Louise Desrenards on Mon, 28 Mar 2005 20:00:36 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] mardi 29 mars 15h : Evariste Gallois sur la radio France Culture/ la question sociale de l'insoumission et du génie


(Sorry about French only, the broadcast is total in French for this time ; I
guess for an abstract in English as soon as possible, as the subject is nos
specially of a local subject, cause the mathematician : Evariste Gallois -
the political question of genius as the general question of the otherness
existing in the society).

    EVARISTE GALOIS : MOURIR A VINGT ANS
    Autopsie d'un génie

France-culture, mardi 29 Mars,
15h-16h l'émission
16h-16h 30 l'entretien


Un méta-reportage documentaire
par Simon Guibert, réalisé par Yvan Croizier

Dans la série Le Vif du sujet, coordonnée par Alexandre Héraud

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Vous pouvez l'écouter sur Internet en travaillant, peut-être ?

Ecouter en direct le jour de la diffusion (cliquer sur Ecouter le direct)
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture/sommaire/

Page de la série et archives audio après la diffusion
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/vifdusujet/




    Né en 1810, Evariste Galois était un républicain radical convaincu, dans
la principale tendance révolutionnaire issue des Saint Simoniens, et lié à
la révolution de juillet, en 1930 ; il connut Auguste Blanqui et Gérard de
Nerval, qu'il rencontra tous les deux en prison, mais à des moments divers.

En 1831, au cours d'un banquet républicain mémorable le jour de la fête du
vin de Bourgogne, où toutes les tendances étaient rassemblées, parmi
lesquelles se trouvait Alexandre Dumas qui en fit le récit, Evariste porta
un toast, avec un couteau à la main au-dessus de son verre, à
Louis-Philippe. Ce qui mène certains à croire que sa mort dans un duel, plus
tard, à sa sortie de prison, fut manipulée par la police secrète du roi. La
confusion fut totale, tant se trouvèrent autant de de convives éloignés au
bout de la table qui n'avaient pas vu le poignard, surpris par un toast qui
aurait été alors porté au roi, que d'autres ayant bien compris la menace et
craignant l'arrivée de la police, qui prirent leurs jambes à leur cou et
s'échappèrent par la fenêtre, qui donnait sur la cours, au rez-de
chaussée...

Tout concourt pour dire qu'il fut assassiné. Si l'on ne retouve pas le
rapport d'autopsie, par contre, l'hopital Cochin tient encore des archives
où les actes de l'enregistrement par la "soeur" qui l'accueillit consigne
qu'il présente les traces d'un coup sur la tête, en plus de la balle qu'il a
reçue dans le ventre. Contrairement à la tradition d'honneur des duels, il
n'a pas été emporté à l'hopital par les soins de son adversaire, il a été
laissé pour compte sur le terrain. Il a été trouvé par des passants. Qui
tient de la triste scène au matin, ou des dernières confidences à son frère
qu'il fit appeler, et qui eut le temps de se rendre à son chevet, avant la
mort, à l'hopital, que le pistolet du duel ayant été attribué par tirage au
sort étrangement n'était pas chargé (Publication dans "Le Journal de Lyon")
? Ces pistolets avaient été amenés par les témoins de l'adversaire. Gallois
quant à lui n'avait pas de témoin : était-ce faute de temps de pouvoir les
trouver, ne l'avait-il voulu, eut-il honte d'aller chercher des témoins
parmi ses amis politiques, pour un duel soi-disant causé par un vagabondage
de la vie ?

Ou tout simplement : n'eut-il que le temps de rassembler dans sa tête les
données de la théorie des groupes, que depuis plusieurs années il avait
commencé non seulement à imaginer, mais à énoncer par fragments logiques et
notamment près de l'accadémie des sciences, où personne n'avait pu les
comprendre alors ? Un mathématicien allemand peut-être - mais pas
davantage - ? ... Cette nuit là, c'était le moment où jamais de dire que la
compréhension de ses propositions lui serait posthume, au moins les
réserverait-on archivées pour plus tard ; tout se rassemblait clairement en
bon ordre dans son esprit, il fallait jeter sur le papier la synthèse de sa
lucidité de toujours. Et il rédigea les fameuses lettres qu'il envoya à
l'aube et qui aujourd'hui demeurent archivées.

Car sa tâche en mathématiques fut aussi radicale, fulgurante, irrespectueuse
des conventions de son temps, que sa propre vie révoltée fut irrespectueuse
et impatiente, mais au contraire de sa solitude scientifique, immergée dans
le cadre solidaire commun des idéaux politiques partagé avec ses nombreux
camarades.

En tous cas, dans la nuit du 29 mai 1832 qui précéda le duel causé par un
jeune officier - professionnel du tir pourrait-on dire, que d'aucuns
biographes attribuent d'une ancienne amitié et d'autres non, mais tous
s'accordant pour dire au prétexte d'avoir été mis en demeure de réparer
l'honneur d'une femme (qui de plus en tenait peu d'après ses contemporains),
il pressentit que sa mort était imminente. Loin de se reposer pour se
préparer, il veilla toute la nuit pour écrire plusieurs lettres à son ami
républicain Auguste Chevalier, certaines avec des annotations personnelles
sur sa situation, mais l'essentiel chargé de la plus haute mission. Il
composa ainsi ce qui devint son testament mathématique, recension magistrale
et non exhaustive de son invention de la théorie des groupes, un changement
de paradigme dans les mathématiques qui mènera aux mathématiques modernes,
ouvrant le champ infini de la théorie des ensembles, du calcul intégral,
ouvrant le champ à la fois immaginaire et réel de l'instrumentation
pluridisciplinaire appliquée aux sciences exactes notamment en physique, et
d'une certaine façon, celui de l'émergence actuelle des théories de
l'environnement et des probabilités comme nouveau paradigmes des sciences
appliquées à la vie. Conceptuellement, sa théorie passait outre tous les
savoirs philosophiques et scientifiques élémentaires hérités.

Sa théorie manifestait que désormais ce n'étaient plus les objets
mathématiques eux-mêmes qui permettraient le plus grand développement de
cette discipline, mais les liaisons entre les objets mathémathiques - donc
leur définition dans un autre cadre de description utile à leur capacité
d'intégration. Imaginons le renversement des pouvoirs dans la connaissance
que cela aurait pu provoquer alors. Mais le problème scientifique ne fut
même pas posé de cette façon, car la plupart de ses pairs avouèrent être
dépassés par ce que Gallois toujours leur proposait, et ils se
reconnaissaient donc incapables d'en juger. Il ne pouvait partager ses
recherches avec personne de son vivant. Toutes les relations du monde
elles-mêmes devaient changer avant qu'il ne fut possible de regarder
autrement d'abord les mathématiques eet ensuite les autres sciences. Il
fallut attendre l'événement de la société moderne de l'industrie et de la
technique à fin de son siècle et au début du XXème. Il le disait lui-même :
de dix à cinquante ans, au-delà de la date d'émergence de ses propres idées.
On voit en quoi symboliquement la théorie issue de Gallois inspire encore
les renouvellement scientifiques aujourd'hui. Quelques uns en son temps
surent d'emblée qu'il était génie, mais sans pouvoir dialoguer avec lui.

Entre les âges de 15 et 20 ans, sa fulgurance scientifique comme tous ses
engagements critiques, à l'image de sa propre vie et de l'accélération
politique et confuse de son temps, furent notoirement joués.

Au matin, il fut touché à l'abdomen au cours du duel, et il mourut de ses
blessures, le jour suivant, à l'hôpital Cochin, après avoir refusé les
offices d'un prêtre, à Paris.


        Quelle est la cause réelle de sa mort ? Suicide romantique, complot
de la police secrète royaliste, règlement de compte politique entre
révolutionnaires radicaux ne voulant pas en découdre sur la république et
révolutionnaires réformistes soudain convaincus au royalisme ?

Avec:
                Gaston Bachelard
            Alexandre Astruc
        Armand Gatti
    Denis Guedj
            Bruno Belhoste

                Les voix de Myriam Assouline et Laurent Lederer.

Avec: la voix en retrait du documentariste de radio qui a voulu une émission
différente de ses autres travaux, si possible radicale, tant dépourvue de
dramatisation et d'anecdotes qu'une épure sur la vie d'Evariste Gallois le
signifiait, et que la question paraissait devoir être déplacée, depuis
l'énigme sur le meurtre, jusqu'à celle qu'une telle vie laisse à jamais
posée, sur les rapports d'une génie à son temps, de son temps à lui et de
tous respectivement face au futur.

Et la musique d'Hector Berlioz, la "Symphonique fantastique" sous-titrée
"Episode de la vie d'un artiste", réputée jouée par un "orchestre
révolutionaire et romantique", lors de la Première en 1830. Révolutionnaire
pour sa part, en ce sens qu'elle innove dans la composition instrumentale
symphonique, avec l'introduction d'un personnage mélodique (associé à un
thème qui peut subir variation ou transformation au long de l'oeuvre) ; ce
qui illustre la musique à programme, fleuron de la musique romantique, de
l'expression, de sa critique et des idéaux modernes.  Cette version nouvelle
de la symphonie inspirera autrement, en termes poétiques et philosophiques,
l'antagonisme dans les opéras de Wagner advenant du leit-motiv et du
récitatif, après 1933 .  On peut considérer que cette symphonie elle-même
est doublement visionnaire, non seulemment des changements de la musique
instrumentale qui la suivront de peu, mais encore, à travers le modèle
social qui sous-tend le personnage mélodique, un compositeur incompris et
mal aimé telle l'expression musicale d'un autoportrait de Berlioz, aprce
qu'il constitue aussi la métaphore des dernières heures de la vie d'Evariste
Gallois, deux ans avant son échéance.

Arrmand Gatti, qu'on ne présente plus, ouvre l'émission symboliquement, en
appelant notre vigilance solidaire sur Evariste Gallois. D'autre part, c'est
la considération de Denis Guedj qui pourrait conclure l'émission ;
mathématicien statisticien et phénoménologue des mathématiques, qui a publié
plusieurs livres de vulgarisation et de critique traduits dans le monde,
celui-ci constate simplement que nul génie renouvelant les paradigmes de son
temps ne peut être compris avec les repères de celui-ci ; il ne peut qu'y
voguer en solitaire. C'est dire tout l'appel à la tolérance politique et soc
iale de l'altérité, qui se fonde à travers l'exemple de Gallois, figure
sociale éternnelle du révolté s'il en est, porteur d'un changement du sens
anthropologique de la culture moderne, que d'aucuns ont pris pour un
délinquant institutionnel et politique - ou un simple enquiquineur. Gallois
fonde un mythe moderne (pas une mtythologie) de la connaisance.

La vitesse et la violence de la vie de Gallois nous laissent aujourd'hui
bouleversés comme au temps de ses contemporains, parce qu'elle convoque la
même actualité de la société institutionnelle et de l'organisation de la
cité, et la question de leur postérité. Mais en même temps, elle manifeste
la question de la révolte et de l'insoumission sociales non pas comme
problème personnel de l'inadaptation aux lois, mais comme la réponse
collective de la tolérance, en l'inscrivant au-delà de la notion de pitié et
de solidarité, dans le cadre du sens et du devenir objectifs des
civilisations. Car attendre l'échange de l'altérité est impossible : l'autre
ne s'échange pas, il échappe à la compréhension du monde qui le contient par
hasard, ou malgré lui. Ce monde ne peut donc que le tolérer.

Sans la tolérance, l'ouverture de l'avenir probable mais imprévisible par
les contemporains, sur le changement des sociétés et de leurs paradigmes,
est impossible. Car parier sur un bon ami, ou l'individu lambda qui saura
archiver l'héritage pour plus tard, contre la loi, au moment même où
celle-ci renforce toutes les règles, en accroît le nombre, ainsi que qu'elle
tend à généraliser toutes les formes de contrôles, paraît plus
qu'aventuriste, mais criminel (tendant à la résolution préventive, plus
encore par empêchement que par disparition, avant même de l'avoir vue
exister en l'y autorisant : de toute trace possible de la différence ou de
l'insoumission possible devant la postérité.

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    Epilogue :

    Armand Gatti dans le cadre de son oeuvre entier, La traversée des
langages, travaille depuis plusieurs années sur Evariste Gallois. Sur le
mathématicien, il publie prochaînement chez l'éditeur Verdier (son éditeur
d'élection, depuis La parole errante) une pièce de théâtre - avant l'été.

    Denis Guedj, enseigna dans le tumulte de l'université de Vincennes ; la
plupart de ses ouvrages sont trauits dans plusieurs langues, notamment, Le
théorème du perroquet (Seuil), et L'empire des nombres (Découvertes
Gallimard, Sciences).

    Bruno Belhost est l'auteur de La France des polytechniciens (Dunod);

    Ce sont les anarchistes qui détiennent et communiquent la clé historique
du radical républicain convaincu, révolutionnaire, que fut Evariste Gallois.

Qu'est-ce qui fait le génie ? Ce n'est pas cette question psy qu'il convient
de poser, ni même la question sociale, mais de savoir pourquoi le génie est
imprévisible,et même s'il sera en partie explicable a posteriori (il ne le
sera jamais totalement, on pourra seulement le constater). C'est un
phénomène social critique - une émergence.

La question du génie est celle de la masse des circonstances intégrées à un
ensemble actif, souvent un individu qui a une capacité de synthèse critique
exceptionnelle, parfois plusieurs individus travaillant ensemble, qui
prédisent une suite.

A quoi sert le génie ? D'autres que nous le savent, mais ils ne le savent
que beaucoup plus tard. Quel est le statut social du génie pour ses
contemporains ? Surtout pas la délinquance mais la différence - parfois
l'inadaptation : c'est dire si des analyses comportementalistes à l'école
peuvent égarer le souffle naissant du génie dans une société prescriptive
qui structure la sélection et l'éducation, si les familles ne sont pas à
même de donner aux enfants les moyens d'exister en différence.

Que faire avec le génie ? lui ouvrir la porte - comme on met un couvert de
plus au cas où passerait le mendiant ou le voyageur (même si celui-ci ne
passe que rarement, ou exceptionnellement, voire jamais ; il est ailleurs,
il est autre, il passera autrement - tant que son couvert reste posé sur la
table commune - tant que la loi ne lui ferme pas la porte).

Toujours on re-pense à l'ironie de Deuleuze, dans l'Abécédaire, raillant les
éditeurs français et leur prétention qu'au nom de leurs formats et critères
ils se prétendent en mesure de ne pas pouvoir passer à côté des nouvelles
écritures : or bien au contraire, et ne serait-ce parce que cela est
impossible, autrement qu'en accueillant des choses que l'on ne comprend pas
complètement, ou qui interrogent par leur dissemblance, ou que, tout
simplement, on n'avait pas imaginées soi-même en tant qu'éditeur et membre
de la communauté (commerciale ou non) des éditeurs. Et cela, bien sûr vaut
plus largement ddans tous les domaines que nous partageons ensemble.


Critique par L.D.
après l'écoute et la lecture de l'abstracts anticipés




 
 
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