bien 
plus?Puis une section d?annonces précède une part d?archives : 
plusieurs pages issues de l?histoire de la Biennale de Paris, dont 
le fonds est désormais déposé aux archives de la critique d?art. 
Jean-Marc Poinsot, directeur des études en partance de l?institut 
national d?histoire de l?art, a incité des étudiant/e/s à travailler 
sur cette mémoire qui n'est pas indigne d?attentions-- ni plus, ni 
moins que d?autres manifestations, qui, elles, déploient déjà le 
drapeau bleu-blanc-rouge à leurs fenêtres.

De ce fait, la XVè Biennale de Paris s?inscrit délibérément dans 
une histoire qui n?est pas née avec elle, dont elle ne revendique 
ni l?invention, ni le renouvellement, mais dont elle mythifie, juste 
assez, l?héritage de légèreté et de liberté de ton. Tant mieux, si 
en soustrayant la Biennale à l?institution, Alexandre Gurita et ses 
collaborateurs ont aussi retrouvé une légende.

http://www.biennaledeparis.org

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