Louise Desrenards on Thu, 10 Apr 2003 11:12:12 +0200 (CEST) |
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[nettime-fr] un poil d'histoire |
1/, 2/, 3/. 1/ Aujourd'hui, en ligne dans le popup contre la guerre à l'accueil de http://www.criticalsecret.com citation d'un article de La Tribune de Genève à propos de l'Irak (cliquer dans le sommaire à \ Journal 09-04_2003) ------------------------------------------- 2/ Pour ceux qui se posent simplement la question du raisonnement philosophique pertinent à propos de ce qu'il peut convenir de penser sur la guerre d'Irak, voici un texte inédit politique et très "éclairant" (c'est le cas de le dire puisqu'il repart de Emmanuel Kant d'une part de François Chatelet d'autre part et cite Deleuze, dans un raisonnement d'une rigueur et d'une subtilité sans faille), et inédit de René Schérer. Un de Baudrillard sur la question de la pensée révolutionnaire aujourd'hui suivra dans le site n°10, ainsi que un de Mckenzie Wark sur la question post-impériale, la semaine prochaine... Prière de faire suivre intégralement et sous le nom de son auteur (la référence à criticalsecret non obligatoire serait sympathique) « LA RAISON ÉGARÉE * par René Schérer Il faut inverser le mot célèbre : « ce n¹est pas une erreur, c¹est une faute ». Aujourd¹hui, il faut dire : « encore plus qu¹une faute, c¹est une erreur ». Une erreur, non seulement un mauvais calcul, une fausse appréciation des choses, mais un mauvais usage de la raison, et, avant tout, une conception erronée de la raison. Un vice du raisonnement, un vice logique, une confusion mortelle entre la raison et "avoir raison". Et la subordination des opérations de la raison à la transcendance d¹un Vrai et d¹un Bien affirmés comme tels avant tout examen, toute preuve. L¹outrecuidance. Le « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » dont on s¹est tant moqué, qui revient sur la scène mondiale et qui se répète, à la fois comme farce et comme tragédie. On se souvient peut-être encore d¹une déclaration de George W. Bush au lendemain du 11 septembre 2001 : « Nous sommes si bons, pourquoi nous hait-on tant ? ». A quoi il convient d¹ajouter : « J¹ai tellement raison, pourquoi les choses me donnent-elles tort ? » C¹est pourquoi il est tellement utile, aujourd¹hui, de relire et de repenser des textes qui disent précisément ce qu¹est la raison et quelles sont ses limites, comment le plus grand danger qu¹elle puisse courir est celui de s¹égarer dans l¹outrecuidance de l¹avoir raison, de tomber dans les bévues, qui procèdent toutes de son dogmatisme, de son incapacité à s¹ouvrir aux autres, et à se placer du point de vue d¹autrui. Ce que le philosophe Kant considérait comme le principe même de la "raison éclairée", de la culture. Les erreurs actuelles témoignent d¹un incommensurable, d¹un effrayant manque d¹ouverture et de culture. Kant, justement. Il est temps aujourd¹hui de relire et de méditer ces belles pages de Kant qui répondent, si prémonitoirement, à nos préoccupations : elles introduisent aux considérations sur la possibilité de l¹établissement d¹une « paix perpétuelle », dont le suprême et unique principe, la condition de possibilité (transcendantale en quelque sorte) est « l¹hospitalité universelle ». Mais, avant l¹énoncé de ce principes, il y a celui des Articles préliminaires dont certains dictent des conditions impératives, "au sens strict", dit Kant, ou, en latin, leges srtrictae. « Article 5 : aucun Etat ne doit (allemand soll qui indique une obligation morale) s¹immiscer de force dans la constitution et le gouvernement d¹un autre Etat ». Et voilà comment Kant justifie cette loi : « Quelle raison, en effet, peut l¹y autoriser ? Le scandale peut-être que cet Etat donne aux sujets d¹un autre Etat. Il peut, bien au contraire, servir d¹avertissement par l¹exemple des grands maux qu¹un peuple s¹est attirés par son anarchie ; d¹ailleurs, d¹une manière générale, le mauvais exemple donné par une personne libre à une autre (en tant que scandalum acceptum) ne constitue pas une lésion de cette dernière. » Je m¹arrête d¹abord ici : alors que l¹on vante tant le "droit d¹ingérence", Kant émet un rappel à l¹ordre. Surprenant d¹abord, venant de la part d¹un universaliste auquel on aurait plutôt tendance à reprocher le caractère absolu de ses impératifs inconditionnels. Mais, là, au contraire (on en expliquera plus loin les raisons), est mise en avant l¹inadmissible présomption d¹une croyance unilatérale à avoir raison, à être seul détenteur de la vérité et du bien, caractéristique des démocraties occidentales et de l¹Amérique en particulier. Historiquement, ce qu¹il vise, c¹est la condamnation par l¹Europe des monarques, de la révolution française qui fait "scandale" et qui donne l¹exemple de "l¹anarchie". Mais il dit aussi que ce n¹est pas une véritable "lésion" . Remarque qui peut être d¹ailleurs étendue à d¹autres sortes de "scandales", à cette tendance contemporaine à considérer des opinions ou des mots comme une "violence" relevant du droit pénal, comme si c¹était une agression réelle. Je poursuis : « Il est vrai qu¹il ne faudrait pas faire rentrer ici le cas où un Etat, par suite de divisions intérieures, se partagerait en deux ; chaque partie représentant pour soi un Etat particulier qui prétendrait au tout ; fournir de l¹aide à l¹une ne pourrait valoir pour un Etat étranger comme une immixtion dans la constitution de l¹autre (car il y a anarchie). » Donc, en commentaire, Kant présente ici le seul cas où l¹intervention est justifiée : qu¹une rébellion interne existe, qui appelle une aide extérieure, mais avec la réserve suivante, précisant qu¹il faut que cette révolte ait abouti d¹abord à un résultat tangible : « Toutefois, tant que ce conflit intérieur n¹est point résolu, cette ingérence de puissances étrangères serait une lésion des droits d¹un peuple luttant seulement contre son mal intérieur, et ne dépendant d¹aucun autre ; ce serait bien là donner lieu à un scandale et rendre incertaine l¹autonomie de tous les Etats ». Précision à entendre de la manière suivante : il n¹est pas question de s¹imposer à des gens qui entendent se libérer tout seuls. Une telle "aide" ne saurait être fondée de droit. A cet article impératif peut être associé, impératif également, le premier (Article 1.) qui interdit de se réserver « matière à guerre future », en « ayant la mauvaise intention » de recommencer à la première occasion ; traitant cette manière de « procédé qui relève de la casuistique des jésuites et qui est au-dessous de la dignité des souverains ». Or, ces manquements au principe inconditionnel du droit qui est le respect d¹autrui comme personne et de sa liberté découlent d¹un principe concernant non seulement le droit international (celui qui traite des relations entre Etats considérés comme personnes morales), mais d¹un droit cosmopolite (jus cosmopoliticum) en vertu duquel les sujets de tout Etat sont traités comme "citoyens du monde". Ce droit ‹ un nouveau droit, car il n¹existe pas réellement encore ‹ est celui dont le principe (article définitif ) « doit se restreindre aux conditions de l¹hospitalité universelle » ; ce qui signifie que la terre, en droit, appartient à tous et qu¹il n¹y aucune raison de droit d¹interdire tel endroit ou tel autre à quiconque. Droit qu¹a l¹étranger à ne pas être traité en ennemi. Condition qui semble bien générale, bien restreinte (en effet) au sens où elle ramène une grande complexité à une simplicité enfantine, une naïveté, ou une abstraction inoffensive. Comment tout le droit international peut-il être une simple question d¹hospitalité ( et d¹hospitalité "restreinte" à la visite) ? C¹est ce qui est, chez Kant, à problématiser. « Or, comme les relations (plus ou moins étroites ou larges) prévalant désormais communément entre les peuples de la terre, en sont au point qu¹une violation du droit en un seul lieu est ressentie partout ailleurs, il s¹ensuit que l¹idée d¹un droit cosmopolitique n¹apparaît plus comme une manière chimérique et exagérée de concevoir le code non écrit, aussi bien du droit public que du droit des gens, pour réaliser le droit public de l¹humanité en général et par suite la paix perpétuelle dont on ne peut se flatter de se rapprocher sans cesse qu¹à cette condition ». Hospitalité comme principe absolu et universel signifiant que tous les peuples se supportent côte à côte, ne cherchent ni à changer le régime d¹autrui ni à l¹envahir. Au fond, ce qui offre l¹hospitalité universelle, c¹est la terre entière : « personne n¹ayant originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu¹à un autreŠ le droit à la surface appartient en commun à l¹espèce humaine ». Le « droit de visite » est celui « qu¹a tout homme de se proposer comme membre de la société, en vertu du droit de commune possession de la surface de la terre, sur laquelle, en tant que sphérique, ils ne peuvent se disperser à l¹infini ». C¹est un droit qui, apparemment, devrait permettre à n¹importe qui de s¹installer n¹importe où, mais qui, précisément, par un effet en retour, interdit de s¹installer là où quelqu¹un est déjà. C¹est pourquoi il n¹y a, à l¹égard des Etats déjà installés que droit de visite, et que le premier exemple donné de conduite inhospitalière est celui de la colonisation : la visite devient conquête. Je parlais en commençant de la raison et disais que ce que l¹on allègue aujourd¹hui comme raison relève de l¹ "outrecuidance". Ce mot, je le reprends à Gilles Deleuze, exactement à Deleuze parlant de François Châtelet, dans Périclès et Verdi. Un mot tout à fait convenable pour la situation actuelle et applicable aux déclarations empreintes de morgue et de certitude, de croyance béates auxquelles elle donne lieu. Je cite, car la clarté et la pertinence du passage en vaut la peine : « Les outrecuidants, petits ou grands, du leader de groupuscule (on est au temps de "maos") au président des Etats-Unis, du psychiatre au P.D.G., fonctionnent à coup de transcendances, comme le clochard à coup de vin rouge. Le Dieu médiéval s¹est éparpillé, sans pour autant perdre de sa force et son unité formelle profonde ; la Science, la Classe ouvrière, la Patrie, le Progrès, la Santé, la Sécurité, la Démocratie, le Socialisme ‹ la liste serait trop longue ‹ en autant d¹avatars. Ces transcendances ont pris sa place c¹est dire qu¹il est encore là, omniprésent) qui exercent avec une férocité accrue leurs tâches d¹organisation et d¹extermination ». Cela était écrit en 1976 dans Les années de démolition. Rien à changer : peut-être « groupuscules » qui n¹existent plus, et encore, « socialisme » qui n¹est plus "Le" et en perte de vitesse. Mais surtout à souligner Démocratie, Sécurité et, à ajouter : Dieu tout court qui n¹est plus seulement "médiéval" et qui est loin de s¹être "éparpillé". Mais, au contraire s¹est concentré dans des mains et des cerveaux qui en font, pour leur propre compte, un usage unilatéral. Mais mon intention n¹est pas ici, de parler d¹un "retour" d¹un "religieux" qui n¹a, à vrai dire jamais disparu. Il me suffit de noter que cette concentration paranoïaque de l¹usage de Dieu au service de la raison, de l¹avoir raison, ne peut plus échapper à quiconque ; renvoyant seulement à un article de François de Bernard, Libération, du mercredi 26 mars, qui la dénonce avec une verve pamphlétaire sous le titre de « république théocratique et pathocratique ».Très intéressante démonstration du détournement que connaît le principe républicain que Kant mettait, au contraire, parmi ceux dont l¹extension à tous les Etats était propre à empêcher les guerres : « Premier article définitif pour la paix perpétuelle : Dans tout Etat, la constitution civile doit être républicaine », en donnant comme explication que les citoyens libres ne donneraient jamais leur assentiment aux maux et aux dévastations qu¹il leur faudrait supporter et « pour combler la mesure, se charger finalement du fardeau d¹une dette qui remplira d¹amertume la paix elle-même ». Sancta simplicitas ! Je le dis sans ironie, et seulement pour constater que, chez Kant, le mot de république, dont le sens est sous nos yeux si odieusement détourné, avait encore celui de prise de partie effective des citoyens à la vie publique et de décision libre d¹une collectivité dont tous les membres sont en communication réciproque, où les raisons s¹échangent de proche en proche. Et c¹est enfin ce où j¹en viens, l¹opposition établie par cette critique de l¹outrecuidance à tendance théocratique, entre une Raison se changeant en un absolu que l¹on peut posséder qui, de même que Dieu est aux mains d¹un seul camp- et la raison elle-même qui n¹est jamais chose établie et possédée une fois pour toute, mais qui est toujours en mouvement, peut se transformer en modifiant ses références, est un devenir, un processus. C¹est encore ce que démontre et exprime lumineusement Deleuze dans cet hommage rendu au philosophe ami. « La raison n¹est pas une faculté, mais un processus » ; « il y a un pluralisme de la raison parce que nous n¹avons aucun motif pour penser la matière ni l¹acte comme uniques. On définit, on invente un processus de rationalisation chaque fois qu¹on instaure des rapports humains dans une matière quelconque, dans un ensemble quelconque, dans une multiplicité quelconque. » Et encore : « La raison comme processus est politique », dans la cité, dans des groupes. Retenons ce mouvement : la raison comme processus, la raison comme instauration de rapports humains dans une "matière", dans une "multiplicité" ; et traduisons aussi, dans le langage de Kant dont je me suis servi au début : cette "matière" ce sont les rapports entre Etat, internationaux et la raison consiste à introduire en eux des rapports humains. La multiplicité, ce sont les peuples divers de la planète, et la raison est d¹introduire des rapports humains sous la forme d¹un droit "cosmopolitique" tenant compte de leur diversité ethnique et culturelle, de leurs diverses "raisons". Or, cet acte, ce processus de rationalisation introduit dans la matière multiple du genre humain peuplant la planète, c¹est justement le rapport humain de l¹hospitalité. C¹est là ce que nous dit Kant, ce qui fait que, quelque étonnant que cela puisse paraître, l¹ hospitalité universelle est l¹unique principe dont dépende un droit pouvant conduire à la paix perpétuelle ; et surtout ce qui interdit que quelque peuple quelque Etat que ce soit puisse avoir raison d¹imposer à un autre sa manière de voir, fût-elle celle qu¹il considère comme étant la meilleure possible, Religion, Démocratie ou Progrès. Il y a là de l¹inconditionnel, comme il y a de l¹inconditionnel à appliquer aussi le principe d¹hospitalité dans les petits groupes, où elle devient la condition sine qua non de la vie commune .Dans tous les cas, l¹hospitalité est bien condition première et informulée du droit ; il lui arrive de se traduire en droit. Kant indique de quelle manière. Il faut pourtant ajouter que ce principe, fondateur, est extra-juridique, au-delà du droit qu¹il fonde, et qu¹il éclaire aussi , dont il montre les limites lorsqu¹il se traduit sous la forme d¹une juridiction strictement limitative. L¹hospitalité est ce qui "ramène à la raison" lorsque celle-ci s¹égare en croyant la limiter au nom du raisonnable. Elle est raison élargie, ouverte, toujours indiquant un processus de rationalisation, introduisant dans la "matière" des groupes formés par les hommes des "rapports humains" ; elle porte toujours en avant ce qui, entravé par des règlements, s¹appesantit. Pour conclure, je reprends la belle formule poétique d¹Edmond Jabès : « L¹hospitalité allège ». René Schérer, Paris, 26 mars 2003 dernier ouvrage paru : Enfantines, Paris, Anthropos, 2002 * Première publication le 9 avril 2003 en ligne in criticalsecret. Ce texte daté du 26 mars nous paraît important dans une période d'absence de repères consensuels. Ecrit pour une intervention dans le cadre d'un séminaire universitaire à Valence qui aura lieu ces jours-ci, il a été envoyé au journal Libération où il n'a pas été jugé utile de le publier ni même à la page Rebonds. Quant à nous, nous le communiquerons avec prière de transmettre sur les listes de diffusion en France et à l'Etranger. Ce texte, La raison égarée, inaugure une page Contributions du petit journal contre la guerre, sur la question de la pensée discrimante, de la raison, et de ce qui pourrait se manifester en matière de pensée révolutionnaire aujourd'hui. » --------------------- 3/ Pour ceux qui se posent des questions sur les sources de la protestation des noirs américains contre la guerre d'Irak, un peu d'Histoire... in http://etoilerouge.chez.tiscali.fr/documents/bpp7.html et hop! « Black Panthers Party 8-l'apogée du BPP et sa liquidation physique a)l'assassinat de Martin Luther King e t les tentatives de front révolutionnaire Le 4 avril 1968, Martin Luther King est descendu, à Memphis. Les ghettos explosent. 72 villes sont touchées, il y a 32 morts, 13.876 arrestations, au moins 2.266 blessés selon le journal Guardian pour les quatre premiers jours. Le lendemain le New York Times parle de 125 villes touchées, 2600 blessés et 21.270 arrestations. Parmi les morts, que 5 blancs et pas un seul policier. 45 millions de $ de dégâts. 55000 soldats sont intervenus avec la police, dont 21.000 soldats des troupes régulières et 34.000 de la garde nationale. Pour la première fois depuis 35 ans il y a des soldats devant le Capitole; la police encercle la maison blanche à un point tel que Newsweek affirme qu'on se croirait dans la capitale d'une république bananière. Le 6 avril 68, quelques jours après avoir appris que la police les attaquerait, des panthères répliquent à la police dans la ville d'Oakland. Bobby Hutton est tué à bout portant, alors qu'il sortait avec Cleaver les mains en l'air et aveuglés par les gaz. Cleaver fut blessé à la jambe. 7 panthères furent accusées de meurtres. Un jour après le BPP organisa un pique-nique dans le DeFremery Park d'Oakland. Cela avait été prévu longtemps auparavant pour soutenir les frais de justice de Newton et la campagne électorale. Le BPP se prononça l'abandon des émeutes spontanées mais pour l'organisation des noirs, l'autodéfense. En 68 il n'y eut pas d'été chaud, " seulement " quelques petites rébellions spontanées. Une raison fondamentale était le renforcement de la répression. Mais il y eut une nouvelle occasion. Du 26 au 29 août se déroula la convention du parti démocrate, où doit être nommé le candidat à la présidence. Il y avait 6000 soldats, 6000 membres de la garde nationale et 12000 policiers. Et des milliers de manifestants, qui profitaient de cela pour protester contre la guerre du Viêt-nam, appelé à cela par la National Mobilization to End the War in Vietnam, une organisation centrale de groupes anti-guerre. Il y avait des hippies, des Yippies (hippies politisés), des révolutionnaires, des gangs de motards, des émeutiers, des activistes blacks, des groupes minoritaires du parti démocrate. La fin de la semaine précédant la convention les manifestants se regroupèrent dans le Lincoln Park. Seale tint un discours, appelant à l'autodéfense armée. Les bagarres qui s'ensuivirent avec la police furent provoquées par la tentative de dégager les manifestants du parc. Les médias bourgeois parlèrent de " terreur policière " tellement les charges furent violentes. Pendant quatre jours ce fut l'émeute, et la terreur, contre tout ce qui bougeait. Le procès contre Newton, commencé le 15 juillet 68, finit le 8 septembre. Entre deux et quinze ans ferme, alors qu'il n'y a pas de preuves qu'il ait eu une arme, alors qu'on a trouvé que deux armes: celles des policiers, alors que toutes les balles tirées provenaient de ces pistolets, alors qu'il n'y aucune preuve après les études en laboratoires que Newton eut tiré. De plus on accusait Newton d'avoir tué un policier, mais pas d'avoir blessé le second! Il s'agit bien d'une accusation politique. Dans la première semaine d'août 68, le comité central du SNCC arrête la liaison avec le BPP, affirmant que l'union n'a été faite que par certains individus et que les modalités de l'union n'ont pas été étudiées. C'est le résultat d'un manque de confiance. A peine les membres du SNCC arrivés, Cleaver les qualifia de " hippies noirs ", et ce devant un public blanc. Le SNCC - considéré comme une organisation en train de disparaître - ne voulait pas se subordonner au BPP. Rap Brown et James Forman quittèrent le BPP. Le COINTELPRO joua aussi. Le FBI organisa la rumeur que Stokely Carmichael était un agent de la CIA. Le FBI fit un faux " rapport de Carmichael à la CIA " et le déposa dans la voiture d'un de ses amis, téléphona à la mère de Carmichael pour lui dire que des panthères voulaient le tuer, etc. Le FBI voulait aussi isoler le BPP des autres groupes noirs, comme US. US était là pour United Slaves, il s'agissait d'un groupe nationaliste de Californie du sud, qui était critiqué par le BPP comme " nationalistes culturels ". L'idéologie de US était simpliste: tout ce qui est noir est bien, tout ce qui est blanc est mal. Bobby Seale parla de racisme noir et affirma que ce n'est pas en mettant des habits traditionnels que le peuple aurait le pouvoir. Le FBI fit faire de faux tracts, caricaturant chaque groupe et signant de l'autre. Cela aboutit au meurtre de Alpentrice " Bunchy " Carter, chef panthère de Los Angeles, et de John Huggins, ministre d'information de Californie du sud, par des membres d'US. Plus tard deux autres panthères furent blessées par derrière et un autre, Sylvester Bell, tué. De fait le FBI promit à US de ne pas faire de poursuites si des membres du BPP était tués... US agit par simple concurrence, pour reprendre le terrain au BPP. b)le BPP à son apogée et son éclatement interne et sa destruction militaire par les USA C'est en 68 que le BPP atteint une signification nationale, profitant du travail du SNCC, dans les ghettos de Cleveland et Chicago par exemple. Le BPP avait entre 3 et 5.000 membres, dans environ quarante groupes locaux. Rien qu'à New York entre mai et Juin le BPP s'agrandit de 800 nouveaux membres. Cleaver fut libéré 60 jours après son arrestation. Mais l'Adult Authority porta plainte et Cleaver devait retourner finir ses cinq ans (de sursis à l'origine) à partir du 27 novembre. Il fit des meetings et plongea dans la clandestinité. En fait il rentra avec sa femme dans sa maison, et une autre panthère ressortit avec elle pour répondre à des interviews d'autres panthères, la police et des manifestants derrière. Lui s'enfuit, déguisé en vieil homme, jusqu'à New York puis Montreal, et enfin, caché dans une armoire sur un bateau, jusqu'à Cuba. En décembre 68 eut lieu une conférence des " Captains " de 45 localités, et Bobby Seale dut faire un séminaire d'études idéologiques. Début 69 le BPP s'est élargi, n'a plus d'unité ni de cohésion, et est bien plus un rassemblement de groupes locaux. Newton est en prison, Cleaver en exil, les nouveaux membres sont peu formés. Les infiltrés et les provocateurs s'accumulaient (il y en avait au moins 67 en 1969). Et la police attaquait constamment les infrastructures du parti. C'est pourquoi en janvier 69 le parti fait le ménage . Ce sont plus de 1000 panthères qui voient leur statut remis en question. Puis il y eut juillet 69. Carmichael, qui vivait depuis 3 mois en Guinée, quitte le parti. Il critiqua l'alliance avec les blancs et la coupure du reste des mouvements noirs. Il critiqua aussi le " dogmatisme " et les méthodes autoritaires de l'organisation. Quant à Cleaver, en conflit avec le régime cubain, découvert dans son exil par un agent de presse de Reuter, il partit en Algérie, où ouvrit une section internationale du BPP, grâce aux Vietcongs. 30 panthères y travaillaient. En été, lors du festival culturel panafricain qui se tint du 21.7 au 1.8. à Alger, sous l'égide de l'Organisation pour l'unité africaine, le BPP ouvrit un centre d'information afro-américain. Miriam Akeba et Stokely Carmichael y firent des apparitions. Du 18 au 21 se tint à Oakland la National Revolutionary Conference, avec 4000 participants, pour former l'United Front Against Fascism. En raison de la répression grandissante - de la mi 1967 à la mi-1969 28 panthères avaient été exécuté, 100 étaient derrière les barreaux, plusieurs centaines attendaient d'être jugé, les bureaux étaient saccagés; alors qu'on ne pouvait pas prouver qu'une seule panthère est blessé ou tué un policier - le BPP considéra que le fascisme menaçait. On parlait déjà de camps. Le conseiller du président, Brezinski, l'avait déjà proposé pour les noirs lors des révoltes urbaines de 67. Et ces camps existaient déjà, créés pour les gens d'origine japonaise pendant la guerre. L'analyse du BPP part du travail de Georgi Dimitrov sur le fascisme, tel qu'il a été tenu au VII Congrès de l'Internationale communiste en 1935. Le programme: formation de la conscience, aides sociales immédiates, front uni avec les révolutionnaires blancs, autodéfense armée, politique de refus du nationalisme, information et propagande comme stimulation des plans révolutionnaires, autogestion des ghettos et différentes méthodes de luttes anti-impérialistes. De nombreux problèmes furent soulevés, comme celui de la politisation du mouvement pour la paix, pour une campagne de pétition en faveur de la décentralisation, pour le contrôle des communautés de la police. Ce dernier point fut refusé par le SDS agonisant, car il n'avait pas l'intention de réclamer cela dans des quartiers blancs, la police devenant à ce moment-là encore plus contrôlé par les racistes. Il y eut également le débat avec les weathermen, qui voulaient immédiatement lancer la lutte armée. [Initialement on trouve dans la brochure publiée une photo de la révolte des prisonnierEs d'Attica (prison de "maximum security à New York) en septembre1971. 85% des prisonnierEs étaient noirs, Portoricains, Mexicains. L'Attica Liberation Faction organisée à l'intérieur prônait une politique révolutionnaire et 26 revendications, se révolta après la mort de Georges Jackson et fut écrasée (32 morts).] Le BPP fut lui de plus en plus confiné dans une lutte pour la survie. En 69 la répression augmenta, presque 20 panthères furent tuées, d'autres arrêtées pour des motifs ridicules. Cela arrivait particulièrement aux 50 membres les plus actifs. il y eut du 1 janvier 68 au 31 décembre 69 739 arrestations, avec 5 millions de $ de cautions. C'était un bon moyen pour l'Etat d'affaiblir financièrement le BPP. En fait dans 90% des cas il y eut non-lieu. Début 1968 20 bureaux du BPP furent occupés et dévastés par la police, entre autres à Detroit, Boston, NY, LA, Chicago, Denver, New Haven, Indianapolis, San Diego, Sacramento, Seattle, Des Moines, Albany... Les médias et les politiciens préparent l'opinion à une liquidation du BPP. c)l'apparition de groupes de guérilla et la fin du BPP Le BPP est lui quand même reconnu comme avant-garde dans la lutte de libération au c¦ur de la bête . Le SDS se divisa quant à cette question à son congrès de 69. La tendance se reconnaissant dans le Progressive Labor Party maoïste considérait tout nationalisme comme réactionnaire, et diffamait tout ce qui ne soutenait pas la Chine: l'URSS, le Vietnam, Cuba, le BPP, ainsi que les deux autres grandes tendances du SDS. Celles-ci considéraient au contraire que les luttes de libération nationale étaient à l'avant-garde de la révolution. Donc le BPP. Les jeunes étaient également vu comme la couche sociale la plus opprimée et la plus à la marge, donc à organiser. Ces deux tendances s'appelaient Revolutionary Youth Movement (I et II). Le RYM 1 forma les weathermen, d'après le titre d'une chanson de Bob Dylan: " pas besoin d'être un weatherman [prophète de la météo] pour savoir où le vent souffle ". Le terme " men " oubliant les femmes, l'organisation pris les noms successifs pour mener ses actions de guérilla urbaine: Weatherpeople, Weather Underground Organization. Les cellules de cette organisation avaient un type spécifique de collectivité: destruction de la monogamie, de la soumission de la femme vis-à-vis de l'homme, expériences avec des drogues . Les minorités s'organisèrent également selon le modèle du BPP (structures, programmes, lien avec la communauté): -le Young Lords Party fut formé chez les Portoricains, à partir de streetsgangs (Chicago, NY...), travaillant dans les centres de production, c¦ur de la révolution et prônant la lutte armée pour la libération; -les red guards en 67 dans la communauté chinoise puis I Wor Kuen, ce qui signifie à peu après " le poing levé au nom de la paix et de la justice ", avec beaucoup d'impact dans la population âgée; -les brown berets chez les mexicains, à partir de streetgangs de l'Est de L.A. avec 60 groupes locaux, ainsi que Los Siete de la Raza, comité de soutien à des gens arrêtés pour avoir attaqué des policiers en civils qui mènera des actions à la BPP; -l'united native americans chez les indiens est plus une initiative de citoyens (occupation de l'île d'Alcatraz de novembre 69 jusqu'à juin 71 par 200 indiens de différentes tribus, du Mount Rushmore pendant trois mois) tandis que l'AIM (american indian movement) prend le BPP comme modèle et a en deux ans une renommée nationale; -les blancs s'organisèrent en Young Patriots Organization à partir de streetgangs travaillé depuis 63 par le SDS et d'une bande de motards. Ils adaptèrent le programme du BPP et eurent une candidate pour le Peace and Freedom Party. Un autre groupe naquit à New York; la police écrasa ces deux groupes. En 69 se forma Rising Up Angry, à partir de prolétaires extra-légaux blancs et de travailleurs, qui mena des aides à la communauté. Le Black Workers Congress, issus de groupes d'opposition noire dans l'industrie automobile (notamment Chicago, Detroit, NY), organisa de grandes grèves. Il rejoignit la League of Revolutionary Black Workers, dont une partie fonda un Black Workers Congress, considérant comme trop indiscipliné et nationaliste l'autre groupe. Le BWC voulait organiser les luttes de toutes les minorités (asiatiques, noirs, etc.) contre le capital. Il s'agit d'une organisation marxiste-léniniste, avec comme but un parti ouvrier et une perspective internationaliste. En 1971 il y avait des groupes dans 25 localités, le secrétaire général était l'ancien SNCC et BPP James Forman. Il est clair que tous ces groupes sont en liaison avec une pratique proche de la guérilla. Il n'y avait pas coordinationsdes activités, mais les actions se faisaient en série. En cinq ans il y aura au moins 1391 actions armées/attentats, dont 423 contre la police et 101 contre l'armée. Toutes définies par la lutte révolutionnaire. Les coûts sont énormes, comme l'incendie des bâtiments d'une commission pour l'atome à Rocky Flats, dans le Colorado (45 millions de $). Le FBI organise lui la répression. Il y a au moins 100 000 noms de militants radicaux, 323 millions d'informations médicales et 279 millions de surveillance psychiatrique. La guerre du Vietnam est de plus en plus perdu. Il y a 12000 désertions en une fois en Europe , des mutineries, 56 000 désertions. Il y a en 1970 500 désertions par jour. On attendra bientôt la centaine de mille. On pratique le " fragging ", c'est-à-dire l'élimination des supérieurs/officiers avec une grenade à fragmentation (plusieurs centaines de cas). Il y a au moins 10 soldats de couleur passant chez les Vietcongs par jour. La plupart du temps ils sont à l'arrière, mais des fois mêmes sur le front, contre les soldats US, comme par exemple ces deux soldats d'élite qu'on retrouve morts en 1970, tués par leurs propres anciens " collègues ". Les sabotages se multiplient, particulièrement sur les bateaux où de petites pièces endommagées entraînent plusieurs mois de paralysie. Une blague court: " Nixon et son ministre de la défense sont à la maison-blanche. Une grande foule de manifestants se rapprochent toujours plus. Nous devons faire quelque chose dit Nixon. Appelez l'armée. Et le ministre de la défense: désolé, monsieur le président, c'est l'armée. " En 1969 Bobby Seale se fait arrêter, enchaîné, les fers aux pieds, doubles menottes, alors qu'il n'y avait pas d'accords entre les états pour cela. Il est accusé de " conspiracy ", notamment pour la manif à l'occasion du congrès démocrate de 68. D'autres personnalités sont arrêtées, comme les yippies Jerry Rubin et Abbie Hoffman, Rennie Davis de la National Mobilization to End the War in Vietnam et co-fondateur du SDS, Tom Hayden également co-fondateur et ancien représentant du SDS, David Dellinger de Mobilization, John Froines et Lee Weiner. Le procès commença le 24 septembre. L'avocat de confiance de Seale étant à l'hôpital, cela commence mal, les autres avocats ne voulant pas de lui et le juge lui refusant de se défendre tout seul, comme il le voulait selon la constitution. Protestant, il fut frappé et enchaîné à une chaise pour le reste du procès. Le FBI inventa des témoins et fit une provocation en envoyant de fausses menaces à deux membres du jury: " on vous surveille - les black panthers ". Résultat: quatre ans ferme pour insulte au tribunal, rien pour l'accusation originelle à cause du " manque de preuves ". Les sept accusés furent déclarés innocents, mais cinq furent accusés d'avoir provoqué des émeutes et pour cela avoir dépassé les frontières entre Etats. Cette vieille loi fut néanmoins cassé et le jugement avec. Seale fut accusé de meurtre, en raison de violence contre des flics infiltrés dans le BPP, violence causé par des provocateurs. Mais le manque de " preuves " fit qu'il sorti de prison. La répression, elle, continue. Ceux qui organisent les contacts et les initiatives politiques entre les groupes des différentes communautés et le BPP sont arrêtés pour des motifs bidon, puis descendus, comme Fred Hampton. Le BPP était également facilement infiltrable: le FBI n'eut aucun mal à liquider les accords faits et même à les transformer en conflits. De plus, les perquisitions étaient ainsi très " fructueuses ". Parlons également de Georges Jackson, arrêté à 18 ans, en 1960, pour avoir volé 70 $ dans une pompe à essence et condamné à vie. Il lit Marx, Engels, Lénine, Mao, et écrit un livre qui sera préfacé par Jean Genet: Soledad Brothers: The prison letters of Georges Jackson, puis Blood in my eye. Dans la prison californienne de Soledad (solitude en espagnol) en 70 un gardien avait tué trois prisonniers noirs, et même les prisonniers blancs racistes pensaient qu'il s'agissait d'une exécution pure et simple. Le gardien fut acquitté. Trois jours plus tard un gardien se fait tuer. 3 personnes furent accusées, dont Jackson, on les appela les Soledad Brothers. Jackson était rentré au BPP en 70 et devenu maréchal Le FBI fit un plan bidon pour tuer des accusés BPP et les soledad brothers. Il s'agissait d'amener des armes dans la salle du tribunal et de faire intervenir la police, en faisant croire qu'il y une tentative de la part des panthères de prendre des otages et réclamer un avion pour partir en Algérie, pays socialiste, avec les prisonniers. Les infiltrés dans le BPP devaient proposer le plan de " libération " pour que les panthères elles-mêmes prennent l'initiative. Mais Géronimo Pratt, un des théoriciens de la Black Liberation Army , au courant de cette tentative de prise d'otages, fait bloquer l'action. Mais Jonathan Jackson, frère de Georges et âge de 17 ans, ne fut pas prévenu à temps et mena l'action seul. Il donna des armes aux prisonniers et partirent avec le juge pour prendre un avion. La police était évidemment déjà sur place et tira. Deux prisonniers furent tués, ainsi que Jonathan et le juge, le procureur sera paralysé, le troisième prisonnier et un juré très grièvement blessés. Cela se passa le 7 août 1970. Mais le BPP - contrairement à ce que voulait le FBI - ne fut pas du tout discrédité. Bien au contraire, l'action fut saluée, et on critiqua le FBI pour qui la vie humaine ne comptait pas. Le lendemain, Angela Davis, figure de proue du comité de solidarité des Soledad Brothers, eut un mandat d'arrêt contre elle pour meurtre, etc. Angela Davis était au CPUSA et était devenu prof de fac (à l'UCLA à L.A.). Elle passa dans la clandestinité, mais fut arrêtée en octobre 1970. Newton lui fut libéré en août 70, et le revolutionary people's constitutional convention rassembla 10 000 personnes pour former une nouvelle constitution défendant réellement les libertés et continuer l'United Front against Fascism à Philadelphie en septembre. La deuxième session à Washington en décembre eut un peu moins de succès. Mais le BPP s'était considérablement effrité. Il était présent dans une centaine de villes, avec un noyau dur d'à peu près 900 militants. Il était populaire chez les noirs mais en proie à une sévère répression. Il perdait son impact; malgré le nombre de militants il arrêta les aides à la communauté en 70, et jusqu'à fin 70 40 panthères furent encore assassinées et 85 blessées. Ce qui devait alors arriver: la scission, de fait la fin du mouvement, le BPP n'ayant pas trouvé les moyens de dépasser le reflux. 9-fin de l'histoire du BPP, la Black Liberation Army et la situation actuelle a)la scission dans les restes du BPP et les derniers meurtres de militantEs La scission s'exprime réellement début 71. 21 panthères arrêtées en 69 pour possession d'armes et d'explosifs sortirent un texte critique " New morning - changing weather " en référence aux weathermen. Le texte appelaità la formation de groupes armés, la nécessité de l'union des groupes ethniques avec les révolutionnaires blancs dans un processus de lutte armée: " Nous du tiers-monde devons nécessairement détruire cette société cybernétique hautement automatisée ou serons détruits par elle - maintenant ". La direction du BPP est critiquée pour son incapacité contre-révolutionnaire à prendre le camp de la lutte armée. Le 23.1.71 Pratt est exclu, ainsi que sa femme Sandra et trois autres panthères. le 5.2. deux membres du groupe de 21, libérés sur caution, partent en Algérie. Les deux autres membres libérés sur caution sont remis en prison. Sont publiés dans The Black Panther les noms des expulsés, notamment les deux panthères parties en Algérie et ainsi responsables de la mise en prison de deux autres. Pratt est exclu notamment pour ses critiques et sa " tentative " d'éliminer physiquement Newton, qui a de fait le contrôle du BPP (ou de ce qu'il en reste). Le 20.2. il prend le titre de Supreme Servant of the People à la place de Supreme Commander. Le 26.2. il a une discussion télévisée avec Cleaver (alors en Algérie), ce dernier critiquant les exclusions faites des 21 panthères ayant émis des critiques. Newton prend des mesures disciplinaires contre Cleaver. La rupture est consommée. Le part implose. Tout le monde s'insulte, fait un procès politique à l'autre. Si l'on se réfère à l'expérience des autres partis, on voit qu'il manque une ligne directrice, de la même manière qu'en Italie chez les Brigades Rouges, apogée du mouvement communiste. C'est un reflux en catastrophe pas géré, il n'y aura pas non plus de " retraite stratégique " (comme par exemple en Italie avec le petit noyau dur des dernierEs brigadistes continuant la lutte). C'est la débandade! La base attaque la direction comme " bureaucratique " et " autoritaire ", proteste contre le centralisme non démocratique. On critique la ligne de Newton, trop " masse " et pas assez lutte armée. Newton organise le 5.3.71 un intercommunal day of solidarity, pour présenter sa conception, avec entre 2000 et 4000 personnes, c'est-à-dire moins que prévu et avec seulement entre 10 ou 20% de blacks. La plupart des blancs sont là pour la musique, même s'il y a évidemment sympathie. Le 8.3.71 Robert Webb, pro-Cleaver est tué après une altercation avec des vendeurs de The Black Panther. Le bureau BPP de New York, de fait quartier général de la tendance de Cleaver, accuse Newton. The Black Panther va par la suite paraître avec un copyright, avec des dessins diffamant vulgairement Cleaver. Plus tard de nombreuses personnalités panthères se prononcent pour Newton, ainsi que Bobby Seale. Les symboles militaires disparaissent de The Black Panther, le 17.4. un partisan de Newton, Samuel Napir, est retrouvé tué. Evidemment le FBI balance autant d'huile sur le feu qu'il le peut. Mais parlons des différentes stratégies que proposent Newton et Cleaver: -la théorie des ghettos blacks comme colonies est gardée par Cleaver. Newton la considère comme fausse, mais ne propose rien à la place. Il amène la notion d'"Intercommunalism ", mais cela ne fait que rejoindre la position internationaliste qui était celle du BPP depuis le départ. Rien de bien nouveau donc. -le " lumpenproletariat " est considéré par les deux comme classe la plus exploitée et avec donc un rôle d'avant-garde dans la révolution. Pour les deux cette classe forme la base du BPP. Pour Cleaver il y avait des divergences d'intérêts entre le " lumpenproletariat " et la classe ouvrière, intérêts non antagonistes, mais empêchant pour l'instant une lutte commune. il s'intéressait depuis longtemps à la culture de la jeunesse blanche et voyait en elle un partenaire possible. Pour Newton au contraire il y a identité commune des intérêts du " lumpenproletariat " et de la classe ouvrière, il faut former un parti " prolétarien conséquent " et orienté sur la lutte de classe. -La guérilla urbaine est une question centrale. Avant la scission le BPP s'y acheminait, avec des textes proches du petit manuel du guérillero urbain de Carlos Marighella. Cleaver considérait qu'il fallait passer dans la clandestinité, parce que la répression est trop forte et qu'il y avait une base noire sympathisante large. Il voulait organiser un front révolutionnaire nord-américain unissant les révolutionnaires de toutes les ethnies, organiser un front politico-militaire. Il rejetait le légalisme de Newton et Seale, Newton défendant une organisation légale de masse. Les community-programm ne purent ainsi être proposés que par Newton, qui voulait faire de " l'aide sociale " pour les besoins urgents des ghettos, puisque les USA seraient le dernier bastion que la révolution mondiale prendrait. Il s'agit de s'ancrer dans le ghetto, de relier l'aide matérielle au travail politique. -Cleaver critiqua le manque de démocratie: le comité central a toujours été composé de membres présents à Oakland dès le départ. Ses propositions de personnes d'autres villes furent toujours refusées. Dans le bureau d'un responsable on pouvait lire sur le mur: " The lower level is subordinate to the higher level " . On critiqua le culte de la personnalité: le titre de Newton (supreme...) et le changement de nom des Liberation Schools en Huey P. Newton Youth Institutes. La tendance de Cleaver disparaissa assez vite. Newton, lui, organisa une série de purges pour chasser les infiltrés et ceux qui étaient en désaccord (dont Bobby Seale). Le parti n'exista quasiment plus, en 73 il n'y avait plus que 150 membres à peu près, et ce dans la zone originelle de la bay area. Newton ne s'en prononça pas moins pour la nécessité de continuer les Community programm, de reconnaître le mouvement homosexuel et le mouvement féministe comme partenaire politique possible. Il nomma Elaine Brown à la tête du parti lorsqu'il passa dans la clandestinité; le parti étant lui déjà basé sur la non-violence, le parlementarisme, le travail social. Bobby Seale avait déjà affirmé en 1972 que la révolution se basait sur les élections. Le capitalisme n'était plus fondamentalement critiqué; le capitalisme noir devait dans une période de transition aider à élargir l'antagonisme entre la Community opprimée et la domination monopoliste. Newton dit: " ce que nous devons ainsi faire: renforcer les qualités positives du capitalisme noir jusqu'à ce que les négatives soient dépassées et ainsi bouleversent la situation ". Les capitalistes noirs devaient cofinancer le programme du parti. Mais le parti n'était plus une force politique. Et entre 81 et 83 tout disparaît. b)la Black Liberation Army (BLA) Il ne reste alors que la BLA, black liberation army. Elle s'appelait à l'origine, en 1970, l'Afro-american Liberation Army et était issue de l'expérience de la répression massive contre le BPP. Des structures clandestines s'étaient formées pour protéger ceux qui passaient dans la clandestinité d'éventuelles arrestations ou assassinats. Il n'y avait pas de structure centralisée, mais de petites cellules autonomes, nombreuses dans certaines villes. Le programme minimal était le même que celui décidé le 31 mars 68 à Chicago comme union entre différents courants nationalistes et anti-impérialistes du mouvement noir, à savoir l'organisation Republic of New Afrika. Une république noire devait être formée à partir des Etats de Louisiane, Mississippi, Alabama, Georgia, et Caroline du sud. La ligne est fondamentalement politico-militaire, avec des actions que les blacks peuvent tout de suite comprendre (attaques contre la police...). En 1973 la plupart des cellules avaient été anéanti, la plupart des combattants tués ou arrêtés. A la mi-70 on consolida les restes du BLA par le BLA-Coordinating-Committee. Une minorité forma sa propre organisation en 78, la Revolutionary Task Force (appelée aussi The Family) avec le soutien d'ancien Weathermen. Il y avait donc des activistes noirs, et blancs, dans le but d'une " modification révolutionnaire et d'un processus croissant d'unification ". Le KKK est analysé, et comme conclusion on en arrive au fait que " les masses dans les quartiers urbains doivent former des unités d'auto-défense populaire afin de se défendre - maintenant! On a besoin de programmes afin de poser pour nos jeunes des exemples révolutionnaires positives et qui doivent être développés en théorie et en pratique - maintenant! ". Est également affirmé que les millions de $ nécessaires doivent être rassemblés sous contrôle des révolutionnaires pour les différents programmes dans les Communities. Au niveau culturel comme pour les médicaments. Est également affirmé la nécessité de ne jamais toucher des civils. Et comme conclusion: " Nous devons avoir une nation! Nous devons avoir une armée! Il n'y aura pas d'holocauste noir! " Assata Shakur, une des fondatrices de la BLA, fut libérée de sa prison par un commando de cette organisation et se réfugia à Cuba. Cette action fut extrêmement populaire. Sur de nombreux murs de ghettos on pouvait lire " Assata is welcome here ". Une membre (blanche) du commando la libérant fut arrêtée; Silvia Baraldini est depuis toujours en prison et fait l'objet de tractations pour être amené dans une prison de son pays (l'Italie). Il y eut de très nombreuses actions (contre des banques...), notamment en soutien à un hôpital et à des centres de soin destinés aux gens du South Bronx (New York). Lorsqu'en 81 une attaque contre un fourgon à West Nyack (New York) amena l'arrestation de membres de la revolutionary armed task force, ce fut le début de la fin, des arrestations s'en suivirent. De plus l'organisation s'était en partie discréditée à cause du fait que certains des éléments avaient affaire à la drogue alors qu'était affirmé que la drogue était un moyen impérialiste pour empoisonner le peuple noir. La BLA se trouve quant à elle - après l'écrasement de la mi-80 - " actuellement dans une phase de réorganisation des liaisons politiques du mouvement d'indépendance pour la New Afrika " (position en 1990). Notons également qu'il y a eu d'autres groupes, très nombreux: la Symbionese Liberation Army (SLA)qui enleva Patricia Hearst pour réclamer 70 $ par pauvre des Usa à son père millionnaire. Patricia Hearst s'engagea après dans le SLA! Il y eut The Son of Brinks, Armed Resistance Unit, Red Guerilla Resistance , Revolutionnary Fighting Group, United Freedom Front, la Brigade Georges Jackson... c)La situation actuelle Il est évident que quand un mouvement se termine les gens se dispersent et s'éloignent de la lutte de classe, et donc de la pratique de la lutte de classe. Stokely Carmichael a pris le nom africain de Namen Kwamé Turé et participe au All African People's Revolutionary Party fondé par Kwame Nkrumah avec comme but un socialisme panafricain. Il voyagea aux Amériques, en Afrique, dans les Caraïbes et au Proche-Orient. Eldridge Cleaver, lui, résida à Paris grâce à Giscard après que l'Algérie en ait eu assez de son soutien à des noirs détournant des avions sur Alger. En novembre 75 il retourne aux USA se rendre et fut libéré en 76 sur caution. La justice bourgeoise ne le condamna finalement qu'à 2000 heures de travail dans une bibliothèque. Il était entre-temps devenu anticommuniste, chrétien et partisan du parti républicain. Angela Davis fut libéré en 1972 grâce à une caution de 102.500 $ . Elle fut acquittée quelques mois plus tard. Elle voyagea dans les pays du " socialisme réel " (RDA, Tchécoslovaquie, Cuba...) et est depuis 77 prof de fac à San Francisco pour les Black Studies et les questions des femmes. Elle fit partie jusqu'en 91 du CPUSA (après un bref passage dans les années 60/70 au BPP), où elle fut exclu pour appartenance à l'aile exigeant des réformes dans le parti. Elle est toujours une réformiste critique reconnue. Newton arrêta en 1972 d'être politiquement actif, et écrit quatre livres: To die for the people (72), Revolutionary suicide (73) puis ensemble avec le psychologue Erik H. Erikson In search of common ground (73) et avec Ericka Huggins Insights and poems (75). Il étudia la philosophie sociale. Devant les poursuites pénales et les rumeurs qui ne le lâchaient plus, il s'exila à Cuba, et voyagea dans le 1/3 monde. Il retourna à Oakland en 77 mais le FBI ne le lâcha pas pour autant. Perquisitions, accusations de meurtres, etc. Pendant ce temps là il fut actif dans des projets d'éducation alternatives dans les Communities et fit un doctorat de philosophie: War against the panthers: a study in repression in america. Newton craqua finalement et pris de la drogue, puis tenta de se libérer et fut à nouveau actif, notamment en faveur de Pratt (alors que Pratt avait été arrêté un peu à cause de Newton). Il fut retrouvé mort en août 89, dans des conditions bizarres (drogues? FBI?). Elmar " Geronimo " Pratt fut arrêté en décembre 1970 à Dallas au Texas. Il fut accusé d'avoir cambriolé et tiré le 18 décembre 1968 avec un autre noir sur le couple Caroline et Kenneth Olson sur un terrain de tennis à Santa Monica en Californie. Depuis Geronimo est en isolement, ne put pas aller à l'enterrement de sa femme assassinée, qui était alors enceinte au huitième mois (en 1971). Son procès commença en juin 1972, dès le 28 juillet il est considéré coupable. Pourtant Kenneth Olson, qui a survécu à sa femme, affirma que le meurtrier était rasé de près, cequi n'est pas le cas pour Pratt depuis des années. Et Olson avait identifié sur un album photo de la police une autre personne. Un troisième témoin parla d'une voiture qui était à peu près celle de Pratt, mais elle était tellement courante que tous les panthères de L.A. l'avait! Pratt avait un alibi: il était à une rencontre nationale du BPP, 400 miles au-dessus d'Oakland, mais la fraction de Newton ne dit rien à cause de la scission. Kathleen Cleaver aurait voulu témoigner mais le FBI veillait et envoya une lettre à son mari comme quoi il serait dangereux pour elle d'apparaître... De plus la rencontre du BPP avait été mis sur écoute par le FBI. Mais lorsqu'en 81 on l'écoute, les parties où il devait y avoir Pratt ont " disparu ". Pratt avait été arrêté sur dénonciation d'un indic payé par le FBI. Le FBI nia que Pratt fut la liste du COINTELPRO; et deux personnes du team de défense de Pratt au procès étaient des indics du FBI qui informaient de la stratégie de défense! En mai 76 on accusa Pratt d'être le chef de la BLA à partir des prisons californiennes, un " top organizer ". Aujourd'hui, fin 95, Pratt est toujours en prison. Bobby Seale, la tête du BPP, fut presque maire d'Oakland; et lui et Elaine Brown firent une candidature non pas indépendante comme prévue au départ, mais finalement démocrate. En 1974 il quitte Oakland, et est aujourd'hui actif dans la Temple University Philadelphia, et est l'auteur de livres de cuisine, comme Barbecue with Bobby. Au niveau des organisations, un état des lieux est plutôt difficile. L'Islam est devenu une valeur refuge pour beaucoup, mais sans pour autant que le communisme soit rejeté. On peut prendre l'exemple de Mike Tyson qui, devenu musulman lors de son passage en prison, s'est fait tatouer le portrait de Mao-Tsé-Toung [ainsi que Guevara, sur le ventre] (les photos de lui sont depuis souvent retouchéesŠ). Il faut bien comprendre que, pareillement à en Italie, c'est par la prison qu'est diffusée l'idéologie révolutionnaire, les cadres étant en prison! Même si aux USA cela se passe dans une grande proportion (puisqu'il y a un million de prisonniers sociaux dans les geôles amérikkkaines). On peut citer à ce sujet le MIM (Maoist Internationalist Movement), qui part du point de vue de la triple oppression (racisme, sexisme et capitalisme comme triple oppression) et du maoïsme, et considère le BPP comme l'avant-garde de la nation noire opprimée dans les années 70. Le MIM diffuse de la littérature révolutionnaire dans les prisons, diffuse les lettres des prisonnierEs en lutte, etc. [Depuis quelques années nombreuses sont les accusations contre le MIM, censé être manipulé par la CIA. Ces affirmations semblent se confirmer.] Existe aussi le NAPO (New African People's Organisation), dont un représentant est passé donner des conférences en Allemagne il y a quelques années. En lutte pour la Nouvelle Afrique socialiste, le NAPO ne se veut pas "nationaliste noir" mais "néo-africain", car luttant dans le contexte bien précis de la domination de la nation noire dans les régions du Sud des USA. Les islamistes sont également très puissants, sans faire pour autant l'unanimité. Ainsi en 1995, Qubilah Shabazz, fille de Malcolm X, tenta d'assassiner Louis Farrakhan, leader de la Nation of Islam (ce dernier groupe aurait été à l'origine du meurtre de Malcolm X). La position dominante des islamistes ne doit pas cacher le fait que la culture maoïste est toujours présente dans les mouvements noirs et que les maoïstes sont toujours en lutte. » ‹‹‹‹‹‹‹‹‹‹‹‹ < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net