Aris on Thu, 29 May 2003 01:01:04 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Avant le contre-sommet du G8, les medias s'activent en ligne


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Avant le contre-sommet du G8, les médias s'activent en ligne
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Petite revue de sites "déviants"

A quelques jours du sommet du G8 à Evian, la nébuleuse altermondialiste 
s'ébranle et clôt les préparatifs désormais presque rituels des 
contre-sommets. Petit tour d'horizon en ligne.

Les multitudes en marche luttent pour faire entendre leur voix, en 
ligne. Dans ce concert multi-plateforme, des associations et collectifs 
très différents se font entendre. Alors que les médias institutionnels 
relaient le discours sécuritaire officiel, les médiactivistes 
souhaitent, encore et toujours, offrir d'autres canaux d'information.

Lieux d'information et de mobilisation, les sites qui contestent le G8 
servent d'abord d'outils pratiques aux militants.

	Le camp des altermondialistes

Les altermondialistes ne pouvant pas accéder à la "zone rouge" où se 
déroule le sommet officiel, ils seront cantonnés dans des espaces où 
leur contestation pourra s'exprimer. Les deux campements principaux, 
situés près d'Annemasse, ont chacun une vitrine en ligne, que ce soit le 
Village intergalactique ou le Vaaag (Village alternatif, 
anti-capitaliste et anti-guerre). Les futurs manifestants peuvent y 
puiser toutes les informations dont ils ont besoin pour l'organisation 
de leur séjour et de leurs activités militantes (voir par exemple cet 
agenda).

D'autres campements existent côté suisse, comme à Lausanne ou Genève et 
les deux points de ralliement officiels se décomposent eux-mêmes en 
plusieurs espaces très différents, qui ont souvent leurs propres pages 
en ligne. Le Point G, un village féministe non-mixte contre le G8 en 
fait partie.

Enfin, Anti-G8, est un site touffu, revendicatif et plein d'humour, qui 
rend compte d'une initiative hilarante : mettre le feu au lac.

	Portails sur le pont

Au-delà de ces zones temporaires, physiques et virtuelles, des 
structures actives toute l'année créent souvent sur leur site des 
sections spécifiques pour les événements d'Evian. Parmi eux, le 
collectif Bellaciao, créé en février 2002 pour relayer auprès des 
internautes français l'actualité militante altermondialiste italienne ou 
la célèbre association Attac.

Le collectif international d'info contributif Indymedia est bien sûr 
très mobilisé. La section suisse, [Indymedia Suisse romande est sur le 
pont, en son et en images.

Enfin, deux initiatives cherchent à construire des espaces médiatiques 
alternatifs "unitaires".

Le portail Mediactivism.org (lire l'interview d'Aris Papathéodorou) est 
à la fois un système d'information et de communication, une base 
documentaire, une boite à outils et un réseau d'échange de savoirs... Ce 
"medialab" peut aussi se lire comme un test préparatoire aux futures 
expériences autour du [Forum Social 
Européen->http://www.mediactivism.net/article.php3 ?id_article=21], qui 
se tiendra en septembre à Paris et Saint-Denis. On y trouve 
mailing-lists, wiki (site dont les internautes peuvent modifier toutes 
les pages, NDLR), bibliothèque, espace de téléchargement de logiciels 
libres...

Avec l'iniative medialter.org, une partie de l'ancienne équipe de 
Mediasol, le portail de l'économie solidaire, forte de son expérience 
passée reprend à l'occasion du G8 son travail d'information en gardant 
une même veine éditoriale. Lancé il y a quelques jours, Medialter 
succède à Mediasol, actuellement en sommeil car lâché par une partie de 
ses financeurs.

Selon Joëlle Palmieri, de Medialter, il s'agit toujours de "donner la 
parole aux gens et de mettre en perspective, en débat, leurs différentes 
opinions, qu'ils soient professionnels de l'information ou pas". Selon 
elle, ce projet est "plus orienté mouvements, alternatives, résistances 
pour un autre monde" que l'ancien portail. Au milieu des autres 
initiatives strictement militantes, Medialter réunit des titres 
"professionels", comme Témoignage Chrétien ou Territoires, et des 
associations et ONG comme le Cedetim ou 4D (Dossiers et débats pour le 
développement durable).

	SMS au bord du lac

Mais les sites web ne sont qu'une partie des ressources et moyens de 
communications anti-G8 et les militants n'ont que l'embarras du choix 
entre les nombreuses mailing-lists, ces listes de diffusion par email 
souvent plus pratiques et rapides que les pages internet.

Pour le sommet d'Evian, un système de publication par SMS sera même 
disponible, sur Project-Hive. Cette plateforme propose aux militants 
d'envoyer infos et photos à partir de leur téléphone portable ou de leur 
assistant personnel. Une initiative bien pratique quand les ordinateurs 
se font rares, si tant est que les autorités ne gèlent pas les réseaux 
de téléphonie mobile, comme cela a plusieurs fois été évoqué.

Polixene Fixy

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Source : Transfert.net - http://www.transfert.net/a8882
Tous droits réservés | © Transfert.net


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"Rendre accessible le travail des médias alternatifs à Evian"
[Aris Papathéodorou]
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Un des pères de Mediactivism.org nous invite à un parcours "hors-piste" 
dans l'info alternative

Aris Papatheodorou est graphiste, journaliste et activiste. C'est un des 
fondateurs de Samizdat, un portail créé dans le mouvement des grèves de 
décembre 1995 par un collectif d'une dizaine de militants, "pour 
permettre l'expression des sans voix, sans légitimité, sans papiers...

Depuis plusieurs mois, Aris Papatheodorou travaille avec d'autres 
groupes européens à l'élaboration de Mediactivism.org, un nouveau 
portail destiné à être une chambre d'écho et un laboratoire des médias 
alternatifs. A la veille du début du contre-sommet d'Evian opposé au G8, 
il explique la vision qui sous-tend ce projet de long terme et les 
spécificités des médias "différents".

-- Vous lancez, à l'occasion du contre-sommet du G8, le portail 
Mediactivism. Quel est son but ?

-- Mediactivism s'est constitué au moment de la conférence zelig.rc2 
(Rencontre d'activistes des médias et de l'Internet, en décembre 2002 à 
Paris, NDLR). Il s'agit de faire avancer la coopération entre les 
acteurs des médias alternatifs en Europe. Les premières occasions de 
tester ce nouveau portail seront le G8 à Evian, le Forum social européen 
à Paris en novembre prochain et le Sommet de la société de l'information 
(WSIS) à Genève en décembre.

L'idée c'est d'ouvrir un espace, ou plutôt des espaces, pour 
expérimenter des dispositifs de communication, pour tester des outils, 
pour faire circuler du savoir et de l'expertise.

Mediactivism.org, c'est une zone autonome temporaire pour avancer dans 
un processus plus large de coopération entre ceux qui produisent de 
l'information et du savoir en dehors des canaux institutionnels.

-- Les outils mis en place autour de votre portail Samizdat, comme le 
fil d'info Hacktivist News Service, ne suffisent-ils pas à couvrir 
l'évènement ? Pourquoi créer une nouvelle plate-forme ?

-- Mediactivism est une initiative lancée par des membres de Samizdat, 
effectivement, mais qui se veut indépendante, plus ouverte et plus large 
qu'un simple collectif. C'est pourquoi il y a une mailing list, un 
"portail" thématique, Mediactivism.org et un site de documentation, 
Mediactivism.net. A ce dispositif viendront s'ajouter d'autres outils, 
comme un wiki (un site contributif dont les pages peuvent être ajoutées 
et modifiées librement par les internautes, NDLR), un canal de 
messagerie instantanée cryptée, etc.

Dans les milieux alternatifs et militants, il y a quand même des formes 
d'autisme, de repli identitaire sur son propre groupe, ses propres 
références et mythes politiques. Il y a des moments où il faut savoir 
faire du "hors-piste", sortir de la simple reproduction de sa propre 
activité, pour emprunter des chemins de traverse.

-- Des voix dissidentes, comme la revue Silence, critiquent la 
pertinence des contre-sommets : à quoi servent-ils, si ce n'est à 
ritualiser et à baliser des espaces "anti" finalement peu dérangeants 
pour l'ordre établi ?

On peut effectivement se poser la question. En même temps, un mouvement 
a besoin de temps forts de mobilisation, et c'est souvent l'agenda de 
l'adversaire qui les détermine... Le problème, c'est finalement de 
savoir ce que l'on est capable de construire comme relations et comme 
capacités d'actions pendant ces temps de mobilisations, au-delà leur 
côté rituel ou leur "récupération".

A propos de récupération, je pourrais répondre à la manière du vieux 
Marx : la lutte est à la fois la contestation de l'état de choses 
présent et le moteur de son renouvellement. Ce qui compte, c'est le 
mouvement et sa capacité à produire des espaces de liberté, et non les 
jugements moraux sur une pureté "radicale" abstraite.

-- Le discours "altermondialiste" ne devient-il pas caricatural à 
l'extrême, à force de simplification, notamment lorsque, comme lors du 
sommet d'Evian, convergent et s'unissent des mouvements aussi différents 
que les groupes libertaires et des courants plus réformistes comme Attac ?

-- Il n'y a pas de discours "altermondialiste" en soit, mais des 
multitudes de discours, de subjectivités, de sensibilités. Là-dedans, il 
y a bien sûr de vieilles idéologies de gauche, comme l'idée d'une 
régulation étatique des marchés, ou des courants historiques de la 
critique radicale, comme les libertaires. Mais il y a surtout une foule 
de "choses exotiques" et très créatives, des petits groupes, des ONG, 
des réseaux plus ou moins informels.

Les pouvoirs établis, dont les médias, se focalisent sur Attac et le 
Black Bloc parce qu'ils ont besoin de repères simplistes, vendables 
comme spectacle. Nous, nous regardons les multitudes, avec leurs 
grandeurs et leurs faiblesses. Et là, il n'y a pas de discours 
"réformistes" ou "radicaux", mais la polyphonie d'un monde vivant.



-- Sur votre site vous lancez également une rubrique "Mediawatch", en 
collaboration avec Action-critique-médias (Acrimed). Observer les 
médias, c'est dans "l'air du temps". En quoi votre approche se 
différencie-t-elle de celle des "spécialistes officiels", sociologues ou 
journalistes ?

-- Disons que, tant de notre côté que de celui d'Acrimed, il y a une 
volonté de confrontation et de coopération, de réduire la séparation 
entre la critique de la raison médiatique et la production alternative 
d'information et de communication. Une des mille façons de produire de 
la coopération au sein les multitudes.

-- En quoi Mediactivism se distinguera-t-il des autres médias 
contributifs dont la limite, en France, semble avoir été atteinte avec 
l'échec récent du portail Indymedia France ?

-- Dans son état actuel, le site Mediactivism est une sorte de 
"méta-média" : nous nous contentons de proposer un espace de visibilité 
et de coopération. Mediactivism n'est pas, et ne veut pas être, un média 
"de plus".

De fait, nous ne prenons pas position sur les pratiques des uns et des 
autres. Que les sites syndiqués fonctionnent ou pas selon un principe de 
libre contribution n'est pas important. Même s'il est notoire que nous 
ne sommes pas de chauds partisans de la contribution libre à la mode 
Indymedia... (lire "Comment tourne Indymedia France ?")

Les limites de la contribution libre sont évidentes et, d'ailleurs, de 
nombreux versions d'Indymedia commencent à introduire des formes de 
modération (lire "Indymedia le journalisme en liberté"). En même temps, 
la richesse de l'expérience globale du réseau Indymedia, c'est d'avoir 
mis l'accent sur la nécessité de faire exister des espaces de pratique 
de la communication ouverts aux non-spécialistes.

Avec Mediactivism, nous expérimentons nous aussi les systèmes ouverts de 
communication, tout en cherchant à contourner les "effets pervers" de la 
contribution libre. Pour y arriver, nous tentons d'inventer des méthodes 
de coopération, de rédaction à plusieurs mains, des espaces de 
publication plus "intimes", etc...

Pour le G8 d'Evian, ce qui nous intéresse, c'est de centraliser le 
travail fait par divers médias alternatifs pour éviter qu'il ne se 
disperse et finisse par se perdre sur le web et les listes de courrier 
électronique confidentielles. Nous ne souhaitions pas créer un 
dispositif de production d'informations supplémentaire, mais plutôt 
valoriser la richesse et la diversité des médias alternatifs dans leur 
ensemble.

-- Comment dépasser les limites de l'auto-publication : diffusion 
hâtive, désinformation, surexcitation militante... ?

-- Il n'y a pas de limite à l'auto-publication ! Publication hâtive, 
désinformation, surexcitation militante... ce sont des composantes 
naturelles d'une pratique de l'information qui ne vise pas à 
l'objectivité. Qu'est-ce, au fait, que l'objectivité ? Nous revendiquons 
la subjectivité, en assumant le risque d'un certain décalage avec la 
réalité. Un décalage qui, de toute façon, sera toujours moins important 
celui qui existe dans le "récit objectif" des médias dominants.

Prenons l'exemple des chiffres de participations aux manifs : les 
militants les gonflent à souhait, les flics les réduisent parfois 
jusqu'à des chiffres ridicules, et les médias tranchent pour donner un 
chiffre qui veut être un "juste milieu". C'est ça l'objectivité !

Mais ce n'est pas la réalité, parce que la réalité ce ne sont pas que 
des chiffres et des pourcentages, mais ce qui se passe dans une courte 
unité de temps entre un certain nombre de personnes. Et, dans la 
réalité, il y a parfois des choses bien plus riches dans une street 
party de 2000 personnes que dans une manif unitaire de la gauche avec 
quelques centaines de milliers de manifestants.

Polixene Fixy


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Le portail Mediactivism:
http://www.mediactivism.org/

Le centre de documentation de Mediactivism:
http://www.mediactivism.net/

Le site du Forum Social européen à Paris/Saint-Denis:
http://www.fse-esf.org

Le site du Sommet mondial de la société de l'information à Genève:
http://www.wsisgeneva2003.org/

Le portail Samizdat.net:
http://www.samizdat.net

Hacktivist News Service (Samizdat):
http://hns.samizdat.net/

"Ils pourront toujours se brosser avec leurs lois", interview d'A. 
Papatheodorou et J.-P. Masse (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a1890

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Source : Transfert.net - http://www.transfert.net/a8880
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