copy.cult on Sat, 3 May 2003 12:50:22 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Affaire Danone contre Réseau Voltaire


http://www.reseauvoltaire.net/article9582.html


Affaire Danone contre Réseau Voltaire
La liberté d'expression plus forte que le droit des marques

À l'issue de deux ans de procédure, le Groupe Danone a été débouté de
toutes ses actions contre le Réseau Voltaire. Le géant de
l'agroalimentaire n'avait pas apprécié que notre association porte sur la
place publique, en éditant le site « Jeboycottedanone », le cas des
licenciements spéculatifs des usines LU. Ne souhaitant pas un procès sur
le fond, le groupe Danone avait attaqué en justice par le biais détourné
du droit des marques, en incriminant notamment le détournement de son
logo. La Cour d'appel de Paris s'est opposée à la prétention des
multinationales d'utiliser le droit des marques pour limiter la liberté
d'expression.


Le 11 avril 2001, le Réseau Voltaire mettait en ligne un site internet
dédié à la contestation des lienciements boursiers intervenus dans
plusieurs usines du Groupe Danone. Le site relayait l'appel à la « grève
des caddies » lancé par l'intersyndicale, invitait les citoyens à prendre
l'engagement public de boycotter les produits Danone tant que durerait le
conflit, et offrait un forum permettant à chacun de débattre avec les
syndicalistes. Répondant à l'émotion suscitée par cette opération, le
Parlement se saisissait de la question des licenciements boursiers et
adoptait dans un large consensus une loi de modernisation sociale. De son
côté, le Groupe Danone maintenait ses licenciements, mais offrait des
conditions de départ plus avantageuses aux personnels concernés.

« Jeboycottedanone » fut la première campagne politique nationale qui se
soit développée en France à partir d'un site internet.

Au cours du bras de fer qui opposa alors Danone au Réseau Voltaire, la
multinationale de l'agro-alimentaire nia que les licenciements aient un
mobile spéculatif, mais renonça pourtant à poursuivre l'association en
diffamation. Évitant avec soin le débat de fond, elle poursuivit le Réseau
Voltaire pour infraction au droit des marques au motif que le site
reproduisait en le caricaturant le logo de Danone. Menant tambour battant
plusieurs procédures avec une armada de juristes, la multinationale au
capital de 150 millions d'euros parvint à contraindre l'association à
fermer le site et à la faire condamner en dommages et intérêts, ainsi
qu'un de ses partenaires, Olivier Malnuit.


Cependant, revenant sur ces décisions, la Cour d'appel du tribunal de
Paris a débouté, le 30 avril 2003, la Compagnie Gervais Danone et le
Groupe Danone de toutes leurs demandes. Les magistrats ont validé
l'analyse du Réseau Voltaire : cette affaire ne relevait pas du droit des
marques et il ne pouvait y avoir de « contrefaçon » car il n'y avait pas
de promotion de produits concurrents ; elle relevait de la liberté
d'expression, laquelle est un droit constitutionnel, consacré par les
conventions internationales, et qui ne saurait être limité par le droit
des marques.

Cet arrêt se situe dans la ligne de ceux rendus dans l'affaire opposant
Elf au collectif de Noël Mamère et François-Xavier Verschave, « Elf ne
fera pas la loi en Afrique », et dans l'affaire Esso contre Greenpeace.
L'ensemble forme une jurisprudence cohérente. Dans des situations
différentes, les magistrats se sont portés garants de la suprématie du
droit d'expression dans une société démocratique sur toute forme de droit
commercial, qu'il s'agisse du droit de la propriété intellectuelle ou du
droit des marques. Cette victoire de la démocratie est un échec cuisant
pour certaines grandes entreprises qui, aujourd'hui à travers l'Accord
multilatéral d'investissement (AMI) ou l'Accord général sur les services
(AGCS), tentent de substituer le pouvoir économique au pouvoir politique.

Une des particularités de l'affaire Danone contre Réseau Voltaire aura été
de confirmer que, dans une société démocratique, la liberté d'expression
est indivisible et s'applique donc indistinctement à toutes les formes
d'expression, y compris graphique. En conséquence, la reproduction par des
tiers de logos de marques, pour désigner ces marques ou les sociétés qui
les exploitent, est légitime quelle que soit l'exclusivité que confère la
propriété de ces logos. En outre, dans le cadre d'une expression graphique
parodique, il est légitime de caricaturer ces logos. Cette clarification
juridique était particulièrement attendue par les dessinateurs, les
vidéastes, les webmestres et d'une manière générale tous les spécialistes
de l'image.

« Nous sommes fiers d'avoir une fois de plus défendu la liberté et fait
avancer le droit dans un domaine d'activité nouveau comme l'expression
politique sur le Web », a déclaré Thierry Meyssan, président du Réseau
Voltaire. « Cette affaire n'est pas terminée pour autant, a-t-il
poursuivi. Au cours de l'opération jeboycottedanone, notre site internet a
été déconnecté illégalement par des intermédiaires techniques, puis
attaqué par les pirates d'une milice patronale. Nous avons réussi à
identifier les auteurs de ces attaques et nous avons porté plainte contre
eux. Un juge d'instruction a été désigné qui ne devrait plus tarder à
entendre un des directeurs du Groupe Danone, ainsi que le directeur d'un
cabinet d'intelligence économique. Des journalistes, des associations, des
syndicats et des parlementaires qui se sont exprimés sur le site et qui
ont été, eux aussi, victimes de ces attaques ont annoncé qu'ils se
portaient parties civiles à nos côtés. Pour que la liberté d'expression
soit effective, il faut encore sanctionner ceux qui détruisent les outils
d'expression. »


 
 
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