astrëe galbiatta on Wed, 21 Apr 2004 11:14:57 +0200 (CEST)


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Re: [nettime-fr] Retour Au Silence [ part.1 ]


Ils ont oublié que la parole sert à dire le vrai, sont fiers de répondre
par des mensonges à d'autres mensonges, créent ainsi partout au-dessus
de la planète des univers fantomatiques où même l'authentique, lorsque
d'aventure il s'y égare, perd sa qualité ; ils sont « stratégiques »
et « tactiques », expliquent-ils dans leur jargon, ce qui signifie
qu'ils ne parlent que par antiparoles; derrière chacun de leurs mots
on sent la présence de leurs intérêts de caractère matérialiste,
c'est-à-dire la présence du néant. Devant cette sottise, on reste
là, comme ça : même les poètes ne happent plus que des souffles
accourcis en râles.
Ils ont troqué, en calculateurs étourdis, toute substance contre
seulement sa semblance; puis, ne disposant plus que de l'irréalité,
réduits à jouter l'un contre l'autre dans l'épiphénomène, ils ne peuvent
que se livrer des combats inexpiables, avec inédits massacres, pour
maintenir à tout prix leur situation dans le monde spectral des
«puissances nationales», des «régimes sociaux», des «forces politiques»,
pour sauver leur place très exiguë sur la très mince pellicule
des apparences.
Un tel monde, s'il veut se reposer, a besoin de plusieurs siècles
d'absolues vacances, a besoin de vaquer un millénaire dans l'absolu.
En vain, suscités par cette ruine extrême, des savants préparent-ils
près de nous des règnes où d'une existence désensibilisée, algébrisée,
muée en relations chiffrées, jailliront des délassements du second degré.
J'ai pitié de ces êtres tellement abîmés. Je les héberge en moi à
l'écart de tous les regards. J'écoute très patiemment leurs délires ;
toute la journée, puis toute la nuit, et surtout en ces heures plus
dures qui vont de minuit à l'aube, ils sont là qui se battent chez moi,
avec des criaillements de forces primitives et négatives. Loin de
craindre ces désespérés, je les attire, je tente de les soigner, de les
exorciser ; je ne cours aucun danger: quelle perdition, quelle déperdition
pourrait atteindre quiconque vit sans lui dans tout autrui?
Mais le long, très long travail! Je connais dans toute leur plénitude
toutes les très blanches extases de la fatigue, drogue à faire oublier
temps et espace.



Armand Robin
La Fausse Parole


kisses
astrëe


> Petit rappel: G.Debord ( la société du spectacle )
>
> " Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable. Il
> ne dit rien de plus que:
> < ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît >
> L'attitude qu'il exige par principe est cette acceptation passive qu'il
> a déjà en fait obtenue par sa manière d'APPARAITRE SANS REPLIQUE, par
> son monopole de l'apparence. "
>
>
>
>



 
 
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