Louise Desrenards on Sat, 11 Oct 2003 17:12:03 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Hey! Woman! I'm just OK to run now... L'opus au sablier numérique


Info de routine ('vaut mieux tard que jamais)

Cousu main para-techno
... De l'excès des frames comme stratégie critique
de la grapique programmation : même si on l'aime.

Happy Queer to criticism mass !


Merci de faire suivre...

Louise D pour Ali&

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ÉDITORIAL
aux illimitrophes...
http://www.criticalsecret.com/n11_12
« Appareil ‹ accident »
Paris ‹ New-York
été indien, automne 2003

Couverture thématique :
Motif interactif algorithmique
en Flash, et HTML de couverture,
Icônes originaux par :

Hidekazu Minami

 


L'ÉTÉ DE TOUS LES TREKKINGS

  Quand il a quitté la terre, les bords de mer n'étaient déjà plus ce qu'ils
paraissaient : pétrole, goudrons, phosphates, mercure, virus, bactéries,
radioactivité, avaient rendu les plages infréquentables pour les baigneurs
lesquels, refusant d'en devenir les arpenteurs nostalgiques, avaient déserté
jusqu'à l'horizon océanique... Une expression prit réalité : battre la
campagne.
   Il se souvient de son bikini masculin, plutôt un slip qu'un string, l'été
1955, à Paris.

   Elle y est, défiant du sourire qui la voit pudibonde en
maillot-de-bain-une-pièce, assise sur la berge, pubis inaccessible plaqué
sous la jupette en haut des cuisses dénudées, non épilées ­ maintenant il se
dit que le contraire fut plus remarquable à l'époque ‹ qui l'inspirent...
  Il songe, nageant le Crawl depuis le Pont Neuf, tandis qu'il la regarde
serrer ses cheveux, au bout de l'île du Vert Galant, elle a les bras levés
vers la nuque, il pense qu'il tiendra bientôt des trésors de beauté :
sait-elle cela possible ? (la « pilule » n'existe pas encore, il faut se
débrouiller autrement après séduire, affronter des drames mettant en péril
la tranquillité des familles et des personnes. Alors tout commence mal, elle
le reçoit dans la maison de vacances de ses parents, il doit sauter par la
fenêtre depuis le premier étage pour fuir le père, venu frapper à la porte
de sa fille, pris d'un doute). A vingt ans, accablé sur la terre battue de
l'allée, les talons brisés, il attend ; vient la mère de la jeune fille, le
découvre en lamentable position.

  Ils se marièrent donc : on appelait cela « une histoire d'amour ». Il
pense qu'alors l'amour entre « les deux sexes » était toujours fatal en
quelque sorte, avant la possession. Il se demande ce qu'est exactement
l'amour aujourd'hui. Tout cela devint tellement relatif après, se dit-il,
loin de la valeur. 
  Et de tous les accidents du monde Là-bas, se demande-t-il toujours,
qu'émerge-t'il maintenant du destin des hommes ?


Aliette Guibert-Certhoux



ESCAPING TIRELESS SUMMER
(The summer of Trekking all)

   As he left the ground, the sea shores were not what they seemed anymoreŠ
Oil, gasoline, tar, vasoline, viruses, radioactivity left the beaches wild
and impossible to lay by for the crowd which was invisible to the very end
of the ocean sky, refusing to feel regretful while walking on the sandŠ Some
words came true : running through the land, like a fool.
  He remembers her bikini, her so male-like bikini, a panty rather than a
thong, summer of 55, in Paris.

   She¹s there, a sarcastic smile for whom would see her as kind and lovely
one piece swimsuit cutie, sitting by the river, unreachable pubis stuck
underneath the skirt below her naked hairy thighs which inspire him so
fucking much ­ now he thinks that the contrary would have been more shocking
thenŠ
   Crawling from Pont Neuf bridge, some thoughts, while watching her
arranging her hair, far away on the other side of the Vert Galant island,
raising her arms to her sweet neck, he thinks he soon will hold some
treasures of beauty : does she think it is possible ? (the "pill" has not
existed yet, having to figure out how to deal with the post seduction
period, to deal with the peaceful families. The very beginning was wrong,
he¹s at her place, her parents¹ holidays house, he has to jump over the
second floor window to avoid facing the suspicious father came knocking on
her daughter¹s door)Š Twenty, on the knees bending over the alley sand, he¹s
waiting : then comes the young girl¹s mother, finding him in a pathetic
situation.

   Then they married: a "love story", as they used to call it at this time.
He thought love between a man and a woman before the possession was always
like a lethal weapon. He wonders what love is nowadays. All this, he says to
himself, becomes so relative after, far way from the value.
  And concerning all the accidents of the world out there, still he¹s
thinking, what about the fate of human beings?


A. Guibert-Certhoux Translated by Paul Korstine

Firt version by Olivier Quernez



US-English online translated by Paul Korstine

Primitive version by Olivier Quernez


www.critcalsecret.com/n11_12
Appareil­Accident


Direction artistique et Réalisation
The Infamous

Installations artistiques et vidéos-cuts
(excepté nonarte)
Gallien Guibert

Webmaster éditorial
Traducteeur en français
Olivier Surel

Installation de la revue Utopie
Adrien Rocant


--------

Editorialiste du thème
Daniel Guibert

Ligne éditoriale, rédactrice en chef
Aliette Guibert

Éditorialiste de Peter Eisenman
Alexis Meier

Partenaire critique
David Christoffel

Éditorialste de la Photographie
Simon Guibert

Cinema Editorialist
Andrea Grunert

Stagiaire de la rédaction bilingue
et du multimedia
Maxime Liance

--------


Artiste invitée de l'opus :
Julie Morel

Performance en duplex online / offline
www.criticalsecret.com/n11_12
Batofar / quai François Mauriac, Paris
11 septembre 2003

Programmation transmouvance
criticalsecret, une soirée
tous les deux mois
Aliette Guibert,
partenaire Lomitko
Juliette Fallourd & Jérôme Sullerot

Remerciements :
Michael Sellam
from incident.net
ArthurGuibert 

---------
Texte événement en version intégrale:

MAX ET LES ÉTOURNEAUX (Théâtre)
par Frédéric Pontonnier-Mény


---------

Remerciements :
 
Jacques Boulet,
David Christoffel www.criticalsecret.com/davidchristoffel
Jean-Louis Déotte,
Jean-Louis Dupré www.unregardmoderne.com
Peter Eisenman www.eisenmanarchitects.com
Stéphane Gatti www.laparole-errante.fr
Daniel Guibert www.criticalsecret.com/danielguibert
The infamous www.thegenre.com
Tom Johnson www.tom.johnson.org
Marc-Éric Laïn www.letaxiprod.com
Hidekazu Minami www.thejetty.org
Julie Morel www.incident.net/users/jmorel
Alexandre Moors www.anthropic.net
Hubert Tonka www.senstonkaediteurs.com

nonarte www.nonarte.org

Mat Jacob & Tendance Floue Photo-reporters
www.tendancefloue.com

---------

Liens électifs de l'Opus 11_12 :
www.soundtoys.net
www.rhizome.org 
Hommage à 
Julie Morel et à Hidekazu Minami

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S O M M A I R E
http://www.criticalsecret.com/n11_12/sommaire.html


www.criticalsecret.com théma-anachronique
Double issue # | n° | 11-12 Summer, Indian Summer 2003

APPARATUS-ACCIDENT | APPAREIL-ACCIDENT
Dedicated to ³Hungry Boundless²Š
dédicacé aux IllimitrophesŠ

Flash Player 6 & Real Player nécéssaires / required




     THEMATIC PATTERNS / FLASH HOME COVER
Tapîs algorithmique en Flash et html de couvertures et motifs extraits
by Hidekazu Minami



EDITO
L'ÉTÉ DE TOUS LES / THE SUMMER OF ALL / TREKKINGS
Par Aliette Guibert-Certhoux
US-English translation by Paul Korstine

First translation by Olivier Quernez



ABSTRACTS 
EN FRANCAIS ET EN ANGLO-AMÉRICAIN
ENGLISH US AND FRENCH ABSTRACTS

Bilingual concept by Alexis Meier/
except 3 in French only by Olivier Surel


PRÉFACE / FOREWORD
RUPTURE D¹INDIVIDUATION / INDIVIDUATION BREAKDOWN
Par Daniel Guibert,

US-English translation "Collectif criticalsecret" directed by Alexis Meier.



AROUND GROUND ZERO SEPTEMBER 2001
A tribute by « Tendance Floue »
1. Olivier Culmann
2. Mat Jacob
3. Patrick Tourneboeuf
Three Photo Reports installed by The Infamous




BEFORE SARS | AVANT LE SRAS
Three Photo Reports by Matt Jacob
4. Cola Party
5. Hong-Kong 2000
6. Hong-Kong Panorama
Installation by The Infamous


NIHIL INC.
Par Sylvain Courtoux
Épisode 2 
Épisode 3 : « Occident_à_bout_portantTM »



POÉME-CATALOGUE À TOM JOHNSON
Par David Christoffel

Musical Extracts from www.tom.johnson.org © Éditions 75, Paris
Video-cuts by Gallien Guibert / Installation by The Infamous


ZUT | POÉZIE EN PROSE
Poème épique en 59 pages écrites et liées par Jean-Daniel Dupuy

Installation hyperliée et sonorisée par The Infamous




LUCIEN BONNAFÉ, DERNIER ENTRETIEN
Hommage au fondateur de la Psychiatrie Institutionnelle
Idisparu au printemps 2003

Entretien filmé et réalisé par Stéphane Gatti




STARBUCK : HOLGER MEINS
Durch Andrea Grunert (DE)
Traduction française par Jacques Boulet



D'UNE ESTHÉTIQUE DE LA SPATIO-TEMPORALITÉ
DANS LE CINÉMA DE TARKOVSKi
Par Carole Wahnoun



DEUX COURTES DIGRESSIONS
sur la place du corps dans la communication Internet
Par Xavier Malbreil



LADY LOVELACE DECEPTION SYSTEM
A film written and directed by Alexandre Moors
12 '


MODE DE VIE / WAY OF LIFE
Videos / vidéos générées,
Poèmes et dessins, programmes et samples
Drawings and Poems, Data-processing and Samples
Par / by Julie Morel

1.   InAbsentia 4' 05"
2.   generique 5' 15"
3.   enumeration 5' 53"
4 a  soumission 4' 40"
4 b  submission 4' 40"
6.   Ce que je fais (abstracts, note d'intention, note biographique)



NONARTE
Contremanifeste collectif multimedia ,
Récit et installation critiques.
Par | by | con nonarte (IT)



MAX ET LES ÉTOURNEAUX
³Théâtre" (Texte intégral)
Par / by Frédéric Pontonnier-Meny


LA STRATÉGIE DE L'ESCARGOT
Par Joani Hocquenghem



DETAILS FROM MARSEILLE
Sketch Photos by the Painter Jean-Claude Sarpi

Installation by The Infamous



GYPSIES ANYWHERE
Six Pieces Drum¹n Bass by Valses de Vienne (v2v ­ Le Taxi Prod)
1. Dawn
2. Morning
3. Midday
4. Afternoon
5. Evening
6. Night




PETER EISENMAN : AN ARCHITECTONICS OF THE ACCIDENT
By Alexis Meier 

* This issue has been possible with the help of Eisenman Architect's office,
particularly Richard Rosson by welcoming me and using their documentation.
We thank Peter Eisenman for his consideration on my research and the
interview that he gave to me. AM

TEXTS and personnal contents unpublished/
Textes et documents personnels inédits.
----
1. DIALOGUE WITH PETER EISENMAN
Bilingual / Traduction française par Olivier Surel

2. LA TRACE DERRIDIENNE
DANS L'ARCHITECTURE D'EISENMAN

3. CONFERENCE
Elementary approach of the philosophical background
in the architectural work of Peter Eisenman

VIDEO
----
4. SIX SHORT CUTS
FROM 41, 20TH WEST STREET NEW YORK N.Y.

ICONOGRAPHY 
---------
5. THESAURUS FOR THE CONFERENCE
(44 views)

6. THE MODEL WORKSHOP
(36 views extracts drom 5 projects)


7. SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE WORKSHOP
(Venise, Biennal 2002 ; 26 views).

Installation by The Infamous





1. CABANNE PROJECT 
( 22 viewes and Text Intro)

2. BUSAN TOWER COMPLEX, KOREA
(6 viewes)

3. TARKOWSKY HOUSE 
(planche du concours)





Séminaire annuel février-juin 2002, inédit/ unpublished
Maison des Sciences de l¹Homme Paris-Nord

« La notion d¹appareil est l¹oublié de la philosophie, de la philosophie
politique comme de l¹esthétique. (Š) On peut définir l¹appareil par une
double fonction : d¹un coté le dispositif qui met à disposition l¹événement,
qui le formate (Š), de l¹autre, du côté de l¹appareil proprement dit, la
capacité de libération de l¹imagination, telle que de l¹événement puisse
surgir, un nouvel apparaître. (Š) »

« Appareil, événement, architecture » / Sous la direction de :
Jean-Louis Déotte, Lieux et transformations de la philosophie
(DEA ; Directeur Jean-Louis Déotte ; Université de Paris VIII).
Jacques Boulet, Théories et projets de l¹Architecture
(CEAA : Directeur Jacques Boulet ; Ecole d¹Architecture de Paris La
Villette. Co-responsable Daniel Guibert ; Ecole d¹Architecture de Paris
Malaquais).

1.QUESTIONS ET OBJECTIONS (À UNE THÉORIE
EN DEVELOPPEMENT)
Par Alain Brossat

2.WALTER BENJAMIN : L'APPAREIL URBAIN
Par Jean-Louis Déotte

3.FAIRE VILLE
Par Jean-Paul Dollé

4.FICTION MACHINALE OU ÉVÉNEMENT D¹APPAREIL CRITIQUE
Par Daniel Guibert

5.ENTRE L¹ÉVÉNEMENT ET LE CONCEPT
Par Henri-Pierre Jeudy

6.L¹ÉVÉNEMENT DU SECRET URBAIN
Par Alain Mons




ANNEXE
HOMMAGE À LA REVUE UTOPIE (1967-1984)
Archives citation
nstallation / par / by Adrien Rocant
IRemerciements / Tanks: Hubert Tonka



POSTWORD | POSTFACE
ActionScript Quote / Citation
Loulou Picasso, 
may have posted in Early Summer 2003
LAS VEGAS NAKED BAMBI
to www.unregardmoderne.com


EPILOGUE
Midsummer vision
À Palavas-les-flots, l'été 2003
Photo par / by Olivier Surel




INFO !
SUR LES ARTISTES ET AUTEURS THÉMATIQUES
ET LEURS LIENS / INFORMATIONS AND LINKS FROM THE ARTISTS AND AUTHORS


Attention : Tous les documents inédits sauf les archives historiques
des sujets de référence / All unpublished contents except
Historical Archives on Subjects

=================================================



Q U E L Q U E S  A B S T R A C T S

Concept et résumés bilingue par Alexis Meier
Sauf 3 en Français seulement par Olivier Surel




STARBUCK - HOLGER MEINS
Par Andrea Grunert 


Abstract

L'humour comme arme n'était pas suffisant pour Meins. Il a troqué sa camera
contre les moyens de la puissance physique, tandis que Conradt et
quelques-uns de ses interlocuteurs sont restés dans le cinéma. Meins avait
décidé d'un autre niveau de combat social et de vérité. Aussi dans Starbuck
- Holger Meins de nombreuses questions restent sans réponses, à savoir
comment en est-il arrivé à cette décision. Le réalisateur les laisse
consciemment ouvertes, s'abstient de toute tentative laborieuse
d'explication, que de toute façon seul son protagoniste disparu aurait pu
donner, si toutefois il l'avait pu. Par là, son film se différencie de ceux
issus du thème du terrorisme en Allemagne. Pas plus qu'il ne tente un
portrait précis de la République Fédérale des années soixante et
soixante-dix. Mais, au passage, le spectateur en tire une compréhension des
plus pénétrantes. Le passé agite toujours le présent. D¹où l¹événement.



 

STARBUCK - HOLGER MEINS
Par Andrea Grunert 


Abstract 

Humor as a ³weapon² was not sufficient for Meins. He exchanged his
movie-camera for physical power means, whereas Conradt and some of his
interlocutors stay in the cinema. Meins has decided to be at another level
of social fight and ³truth². Therefore, in ³Starbuck-Holger Meins² several
questions remain unanswered, ³how did he arrive to this decision². The
director leaves the questions consciously open, avoids any ³laborious²
attempt of explanation that, in any case, only his departed protagonist
would have been able to give. Then, his film distinguishes itself from those
born in the German terrorism topics. No more than he attempts to give a
precise picture of the Federal Republic in the sixteen's or seventeen's.
During the same time the spectator has a penetrating comprehension. The past
still agitates the present. As result, the event.


_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

 

W. BENJAMIN : L'APPAREIL URBAIN
Par Jean-Louis Déotte

Abstract

Quand Benjamin analyse les passages, il le fait plutôt sur le modèle du
Freud de la Traumdeutung (la Science des rêves) que sur celui,
thermodynamique, de la machine sociale marxienne. Benjamin, c'est plutôt le
travail du rêve (déplacement de l'affect, condensation, absence de négation
et donc de différence des temps, prise en compte de la figurabilité) et
l'inconscient comme bloc magique d'écriture que la machine à vapeur. La
force de Benjamin, c'est d'avoir isolé un type architectural - le passage -
qui jusque là n'avait pas retenu l'intérêt des historiens de l'architecture
et de leurs caractérisations par styles (antique, byzantin, roman, gothique,
Renaissant, baroque, classique, etc) censés faire époques. Benjamin a situé
cet appareil par rapport à l'histoire économique ­ la marchandise -, par
rapport à une nouvelle valeur d'art - l'exposition -,en en faisant la clef
de toute philosophie à venir de l'immanence (les flux, les circuits, les
connexions, les dérivations, les coupe-circuits deleuziens, etc.), et cela à
partir des caractéristiques les plus simples d'un appareil architectural. A
savoir : une rue invaginée, un intérieur sans façades ayant la consistance
d'un boyau, une lumière artificielle (au gaz) sans la transcendance du
soleil, où les rêveries circulent au rythme lent d'un univers feutré, où les
femmes s'exposent comme des marchandises. Bref, Benjamin a inventé l'urbain
supplantant la ville. Les utopies du XIXème ont été générées dans ce lieu et
par cet appareil (Saint Simon, Grandville, Fourier, Daumier, un certain
Marx). Ce sont des rêveries de l'intérieur, d'un intérieur saturé, où toutes
les surfaces disponibles supportent des inscriptions . C'est dire que la
vérité d'un tel lieu, ce sera une littérature de citations ou un art de
panneaux . Pourquoi ?




W. BENJAMIN : URBAN APPARATUS
By Jean-Louis Déotte

Abstract

When Benjamin studies the « passages », he does it by using the Freud model
of ³traumdeutung² (the science of dreams) rather than the thermodynamic
model of social machine proposed by Marx. Benjamin is more interested by the
work of the dream (displacement of affect, condensation, absence of negation
and then difference of time, use of the ³figurability²) and the unconscious
as a Mystic Writing Pad rather than the steam engine. Benjamin has strongly
isolated an architectural type ­ the ³passage² ­ that had not retained the
interest of historians of architecture until now, and their stylistic
criteria (Antique, Byzantine, Roman, Gothique, Renaissance, Baroque,
Classical, etc) supposed to ³make age². (epoch-making).
Benjamin located this ³apparatus² with regard to the economic history ­ the
merchandise -with regard to a new art value ­ the exhibit -, by making it as
the key of all future philosophy of immanence (flux, circuits, connexions,
diversion, Deleuzian cut-circuit (switch-off), etc., and all that from the
simplest features of an architectural apparatus, as an ³vaginal space²
street, an inside without façade, with consistency of a bowel, with an
artificial light (illuminating gas) without transcendence of sun, where the
meditations slightly circulate in an smooth universe, where women exhibit
themselves as merchandises. Benjamin has invented the urbanity as an
alternative to the the town. Utopias of the XXth century have been generated
in this place and by this ³apparatus² (Saint Simon, Granville, Fourier,
Daumier, a certain Marx).
These are ³interior² meditations, a saturated inside, where all the
available surfaces support inscriptions. ³Truth² of a such place will be a
literature of quotations or an art of boards (boarding arts ). Why ?

 

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

 

ENTRE L¹EVENEMENT ET LE CONCEPT
Par Henri-Pierre Jeudy

Abstract

Qu¹un événement puisse produire une « mise en fiction » de la construction
théorique, est-ce là le signe d¹une mode intellectuelle récente ? Loin
d¹être un prétexte ou une preuve, l¹événement induirait un certain mouvement
de la pensée, l¹entraînant dans une aventure qui l¹exacerbe, qui la rend
plus radicale en chassant les moindres complaisances que lui offre le
travail de l¹objectivation scientifique. La fiction ne serait pas d¹ordre
seulement métaphorique, elle donnerait forme à la construction théorique
elle-même, telle une trajectoire de l¹abstraction conceptuelle. Il en va
d¹une aventure complexe, difficile à soutenir, car l¹événement ne quitte pas
aisément son statut de témoignage, comme en atteste l¹usage qu¹en font les
journalistes. De la même manière qu¹un psychanalyste utilise le fragment
d¹un rêve fait par un patient pour élaborer ses réflexions et les
communiquer à ses confrères, les journalistes et les sociologues prennent un
événement pour démontrer la justesse de leur analyse. Fétichisé, l¹événement
a pu sembler donner une impulsion première à la pensée, mais son rôle s¹est
épuisé dès lors qu¹il ne servait que de réflecteur fournissant des copies
conformes à toute analyse d¹une réalité pourtant en acte. A force de
répondre au seul principe de la réflexivité, il a perdu ses capacités de
rendre possible une certaine figuration du devenir. Quand on parle désormais
de non-événement, on laisse entendre, d¹une manière consensuelle, que plus
rien ne paraît faire événement.



 

BETWEEN EVENT AND CONCEPT
By Henri-Pierre Jeudy


Abstract

If a event could produce a put in fiction of a theoretical construction
could it be however the sign of a recent intellectual fashion. More ever
than a pretext or a proof, the event inducte a certain mouvment of thinking,
in an adventure that striking it, making it more radical by dismissing any
willingness from an objective scientific study (work). The fiction doesn¹t
relieve from a methaphorical order, but could give a form to a theoretical
construction it self, such a trajectory of a conceptual abstraction. Like a
complex adventure, difficult to support when the event does not leave easily
its witnesses status, which is used by the reporter (media) themself.
As the psychoanalyst use a dream ³fragment² of a patient to elaborate his
own speculations communicating them to his colleagues, reporters and
sociologists use the event just to demonstrate the correctness (justness) of
their analyses. ³Fetishised² , the event may seems has given a basic
impulsion to the thought, until these days, but now its role is wearing
itself as soon he just become a reflector of the realifurnishing identical
copies of a reality in act.
Strongly responding on the simple principe of ³reflexivity², event loose
it¹s own capacitiy to make possible a certain ³figuration² of the becoming.
We may admit now, when talking about a non-event, we understand from a
³consensus² way, that nothing can now make ³event².




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ACCIDENT D¹INDIVIDUATION PERIPHERIQUE
SOUS INFLUENCE D¹APPAREIL MYTHIQUE
Par Daniel Guibert

Abstract

Si le mouvement révolutionnaire du XVIIIème siècle use et abuse du
référentiel des figures d¹individualisation mythiques gréco-latines, le
mouvement qui prend acte à la fin du XIXème siècle, à l¹apogée du
capitalisme industriel, s¹applique a contrario à reconstituer une mythologie
séculière de l¹Histoire. Il produit ses propres figures symboliques
référentielles, ses héros progressistes et historiques spécifiques : le
militant sacrifié-salvateur, le producteur sacré, le combattant armé de la
cause juste, l¹intellectuel organique, le guide scientifiquement éclairé des
masses, détenteur de la connaissance vraie, etc. Toutes figures d¹un sujet
héroïque d¹une Histoire instanciée et légiférable que Nietzsche condense
génériquement en homme sublime ou supérieur, en « pénitent de l¹esprit ».
Qu¹en est-il dans la situation présente ? Le retour-recours à la question
des modalités d¹une individuation relationnelle « transindividuelle » porte
à considérer que dans l¹intérêt soudain pour les modes contemporainsde cette
individuation, se désignerait, sur fond d¹un déficit déceptif, le constat
d¹une carence malheureuse de figures référentielles. La question se poserait
d¹accidents psychiques provoqués, propres à assumer, suivant la crise
civilisationnelle profonde des grands récits progressistes et de leurs
héros, le rôle par exemple de « centres actifs » (puisque le recours aux
énoncés de Gilbert Simondon a été engagé) ou encore de « structures
figuratives » ou « profondes », prédisposées au dépassement de cette crise.
Le postulat implicite de cette conjecture serait que de nouvelles figures
ontologiques accidentelles et épistémologiquement catastrophiques, devraient
relier et renouveler les référents symboliques des rapports entre
individualisations psychiques et civilisation.




ACCIDENT OF PERIPHERAL INDIVIDUATION UNDER
THE INFLUENCE OF A MYSTICAL APPARATUS
By Daniel Guibert

Abstract

If the revolutionary movement of the XVIIIth century use and abuse of the
mythical Greco-Latin individuation characters, in return, the movement which
were born at the end of the XIXth century, at the industrial capitalism
apogee, help at the contrary to rebuilt a singular mythology of History. He
produce his own referential symbolic characters, his specific ³progressist²
and historic heroes : the devote (sacrificed) ­ saving militant, the holly
producer (farmer), the armed fighter of a just cause, the organic
intellectual, the guide of the masses (scientifically enlightened), detainer
of the true (real) knowledge, etc. All are the marks of an heroic subject of
an instancié and légiférable (legislate) history that Nietzsche generically
reduce in a sublime or superior human, in a penitent spirit.
What is the present situation ? the ³return ­ recourse² back to an
interrogation on the modality of the ³transindividual² rational
³individuation² or the sudden interest for the contemporary way of
³individuation², design an ³deficit-disappointment² background (that is to
say an unfortunate lack of referential characters)
The question of the ³provoked psychic accident² may be asked. Regarding the
deep crisis of great progressist narratives and heroes. Accident could
assume for instance the role of ³active centres² (since the resort of
Gilbert Sinondon¹s statements has been engaged) or ³figurative structure² or
³deep structures², to overpass that crisis. new accidental and ontological
figures epistemologically catastrophic, should link and renew the symbolic
references of the relation between psychic ³individuations² and
civilization.



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L¹EVENEMENT DU SECRET URBAIN
Par Alain Mons

Abstract

Ce qui m¹intéresse est de parler de lieux urbains qui ouvrent sur la
perception d¹un secret de la ville. Du moins le lieu est considéré dans sa
paradoxalité extrême, là où se télescopent des dimensions contrastées comme
l¹étendue plate et l¹aspérité, la transparence et l¹obscurité, l¹absence et
la présence, le vide et la densité, l¹immédiat et le différé.
On peut dire que l¹espace urbain dans son mouvement quotidien engendre une
opacité intrinsèque, une sorte d¹illisibilité, malgré le projet urbanistique
de la transparence propre à la modernité.
Or tous ces lieux-trames produisent leur propre secret, aux formes certes
très différentes.
A condition de considérer l¹ambivalence du secret en ce qui nous concerne.
On l¹a répété, étymologiquement le secret indique ce qui est mis à part, ce
qui est réservé (se-cernere), la séparation donc. Comme si avec le secret on
se retirait du monde ostensible. Tout aussi bien il est une suspension des
choses, du temps, de l¹espace. Comme le remarque Louis Marin, le secret
paraît bien ne pas être: là réside sa paradoxalité incongrue. Le sentiment
du secret est déclenché par une apparition (dévoilement du visible) à la
limite d¹une disparition (voilement du monde) dans le lieu même que nous
appréhendons. Quelque chose nous saisit à un endroit de la ville que nous
traversons, un flottement envahit ma conscience qui défie le discernement,
la possibilité de caractériser rationnellement




THE EVENT OF THE URBAN SECRET
By Alain Mons

Abstract

I would talk about about urban places opening on a perception of a ³secret²
of the town. At least the ³place² is seen here in its extreme paradox
nature, including its contrasting dimensions : the flat surface and the
asperity, transparency and obscurity, absence and presence, emptiness and
density, immediacy and delay.
Urban space seen in its daily movement create an intrinsic opacity, a kind
of illegibility, even if the urban project of the transparency is born from
the modernity.
Now, all these ³framed ­ places² produce their own secret, with different
shapes. If we consider the ambivalence of our secret.
Etymologically the word secret means what is ³on the side² what is it
reserved (se-cernere), the partition then. With the secret, we could retire
of the ostensible world. But it could also mean a suspension of things, time
and space. Louis Marin¹s remarked that the secret seems not to be a secret.
Here it¹s its improper ³paradoxality². The feeling of a secret is provoked
by an ³apparition² (revelation of the visible) closed from a disappearing
(hiding of the world) in the space that we apprehend.
Something is stricken us, in aplace as crossing the city, an hesitation
overcome my conscience challenging my own possibility to characterize
rationally.



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QUESTIONS ET OBJECTIONS (A UNE THEORIE EN DEVELOPPEMENT)
Par Alain Brossat

Abstract

Descendu sur le boulevard Beaumarchais, je compris vite que je n'avais pas
vécu un xième remake de l'histoire du médecin fou, mais bien que j'étais
embarqué, avec tous mes frères humains, dans une nouvelle séquence,
enveloppé dans un événement dont les caractéristiques s'énoncent en premier
lieu sur un mode affectif, qui en appelle tout entier à une subjectivité
commune : inconcevable, effroyable, stupéfiant, sidérant, etc.
Cette anecdote me paraît faire sens, du point de vue d'une philosophie de
l'événement, à plusieurs niveaux. D'une part, car on y identifie une des
caractéristiques essentielles (sinon la caractéristique déterminante) du
régime de l'historicité qui s'est établi tout au long du désastreux XXème
siècle : cette propriété de faire survenir des événements ou des situations
à ce point dotés d'une capacité de sidération qu'ils conduisent spontanément
le public ordinaire à douter non seulement de la véracité des informations
transmises par des témoins, au sens le plus large qui soit, ou des
narrateurs, mais aussi, comme dans mon cas, à penser qu'ils ont affaire à
des fous. D'un autre côté, il apparaîtra que plus notre rapport au témoin
sera problématique, plus, en même temps, nous aurons besoin de lui. En
effet, le propre de notre condition de modernité est de nous mettre en
présence de situation ou d'événements avec lesquels nous n'entretenons pas
une relation de présence directe, physique, immédiate.

 

QUESTIONS AND OBJECTIONS (TO A THEORY IN PROGRESS)
By Alain Brossat

Abstract

Down on Beaumarchais Boulevard, I understood that I didn¹t leave a new
remake of the story of a mad doctor, but that I was embarked, with all my
human brother, in a new sequence, wrapped in an event which the
characteristics express themselves on an affective mode, a common
subjectivity : the inconceivable, fearful, astounding, stupefy, etc...
This anecdote seems making sense to me, from a philosophic of event point of
view at several levels.
By identifying an essential characteristic (maybe the determinant
characteristic) of the historical mode established all along the disastrous
XXth century : this property to let events or situations appear with a such
a great ³sideration² abilities that they lead spontaneously the ordinary
public to have doubts about the veracity of he information giving by the
witnesses, or the story-teller. As in my case to think about a mad story.
In the other side, relation to the wittness appear as problematic, when he
become useful for us. As the property of our modern condition is to face
events or situations without physical or direct presence



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FAIRE VILLE
Par Jean-Paul Dollé

Abstract

Ma thèse est la suivante. La ville n¹est pas tant un territoire ­ distinct
de son en-dehors naturel (la nature vierge) ou cultivé (la campagne) ­
qu¹une production de sociabilité et une prise de position
philosophico-politique. A tout le moins dans notre tradition occidentale,
inaugurée par l¹invention de la polis, alternative aux Grands Empires
­Babylonien, Assyrien, Perse et aux Palais, Citadelles ­ têtes et centres de
l¹espace lisse de l¹Empire. En effet, prenons dans l¹ordre ce qui dans la
tradition européenne se laisse penser sous le nom de ville. Sous cette
dénomination, se conjuguent trois fonctions qui traduisent tout autant
qu¹elles forgent l¹histoire de ce continent. La ville marché, la ville
architecturée, la ville machine de guerre. Dans cette longue durée, ces
trois instances (économiques, esthétique, militaire) s¹articulent, se
croisent et se déterminent l¹une l¹autre en privilégiant l¹une ou l¹autre,
selon les périodes et les aléas de la conjoncture. Mais quelles que soient
les modalités de leur agencement et la hiérarchie de leur classement
(d¹abord la fonction marché, ou d¹abord l¹aspect architecturé de la « Belle
Ville », ou d¹abord l¹efficacité de la construction de la machine de
guerre), ces trois fonctions-déterminations de la ville font système.


³ MAKING ² CITY
By Jean-Paul Dollé

Abstract

My thesis is this one. Town is not as much as a territory ­ distinct of it
natural out side (the virgin nature) or cultivated (on the country) ­ than a
sociability production and a ³philosophic-political² posture. At least in
our occidental tradition, initiated by the invention of the polis, an
alternative of great Empires ­ Babylonian, Assyrian, Persian and their
Palace, Citadel ­ head and centres of the Empire¹s ³smooth² space. Indeed,
lets take in order what, in the European tradition can be think under the
name of ³town². Under that denomination, there is three conjugate functions
which translate, as well as they fabricate, the history of that continent :
the market town, the architectural town and the war machine town. During
that long time, this three instances (economical, esthetical, military)
articulate, cross and determinate each other by privileging one or the other
functions, according to the different time, risks and circumstances. But
whatever are the modality of their combinations and their hierarchy (first
the market function, or first the ³architectural² look of ³beautiful town²,
or first the efficacy of the war machine construction), these three town¹s
³functions-determinations² create themselves a system.



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FICTION MACHINALE
OU
EVENEMENT D¹APPAREIL CRITIQUE
Par Daniel Guibert

Abstract

Gaston Bachelard : « Comment susciter un évènement de la raison ? » Admettre
l¹opération « susciter un événementŠ » suppose encore de considérer cet
espace de conjectures ouvert sur la conception des choses. Elle suppose
ainsi d¹établir cet espace de conjectures comme fiction de concevoir
évènementielle, et cette dernière comme machinale c¹est-à-dire comme chose
devenue automatique et, au fond, comme mode techné logique du faire être.
Dans ce mouvement actif d¹actualisation, qu¹en serait-il d¹un appareil
critique et de son conditionnement raisonnable ? Quel évènement peut encore
être attendu d¹un tel appareil ? D¹un appareil critique qui aurait pour
objet l¹examen des conditions d¹une conception non-réductionniste d¹un
événement-chose, d¹une chose qui fait événement ? Sous ce conditionnement,
on se situera, pour exemple, du point de vue d¹un cas-limite celui d¹un
appareil critique « en architecture ». On envisagera par-là comment une
critique machinale évènementielle devient pensable ? Un tel point de vue
local se nourrit évidemment du secret espoir que cette fiction de concevoir,
appliquée ici « en architecture », possèderait en retour quelques
potentialités extensives ?



MECHANICAL FICTION
OR THE ³CRITICAL APPARATUS² EVENT
By Daniel Guibert

Abstract

Gaston Bachelard : « How to create an event from the reason ? ». Accept the
process ³create an eventŠ² still presume to considerate a ³speculation
space² open of the conception of the ³things². This process suppose to
establish this ³speculation space² as a fiction of an event¹s conception, as
some mechanical thing, something becoming automatic and, finally, as a
logical ³techne² mode of ³making being². Inside this active movement of
³actualisation² , what could be a critical apparatus and it reasonable
³conditioning² ? 
What kind of event could result from such an apparatus ? a critical
apparatus based on the studies of the ³event-thing², its non-reductive ­
conditions, that¹ s mean : a think making event.
Let¹s take for instance the ³limited-case² of a critical apparatus in
architecture. How to make thinkable a ³mechanical critic of event² ? Such
local point of view include a secret hope that the fictive possibility to
conceive, apply here in architecture, could detain in return few wide
potentiality ?




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DEUX COURTES DIGRESSIONS SUR LA PLACE
DU CORPS DANS LA COMMUNICATION INTERNET
par Xavier Malbreil


Comment se faire une place dans l'impalpable univers des nouvelles
technologies, quand son idéal réalisé git dans le fantasme de
l'ubiquité totale ? Le regard ne suffit pas, la sensibilité est en
reste. L'absence du corps physique qu'engagent les nouveaux modes de
communication et de création informatisés (ici la communication écrite
via le courriel ou e-mail et les oeuvres intéractives multimedia)
ouvrent à des perceptions individuelles radicalement inédites ne
serait-ce qu'au niveau de la réception de l'information et du
décryptage de l'intention dont le message fait objet.




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ELEMENTS D'UNE ESTHETIQUE DE LA
SPATIO-TEMPORALITE CHEZ ANDREI TARKOWSKI
Par Carole Wahnoun

Il s'agit de développer en quoi la forme cinématographique, à partir de
l'étude d'une affection singulière de la spatio-temporalité à l'oeuvre
dans le cinéma d'Andrei Tarkowski, fonde un appareil critique du
sensible et dont les dispositifs stylistiques engagent des modes
d'être discursifs et politiques dans l'articulation et la succession
des situations du récit et de ses événements, qui se portent vers la
possibilité d'une relation inédite au temps et à l'espace élémentaires.
Ceci tout en considérant et en traversant son oeuvre (Nostalghia,
Andrei Roublev, Le Miroir ou encore Stalker) son engagement subjectif
de créateur quant à sa production et quant à l'expérience même du
spectateur.



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NIHIL INC, 2 ET 3
Par Sylvain Courtoux

‹ Les preuves de notre barbarie sont là (vous pouvez faire le décompte
depuis 45) ‹ Tu peux foutre ça en boucle : «Justice is lost / Justice
is raped / Justice is gone / Pulling your strings / Justice is done» tu
peux foutre ça en boucle ‹ Bienvenue à Nihil, Inc. [un peloton
d'exécution en forme de monde] ‹ Nous comptons ici beaucoup sur votre
sympathie nous comptons ici beaucoup sur votre nostalgie nous comptons
ici beaucoup sur votre propension au mal (les preuves de notre barbarie
sont là) ‹ Bienvenue à Nihil, Inc.


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L A   P R É F A C E (réponse à la Revue Multiudes)


Accident d¹individuation périphérique
sous influence d¹appareil mythique


1. 
    A propos d¹individuation, j¹ai pris le risque de quelques remarques,
légèrement interprétatives 1. Toutes ces précisions, filiations et
réflexions impliquaient, selon moi, le retour sur l¹examen du rapport
qu¹entretient Friedrich Nietzsche au mythe grec 2, plus précisément à
certaines de ses figures, modalités génériques d¹une pensée ontologique
critique de l¹individuation humaine, rapport introductif aussi à un au-delà
du mode d¹existence « moderne ». Ce recours de Nietzsche aux figures
mythiques d¹Apollon et de Dionysos, n¹est pas que de pure forme ou
d¹esthétique ni qu¹investissement mystique. Ce recours pose la question des
référents imaginaires et symboliques explicitement mobilisés (mobilisables),
activés pour promouvoir des modes d¹individuation humaine psychique, en
rapport avec des modes d¹existence collectifs non déterminés ou réduits à un
état de la technique ou des rapports sociaux, dans des contextes
civilisationnels variables. Et dans le cas de Nietzsche, ce recours pose la
question d¹un mode provoqué d¹individuation psychique dans un contexte
réfléchi comme révolu, insupportable, faisant l¹objet d¹une pensée
transgressive, tendue vers la civili-sation autre, pensée d¹une
individuation radicalement désirée-délirée, voulue-conçue et vécue par
Nietzsche sur le mode de l¹anticipation pratique.
    La question du rapport des processus psychiques d¹individuation aux
figures symboliques de la mythologie péri-méditerranéenne sera par la suite
autrement traités par les fondateurs de la psychanalyse, autant que par ceux
des études d¹anthropologie comparative sur l¹imaginaire individuel et
collectif, leurs concepts descriptifs de ces processus psychiques ou encore
récemment par la philosophie quand ces figures s¹inscrivent comme «
personnages conceptuels » 3. La référence aux figures symboliques du mythe
panthéique grec, pratiquée par diverses compréhensions référentielles des
processus d'individuation humaine, ne sera pas close pour autant. Ces
figures joueraient implicitement par exemple un rôle nodal et modal sous
formes de « centres actifs », comme l¹écrit Gilbert Simondon 4, suivant en
cela la figure d¹une « mécanologie » évolutionniste telle celle de Jacques
Laffitte, ou encore celle positionnelle du « brayage » pour une sémiotique
du discours 5.
    Se pose ainsi, à propos d¹une référence individualisante, la question de
l¹actualité d¹un aspect de la pensée critique de Nietzsche, son engagement à
l¹égard de ces fi-gures mythologiques, au rôle qu¹il leur fait jouer dans
l¹énonciation de sa prise de position philosophico-critique existentielle,
liée à sa tentative de dépassement accidentel 6 de l¹une de ces figures
référentielle d¹individuation concentrique au bénéfice d¹une autre plus
acentrique ou périphérique, ceci visant une critique généralisée de la
civilisation occidentale.
    Conjecturons déjà que si le mouvement révolutionnaire du XVIIIème siècle
use et abuse du référentiel des figures d¹individualisation mythiques
gréco-latines, celui qui prend acte à la fin du XIXème siècle, à l¹apogée du
capitalisme industriel, s¹applique a contrario à reconstituer une mythologie
séculière de l¹Histoire ; il produit ses propres figures symboliques
référentielles, ses héros progressistes et historiques spécifiques : le
militant sacrifié-salvateur, le producteur sacré, le combattant armé de la
cause juste, l¹intellectuel organique, le guide scientifiquement éclairé des
masses, détenteur de la connaissance vraie, etc. Toutes figures d¹un sujet
héroïque d¹une Histoire instanciée et légiférable que Nietzsche condense
génériquement en homme sublime ou supérieur, en « pénitent de l¹esprit » 7.
    Qu¹en est-il dans la situation présente ? Le retour-recours à la
question des modalités d¹une individuation relationnelle « transindividuelle
» porte à considérer que dans l¹intérêt soudain aux modes contemporains de
cette individuation, se désignerait sur fond d¹un déficit déceptif, le
constat d¹une carence malheureuse de figures référentielles. La question se
poserait d¹accidents psychiques provoqués, propres à assumer, suivant la
crise civilisationnelle profonde des grands récits progressistes et de leurs
héros, le rôle par exemple de « centres actifs » (puisque le recours aux
énoncés de Gilbert Simondon a été engagé) ou encore de « structures
figuratives » ou « profondes », prédisposées au dépassement de cette crise.
Le postulat implicite de cette conjecture serait que de nouvelles figures
ontologiques accidentelles et épistémologiquement catastrophiques, devraient
relier et renouveler les référents symboliques des rapports entre
individualisations psychiques et civilisation.
    Bref, suivant cette ligne de conjecture, quiconque a en mémoire quelque
chose sur le mythe apollinien et dionysien et ce qu¹il en est « vu » par
Friedrich Nietzsche 8 peut (re)penser sa démarche critique instauratrice,
tout en « devenir » existentiel et son passage à un « collectif »
acceptable. Dans l¹usage que Nietzsche installe non seulement du choix des
figures actives puis d¹un type de passage d¹une position impliquée de soi,
d¹une position initiale à une position radicalement concentrée sur un autre,
la dualité d¹une figure mythique complexe sera discutée par l'auteur, puis
tranchée. L¹enjeu de cette prise de position non incidente mais
volontairement accidentelle est sans doute plus qu'une esthétique. A ce
point se joue le drame d¹un mode d¹individuation humaine voulue-vécue comme
injure faite aux dieux, à la nature, à l¹humain comme à l'universel. Mais
qu¹importe pourvu que se vive l¹ivresse d¹un devenir-autre. Comment
construire une éthique disposée à préserver cette individuation
spécifiquement disruptive, tout en choisissant d'en résoudre la dimension
tragique en dehors (dit Nietzsche) de « ce que nous appelons une
civilisation » ? En dehors, c¹est-à-dire contre et au-delà de cette
civilisation qu¹il répugne à nommer comme telle. Ce qui laisse venir
qu¹individuation et civilisation réalisées ne peuvent constituer qu¹un seul
et même événement. Cela semble la question qu'il tente de résou-dre une
grande partie de sa vie, question qui semble, pour beaucoup, du maintenant.
    La chose, sur ce point de l¹individuation, en quel-ques mots (pas trop
surveillés), se présenterait pour Nietzsche (pour moi le lisant) ainsi :
l¹apollinisme moderne conquérant (clarté, luminosité, cristal du concept et
transparence du monde, toutes vibrations de la corde de la lyre apollinienne
qui fait danser le monde sous le char du soleil, mais sachant qu'une autre
corde tout aussi vibrante, celle de l'arc qui terrifie et transperce de ses
traits aussi bien d'esprit, tout opposant à la lumière), ainsi que notre
héroïsme historique douloureux (fin du 19e siècle, les impérialismes
s'affrontent sauvagement aux centres pour le contrôle de l¹extension
périphériques de leurs formes abstraites de concentration et des tentatives
de leur concrétisation) forment un tout. Ainsi, apollinisme moderne du
gestionnaire éclairé, du scientifique et de l¹ingénieur et héroïsme
historique de l¹intellectuel engagé contre la morale et ses institutions,
forment un tout ayant atteint, dans la conscience individuée de Nietzsche,
sa masse critique. C¹est pourquoi dit-il : « Tout notre monde moderne est
enfermé dans le réseau de la civilisation alexandrine et a pour idéal
l'homme théorique doué des facultés intellectuelles les plus hautes mises au
service de la science ; le type et l'ancêtre en est Socrate. » (op. cit.,
120-21).
    C'est ce tout de l'individuation moderne qualifiée d¹apollinienne, qu'il
lui faut résolument attaquer et résoudre en survalorisant son duel plus que
son contraire : le dionysisme. Par là s¹élaborent une position sur le
devenir (humain) et sa conception active, une condition de l¹être
subjectivement ressentie, accompagnée d¹une volupté curieuse de créateur,
entremêlées de colères destructrices provoquées des critiques incomprises.
Survalorisation critique non sans ambiguïté car Nietzsche restera attaché à
la forme d'individuation héroïque apollinienne dont la pureté et l¹éternelle
jeunesse continuent de le fasciner au plus fort de sa critique de
l¹apollinisme socratique 9.

2. 
    Suivant ces quelques traits et revenant à ce que convoque ceci que je
conjecture comme accident dans la pensée de l¹individuation, suit un
condensé de ce qui me semble significatif de la façon dont Nietzsche dénoue
ou plutôt tranche finalement cette question du référent privilégié pour
renouveler l'individuation psychique. Il fait alors comme si la vitalité,
son pouvoir d'émergence hasardeux et sélectif était tout entière du coté de
la dimension tragique des rapports qu¹entretiennent en eux et entre-eux des
individus emblématiques de communautés multiples. Cette tragédie de
l¹individuation se joue sur la scène d¹un théâtre de chants et de musiques,
scène primitive où s¹agitent, se construisent en se détruisant des êtres et
des territoires symboliques. Là opère ce qu'il sous-entend comme opérateur
princeps et discriminant des figures : un « art pur » : « Le dionysisme
comparé à l'apollinisme apparaît ici comme la force d'art éternelle et
originelle qui appelle à l'existence le monde des apparences tout entier, au
centre duquel une transfiguration nouvelle devient nécessaire pour retenir à
la vie le monde animé de l'individuation. » (op. cit., 162-163)
    Comme si la scène du savoir et de la connaissance n'avait pas part en
cette entreprise, sinon comme survaleur anthropologique venant elle aussi
d¹une prédisposition suprêmement universelle à la création, à un Kunstwollen
(Aloïs Riegl, 1898, 1901) générique, universel, faiseur, fabricateur
d¹individuation en devenir. Transfiguration, transduction ? Que nous dit ce
rapprochement ? Une transduction nouvelle obéit-elle au même principe de
nécessité vitale de passage ou de transfert d¹une figure symbolique à
l¹autre ? Et si la transduction appelle le biopsychique, y compris dans sa
dimension léthale, qu¹en est-il de cette transfiguration conductrice
d¹individuation psychique ? Reste que par l¹instrumentation de ce système
figural dual, non dialectique, et garantie de toute vitalité, « la vie étant
essentiellement immorale », (Essai d'autocritique, 1886 ; ibidem, 175),
Nietzsche s'attaquera à la morale plus qu'à la construction d'une éthique
productrice ou créatrice. Et cela afin, dit-il, de « retenir à la vie le
monde animé de l'individuation » ; et même si, de son propre point de vue,
la morale « se fonde sur la pure avidité d'exister ». Il s'attache ainsi à
promouvoir cette forme contrariante du « monde animé de l'individuation »
qui, du coup, s'oppose à cette autre forme contrariée d'individuation
inanimée, par trop éthérée, spéculative, trop attachée aux apparences et par
cela mortelle, selon lui. Parce que cet autre mode référentiel « nous
délivre du devenir », non pas de tout devenir mais de celui qui prend figure
de l'individuation apollinienne, socratique, techno scientifique,
technofictive 10. Ce mode de transfiguration volontaire (de transduction)
d¹une individuation vitale, comment le nomme-t-il ? Sa réponse persiste et
signe, signe encore une part non négligeable de notre transmodernité.
D¹abord par le changement de repère ou de référentiel tridimensionnel, d¹une
géométrie variable du réel, de l¹imaginaire et du symbolique : « En
philologue, en homme du verbe, je l'ai baptisée,  non sans hardiesse ‹ car
qui connaît le vrai nom de l'Antéchrist? ‹ d'après le nom d'un dieu grec :
je l'ai appelée le dionysisme. » (op. cit., 176)
    Et puis sur le mode conclusif d¹une individuation projective, totalement
identificatrice, en perpétuel devenir face à l¹autre, brisant définitivement
les liens organiques et symboliques de la dualité, cette autre énonciation,
envoi pathétique pour un ultime combat : « Cette fois-ci, pourtant, je viens
en tant que Dionysos victorieux, qui va mettre le monde en vacancesŠ Mais je
n¹ai pas beaucoup de temps. » 11(Extrait de sa dernière lettre " folle " à
Cosima Wagner) 
    Depuis, on sait que cette stratégie, que ce dispositif cognitif,
consistant à briser le lien symbolique de la dualité au nom d¹un dépassement
insurrectionnel et unidimensionnel du moi individué vers l¹Un, qui force
également l¹Autre à l¹Un, qu¹importe qu¹elle opère par l¹appareil de l¹art,
de la cyber-vitesse, par une militance de l¹autonomie ou par la guerre, on
sait qu¹elle confine à une « esthétique de la disparition », y compris sous
les formes les plus monstrueuses de relation à l¹autre.

3. 
    En cette figure de l'hyper-individuation délirante-désirante du
dionysisme, relationnalité indisciplinée et immorale, « follement »
attractive, racontée, récitée, chantée et jouée devant et avec le peuple de
la polis, prend également source et sens une conception re-formatrice et
re-fondatrice de la Cité, monde d¹avant alors mis « en vacances ». Cette
conception se veut anti-socratique, anti-apollinienne, certes, mais non pas
irrationnelle, seulement d'une rationalité autre, fondée sur d'autres modes
d'existence et d'autres valeurs, dont celles qui gèrent l¹altérité. Parce
que ces modes, selon le mythe invoqué, seraient plus vitales, notamment
parce que la féminité comme la servilité doivent y prendre part et place
déterminantes, des artéfacts et des techniques nouvelles s'imposeront au
socius, des m¦urs se reterritorialiseront, des êtres s¹individuali-seront
autrement.
    D'où cette issue tragique, interne au mythe, paradoxalement et
inéluctablement tragique : en un monde essentiellement machiste, Dionysos,
jeune dieu provocateur, éphèbe ludique et donneur de leçons politiques,
philosophe réalisé entouré de femmes et de nourrices qu'il détourne de leur
devoir domestique envers l¹oikos, ce réformateur d'entre-deux « classes »
(ni complètement homme ni totalement dieu) qui ainsi touche au telos comme à
l¹économie du topos, ce bâtard existentiel révélateur d'ivresse et
réformateur « du-dehors » des m¦urs de la Cité, cet acteur délimitatif,
producteur de concepts opératoires, ne pouvait être finalement qu¹assassiné
puis dépecé au couteau rituel par les Titans, meurtriers expiateurs, qui
finissent par l'accommoder en rôti-bouilli. Zeus le père, soustrait in
extremis le c¦ur de Dionysos au festin titanesque. Organe générique des
affects, il échappe au festin tragique des vengeurs du concept. Mais le
terrible comme le tragique enseignent ; seuls ils enseignent que l¹harmonie
de la vie collective n¹est pas indépendante de la fureur et du chaos, de la
cruauté et de cette « inquiétante étrangeté » dont elle se nourrit.
    Par ce coup de théâtre « didactique », le c¦ur subsistant (le reste
symbolique) permettra la régénération génomique de Dionysos. (Ce devenir
corporel rédempteur peut-il être comparé à celui d'Osiris dont les fragments
d¹un corps écartelé, dispersés aux quatre coins de l'Univers, devront être
rassemblés par Isis, la s¦ur-épouse ?) Grâce au père, Dionysos peut ainsi
poursuivre son oeuvre civilisatrice critique. Et la reconstitution d'un
corps dionysiaque n'est cependant pensé-pensable qu'à nouveau organiquement
lié au grand Tout cosmothéique préalablement bafoué par l'individuation
délirante-désirante, par sa vie-vitalité trop proche des désirs de l'humain,
par là trop-humain.

4. 
    Ce n'est pas, me semble-t-il, cette version interprétative du mythe
dionysiaque qui prévaut chez Nietzsche, du moins dans son écrit, mais une
appréhension perceptive et émotive plus simplificatrice : au lieu de
s'intéresser à la place de l'anthropophagie rituelle dans une société érigée
en modèle de démocratie, à l'évolution des techniques culinaires du rôti au
bouilli, évolution que les Titans violent sciemment en en inversant l¹ordre
temporel, à la sécularisation des états d'ivresse (la culture du vin et de
la vigne), à la place de la femme dans la formation de la Cité (Dionysos
sauve de l'Hadès Sémélé, sa mère morte en l'enfantant, comme il sauve Ariane
lâchement abandonnée par Thésée, sa performance toro-matchique accomplie ;
Dionysos l'épouse et l'instruit dans sa gloire urbaine, affirmation de
l¹affirmation de l¹être, figure requise d¹un devenir-actif 12 pour lui qui
combat l'excès de rationalité apollinienne dans une Thèbes qui ne laisse
place ni à l'irrationalité ni à l'inattendu qui provient du principe dual
13), Nietzsche réduit apparemment toute cette problématique mythique à l'art
du dithyrambe et à la place de la musique dans la hiérarchie des modes de
symbolisation. De fait, j¹opte pour une conjecture autre : Dionysos délimite
un nouvel espace pour penser (son) l¹individuation comme poiésis, comme art
de faire et de se faire par la relation empathique à l¹autre (relation
séductrice, amoureuse, cruelle aussi mais didactique, opératoireŠ), comme
poïétique de l¹être plus que comme poétique, fut-elle fusionnelle, en
reterritorialisant ainsi l'Art dionysiaque contre la Science apollinienne,
en privilégiant un devenir-art de l¹être, vecteur de l'accès à une nouvelle
connaissance et à la mobilisation instrumentale des savoirs sensibles. Mais
dans ce mouvement paralactique déchirant, dans cette tension vers le
décentrement de la figure référentielle pour une individuation transmoderne,
ce n¹est pas un « art pour l¹art » dix-neuviémiste qui est enjeu, c¹est un
art de combat excentriquement existentiel, qui attaque symboliquement «
du-dehors » le fonds du sujet moderne et de sa métaphysique, ses arguments
politiques et ses formes centralisées-centralisatrices de territorialisation
et d¹espacement.

5. 
    La revendication d¹une individuation totalisante « autre »
qu¹alexandrine et socratique trouvera ainsi pour Nietzsche sa contrepartie
édifiante. C¹est pourquoi son devenir et son issue se dessinent dans
l¹accord au destin tragique de Dionysos : il sera le philosophe refondateur
exaspérant, l¹étranger dans la Cité, le porteur d¹étrangeté, l¹alien
critique, comme le philosophe se fera Dionysos. Cependant, la forme
d'individuation humaine qu¹ainsi Nietzsche conjecture et conceptualise sous
l'égide du mythe, ne peut s¹opérer que par la disjonction d¹Apollon, le
terrifiant organisateur par l¹harmonie poétique et musicale, de son
autre-Dionysos, d¹avec sa fratrie symbolique ‹ ils sont tous deux fils de
Zeus mais non d¹Héra, car Zeus est aussi le mâle qui accouche et enfante de
tout son corps (Dionysos vient de sa cuisse) ; Zeus serait ainsi celui qui,
après avoir amené le monde au point de différenciation extrême, cherche à
réaliser simultanément la fusion du tout et la distinction des parties et
des principes, dont il est l¹Un. Gageons sur ce point que le mythe
cosmologique grec prend ensembles les figures symboliques Apollon-Dionysos,
les intègre comme deux versions indissolubles et sociables du même thème de
la genèse réformatrice du système politico-religieux de la polis. Une
lecture contemporaine du mythe 14 induit évidemment une distance critique à
l¹interprétation simplificatrice et disjonctive de Nietzsche. Surtout quand
ce dernier organise une lecture qui le porte à distinguer, hiérarchiser puis
disjoindre ces deux figures symboliques d¹une même volonté de puissance
ordonnatrice. Car si Apollon est le dieu qui habite à la fois la Cité des
hommes et les espaces purificateurs hyperboréens de ses « ressources », dieu
d¹un intérieur ordonné autour du foyer, oikos nomos et oikos logos,
Dionysos, le « dieu-qui-vient-du-dehors » n¹est que l¹autre forme duale et
critique de cet ordonnancement démiurgique plus que démotique de la Cité,
qui fonde, en principes, une démocratie autre. Au contraire de son principe
dual, Dionysos est porteur déterritorialisé d¹un oikos décentré,
incorporation originale d¹un principe contraire (contrarié-contrariant).
Quand Apollon se centralise et se concentre, impose à tous y compris par la
terreur son ordre spéculatif et son harmonie mathématique, Dionysos impose
son dé-sordre et son empire d¹affects tumultueux, sa territorialité
transgressive et « transductive » à un espace  psychique dé-raisonnable, à
un espace urbain sans limites, lui qui ne revendique rien d¹un lieu fixe, ni
d¹autre lieu que celui en mouvement de l¹éternelle critique, ce là, ce
maintenant d¹un instant de communion communicative qui fait évènement.
Partant de cette forme duale d¹individuation ambivalente et plastique,
urbaine et civilisationnelle, porter en discussion, donner à éprouver dans
tout rituel par sa mise en scène tragique des corps, de la langue et de la
voix, Nietzsche en fabrique, à la limite, deux modes distincts et
contradictoires d'engagement à l¹individuation dynamique dans la Cité, deux
versions opposées entre lesquelles il tranche, philosophiquement et
existentiellement. 

    Il reste que cette manière nietzschéenne d¹avoir anticiper sur un penser
actuel du devenir transmoderne et même transhumain, nous dit une seule et
même chose, compréhensible et observable sous différents aspects. En se
gardant du manichéisme dionysiaque nietzschéen et de ses dérivés, en
préservant du dual symbolique sa puissance instauratrice, quelques lignes de
pensées nous indique ce qui, de l¹usage des figures mythiques, serait
maintenant et déjà investi, contre toutes formes rémanentes d¹un héroïsme
moderniste par trop apollinien, celui qui toujours cherche à se
(re)constituer par ses structures hiérarchiques arborescentes, facilement
cloisonnables et ses chefferies pyramidales idolâtres. Cela dans un espace
d¹individuation psychique et altruiste, partout heureusement traversé,
espacé, par les formes et modes multiples d¹une puissance relationnelle
illimitopique, illimitropique, illimitrophique. Jeu de langage plus
qu¹énergique, dynamique, en ce que ces formes et modes d¹existence
potentiels en devenir seraient déjà plus que simulés : actualisés, en voie
d¹extension, outre toutes sortes d¹appareils qui tentent de les ressaisirent
pour les assigner à leur champs clos et à leur terreur. Cette
conceptualisation induite (entre autres) d¹une pensée nietzschéenne
inductive de nombreuses prises de position trouve ainsi ses marques
conjecturales dans les développements d¹une figure d¹espacement acentrique,
à la circonférence illimitée : elle prend sens et renforce cette puissance
d¹individuation périphérique autant que centripète, nodale autant que
réticulaire. Individuation écopérique, écosophique, elle porterait ainsi à
leurs limites, dans la plus grande violence régénératrice,
tant  des modes actuels d¹existence.

Daniel Guibert
Professeur d'architecture
et de théorie de l'architecture
École Paris-Malaquais/ Paris-La Villette

 
1  Cette réflexion récente constitue une réponse extérieure à un échange, en
juin 2002, sur la liste transnationale-Samizdat de la revue Multitudes.
Etait posée la question théorique de l¹individuation, provoquée par la
référence aux travaux de Gilbert Simondon sur fond de la recherche d¹une
transindividualité politique, les usages qu¹en ont fait Gilles Deleuze,
Gabriel Tarde ainsi que Jean Baudrillard et Toni Negri. Cette séquence de
posts a donné lieu à une "mineure" dans la revue Multitudes. Egalement
posées les questions de reconnaissance et d¹appartenance des diverses
individuations (formées) qui s¹exprimaient alors sur cette liste et s¹y
expriment encore, de leur remise en cause ou de leur confirmation
véridictoire, com-me instance de discours « vraie ». Suite à mon intrusion
dans un sujet de débat qui me semble encore édifiant, poursuivi en ce qui
suit, venait cette remarque contextuelle légèrement ironique quant à ce qui
fut perçu comme dérives des discours. Cette remarque est ici (dé)placée en
note, en accroche de l¹expression « légèrement interprétatives » : [Vous
aurez remarqué que j'ai évité « herméneutique » ; évidemment, dans ce
contexte d'échange où le langage doit se « surveiller », par souci de
rigueur (j'espère), plus que par volonté de 'punir' le désordre de la
non-appartenance ou de revendiquer ladite, tout en laissant place à
l'ouverture de l'impensé ou du prépensé qui n'est pas toujours que frivole,
c'est-à-dire en faisant crédit à-de la puissance questionnante,
papillonnante, qu'elle fut aussi associative, parataxique, paralogique, etc.
: quel-ques « vérités » peuvent encore bien venir de la bouche des enfants
que tour à tour nous sommes, à force d¹appareil de contrôle du verbe, selon
les territoires investis à risques, suivant nos divagations territoriales
accidentelles et nos nudités conceptuelles coupables ou exhibitionnistes.]

2  Nietzsche dans ses Fragments divers pour Origine et fin de la tragédie :
« L¹individuation ­ puis l¹espoir de la renaissance de Dionysos. Tout alors
sera Dionysos. L¹individ-uation est le martyre du dieu (Š) », Naissance de
la tragédie (1871), Paris, Gallimard, 1949, 1970, coll.  Idées, 302.

3    Cf. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu¹est-ce que la philosophie,
Paris : Les Editions de Minuit, 1991, 60-81.

4    Gilbert Simondon, Psycho-logie de l'inconscient (1952), Paris : Le
livre de poche, 1993 ; L'individuation psychique et collective (1958), Paris
: Aubier, 1989.

5   « Prendre position » est l¹acte d¹énonciation premier d¹une instance de
discours ; il comprend l¹ensemble des autres opérations menées par des
opérateurs et les divers facteurs qui contraignent leurs discours. La prise
de position ou brayage  (action de lier, de soutenir ou soulever, de mettre
en place la pièce de jonctionŠ) instaure une relation à l¹Autre ou à
quelqu¹autres choses ; il établit un lien référentiel qu¹il fait agir, et à
ce propos il forme un champ de présence positionnelle et dispositionnelle,
perceptive et énonciatrice. Par suite, le débrayage ou changement de
position de l¹instance de discours  procède d¹une rupture d¹isotopie
(spatiale, actorielle, temporelle, cognitive, affectiveŠ). Le débrayage est
disjonctif et extensif ; il mobilise une pluralité référentielle d¹instance
de discours (acteurs, spatialité et temporalité). A l¹inverse, l¹embrayage
rétablit la liaison première. Conjonctif et intensif, l¹embrayage  tend au
retour à la position initiale ; représentatif, il se replie sur un centre de
référence ; il concentre l¹instance de discours au lieu de lui laisser toute
latitude acentrique. Cf. Pierre Fontanille, Sémiotique du discours, Limo-ges
: PULIM, 1998 et la fin du point 4 ci-dessous.

6    Ce qui survient de manière imprévisible et contingente, qui prend les
tours d¹une catastrophe, c¹est-à-dire qui tient d¹un retournement de
situation ultime événement
d¹une tragédie.

7   Ainsi parlait Zarathoustra (1883-85), t. f. Paris : Gallimard, 1947 et
suiv.,  II,« Les sublimes »,
    
8  Naissance de la tragédie (1871), op. cit.

9   Après quelques déboires dans sa relation aux autres et avoir affronté
l¹épreuve de la solitude, Zarathoustra (op. cit.) se replie dans la montagne
et apprend à parler au Soleil.

10     Voir D.G., La conception des objets ­ Son monde de fictions, Paris :
L¹Harmattan, 2002.

11  Cf. la citation de la
note 2.

12   J¹emprunte l¹expres-
sion à Gilles Deleuze dans « Mystère d¹Ariane selon
Nietzsche  », in Critique et clinique, Paris : Les Editions de Minuit, 1993,
131.

13    Nietzsche : « But de l¹État : Apollon. But de l¹existen-ce : Dionysos.
» Fragments divers, op. cit, 303.

14   Voir par exemple les tra-vaux de Jeannie Carlier, Jean-Pierre Darmon et
Marcel Détienne.


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