Aris on Fri, 26 Sep 2008 13:34:14 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Appel / pétition : « Les radios libres au crible du numérique»


Appel / pétition des radios en lutte : « Les radios libres au crible du
numérique »

l y a plus de 25 ans, le mouvement des radios libres faisait tomber le
monopole d'Etat sur la radiodiffusion et ouvrait la bande FM aux
multiples expressions sociales, culturelles, politiques et musicales –
aujourd'hui, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel lance la radio
numérique terrestre (RNT) dans des conditions qui mettent en péril les
actrices et continuatrices de ce mouvement, les radios associatives non
commerciales, dites de catégorie A. Le remplacement de la diffusion en
FM par celle en numérique est présenté comme une évolution strictement
technique, permettant de diffuser davantage de stations et d'associer au
son des données supplémentaires (nom de l'émission et des invités,
publicités, pochettes d'albums, météo...). Nous y voyons une mise en
danger des radios associatives non commerciales, une volonté
d'uniformisation du paysage radiophonique et la consécration d'une
conception technocratique de l'audiovisuel. La « diversité » numérique
s'annonce davantage comme la multiplication de programmes clonés que
comme une ouverture aux alternatives, aux minorités et aux expérimentations.

Une logique de colonisation / La confusion et la précipitation dans
lesquelles se fait cette transition jouent en faveur des industriels,
des antennes commerciales et des grands réseaux de radios : principaux
bénéficiaires de la radio numérique, qui leur permettra d'accroître leur
maillage du territoire, ils sont aussi les seuls à disposer des
compétences techniques et des outils financiers qu'elle impose. Une
consultation publique organisée en octobre 2006 par le CSA mentionne de
manière explicite les inquiétudes des associatives (cf. ici), sans que
l'appel à candidatures numériques de 2008 en tienne aucunement compte.
Ce dernier a été lancé de manière abrupte, sans concertation et sans que
la spécificité des radios de catégorie A soit prise en considération :
prioritaires sur le premier appel mais pas sur les suivants, on les
contraint à demander une fréquence numérique sans leur donner les moyens
de l'exploiter. Elles qui n'ont pas d'intérêt particulier à passer au
numérique, étant donné qu'elles diffusent en local et ne seront pas
nécessairement en mesure ni désireuses de développer les fameuses «
données associées », risquent tout simplement de se retrouver sans
aucune fréquence lorsque la bande FM sera éteinte. L'État, les réseaux
et les industriels organisent et vantent la ruée vers le numérique, mais
dans le même temps les fréquences associatives non commerciales sont
averties, comme aux débuts de la FM, que les places seront rares :
l'éviction d'un certain nombre d'entre elles se prépare ainsi, à un
moment où dans leur ensemble les médias du tiers secteur, c'est-à-dire
associatifs et non commerciaux, sont précarisés plutôt que soutenus.

Une logique de rentabilité / Les radios de catégorie A sont
principalement subventionnées par le Fonds de Soutien à l'Expression
Radiophonique (FSER), créé suite à la libération des ondes, et
approvisionné par une taxe prélevée sur les revenus publicitaires de
l'audiovisuel commercial et public. La fin de la publicité annoncée sur
les médias de service public risque d'entraîner dès 2009 une baisse de
30 % des fonds du FSER, donc une coupe proportionnelle des subventions
qu'il reverse aux antennes non commerciales. Le passage au numérique,
censé se faire au même moment, représente un coût considérable pour les
radios : investissement en matériel, formation à la nouvelle
technologie, et double diffusion (sur la bande FM et sur la bande
numérique) à assurer pendant plusieurs années. Or à ce jour, non
seulement aucune compensation du FSER n'est décidée pour qu'il puisse
maintenir ses subventions, mais aucun financement spécifique n'est
effectif pour le passage au numérique – et ce dans un contexte de baisse
généralisée des aides publiques, qui affecte l'ensemble du secteur
associatif. Lors de la consultation publique du CSA, proposition a été
faite d'adopter le must-carry : en vigueur notamment aux Etats-Unis, il
oblige les diffuseurs à héberger gratuitement les antennes locales sans
but lucratif – la suggestion n'a pas été retenue. La réalité des radios
sans publicité ni profit est tout simplement ignorée dans ce passage au
numérique – il en va d'elles comme, par exemple, des minimas sociaux, de
certaines prises en charge médicales, ou de la recherche fondamentale :
ce qui n'est pas rentable pourrait aussi bien disparaître.

Une logique de contrainte / Actuellement, chaque radio choisit son
diffuseur ou bien s'auto-diffuse, et émet ainsi sur la fréquence qui lui
a été attribuée par le CSA. Avec le passage au numérique, les radios
devront nécessairement passer par un nouveau prestataire technique
appelé « multiplexeur », chargé de coordonner la diffusion de neuf
programmes sur une même fréquence. Le multiplexage signe donc la fin de
l'autodiffusion, et inaugure une double obligation : celle de transiter
par un prestataire, et celle de se pacser avec huit autres radios pour
être diffusées. Les tarifs des multiplexeurs seront fonction de la
qualité d'écoute et de la nature des « données associées » – il existe
donc un risque certain que ces prestataires privés jouent un rôle dans
l'attribution des places des radios (ce qui était en FM du ressort du
seul CSA).

Une logique de verrouillage / Une norme unique de diffusion, nommée
T-DMB (Terrestrial Digital Multimedia Broadcasting), a été imposée : il
ne s'agit pas d'une norme audio mais vidéo, dont les tests en radio
n'ont pas été convaincants, et à qualité sonore équivalente, elle est
plus onéreuse et permet de diffuser moins de radios que d'autres normes.
Elle a été conçue par des industriels sud-coréens pour la Télévision
Numérique Coréenne. En 5 ans, seuls 20% de la population du pays se sont
équipés. Étonnamment, la France est le seul pays en Europe à avoir
choisi cette norme, nos voisins européens ayant opté pour le DAB ou le
DRM (norme non propriétaire). Ce choix a été poussé par les antennes
commerciales et les réseaux de radios, qui voient dans les « données
associées » l'opportunité d'un nouveau support publicitaire et
spectaculaire. Comme précédemment en matière de logiciels ou d'échanges
de données, le numérique est employé pour verrouiller des accès alors
qu'il aurait été l'occasion d'une plus grande ouverture.

Une logique de consommation / Les récepteurs numériques coûtent
actuellement 6 fois plus cher qu'un transistor classique – leur prix va
certainement baisser au fil des années, il n'en reste pas moins que de
nombreuses personnes n'auront ni les moyens financiers ni l'aisance
technique pour accéder à cette technologie. Un certain nombre de radios
restées libres ont fait le choix, social, politique, culturel, de donner
la parole à ceux qui ne l'ont pas : les quartiers populaires, les
non-professionnel-le-s, les non-spécialistes, les communautés immigrées,
le mouvement social, les actrices et acteurs des luttes, les initiatives
culturelles non commerciales... Alors que l'accès à internet reste
encore très inégal, la radio numérique risque fort d'accroître le fossé
en terme d'accès à l'expression, à l'information et aux nouvelles
technologies. La radio, qui est en FM un média simple d'accès et
quasiment gratuit, deviendrait un outil technologique discriminant.

Mais nous sommes illogiques, et nous durerons longtemps / Que les radios
de catégorie A souhaitent ou non répondre à l'appel à candidatures sur
la RNT, elles sont de toutes façons piégées puisqu'elles n'ont en l'état
aucun moyen d'émettre en numérique. Par conséquent, nous demandons : que
la bande FM soit maintenue sur le long terme ; que le passage au
numérique n'occasionne aucune suppression de radio associative non
commerciale ; que soit réservée sur la bande numérique une part pour les
radios de catégorie A au moins égale à celle de la bande FM ; qu'une
procédure de déclaration d'intérêt soit mise en place immédiatement pour
les radios de catégorie A émettant actuellement en bande FM, leur
garantissant une priorité sur l'ensemble des appels à candidatures (et
non seulement le premier), qu'elles puissent effectuer la transition
vers le numérique quand elles le souhaiteront ; un doublement de
l'approvisionnement du FSER, une subvention couvrant les frais
d'équipement et d'exploitation numériques, et l'adoption en France du
must-carry, c'est-à-dire l'obligation de diffusion gracieuse et
équitable des radios associatives non commerciales par les radios de
service public et commerciales.

Pour soutenir l'appel et/ou pour faire entendre votre avis :
- si vous êtes une radio, un média sans but lucratif ou une association,
contactez-nous sur radiosenlutte (a) free.fr pour être ajouté aux
signataires ;
- si vous êtes une auditrice/un auditeur ou tout autre soutien, utilisez
la pétition ci-dessous. Attention : pour confirmer votre signature, un
message vous est envoyé automatiquement sur votre adresse mail – parfois
ce message est classé directement dans les spams : il faut aller
fouiller un peu de ce côté-là si vous ne voyez aucune demande de
confirmation arriver...

http://radiosenlutte.free.fr/spip.php?article1
 
 
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