Louise Desrenards on Sat, 22 Sep 2012 04:44:47 +0200 (CEST)


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[Nettime-fr] « Il y a plusieurs Islam » et pareil pour l’Union. Contre l’unité. Pour l’ascèse du blasphème.


« Il y a plusieurs Islam » et pareil pour l’Union. Contre l’unité.
Pour l’ascèse du blasphème.

http://www.criticalsecret.net/il-y-a-plusieurs-islam-et-pareil-pour-l-union-contre-l-unite-pour-l-ascese-du-blaspheme,056.html

Épilogue du Carnet de septembre en 2012.


vendredi 21 septembre 2012, par Louise Desrenards (auteure)

ÉLOGE DU BLASPHÈME /

Afficher la multiplicité de l’Islam c’est autant combattre pour la
diversité vitale du monde comme multitude (et là nous citons aussi
bien les series de Fourrier que la multitude chez Spinoza), que
combattre l’amalgame raciste contre les populations qui se
revendiquent musulmanes, que ce soit individuellement, en communauté,
ou en masse. Il y a la pensée mystique et la pauvreté qui par des
voies différentes mènent aux religions, mais la pauvreté fait le lit
des dogmes intégristes et de leur domination liberticide quand tout
sauf la religion manque à la vie.

Il y a aussi le savoir autodidacte relatif aux grands textes
fondateurs des civilisations écrites (principalement continentales de
l’Europe à l’Asie, et en Amérique Centrale et du Sud), mais il est
d’autres civilisations dont les savoirs respectifs sont d’autant plus
complexes qu’ils ne sont pas écrits, et tous en arrivent à risquer
l’autodafé public ou l’abolition mémorielle pour n’avoir pas dominé
sous cette forme ; ils risquent plus bizarrement encore l’autodafé
domestique à l’aune de leurs versions intégristes. Ce n’est pas le
retour du symbole mais l’avènement codé du communautarisme dans une
société défaite. Sinon le Dieu unique du dollar imprimé en quatre mots
sur le billet vert, In God we trust, qui n’a rien à voir avec le vert
de l’Islam ni avec la couleur de l’écologie, situe pour mémoire que
l’équivalent général divin de la valeur, abstraite du billet, la
valeur elle-même égale à Dieu, peut-être Dieu en lui-même, se réalise,
et qu’il n’y a pas à se sentir coupable, puisque Dieu le veut ainsi
(puisqu’on l’a laissé faire) ; ainsi le destin des Trusts serait-il
voué à la confiance en Dieu. Il n’y a rien à réguler.

Mais il y a d’abord une arabo-phobie post-impérialiste qui se
développe en France — mais pas seulement en France — sous les traits
d’une laïcité non moins intégriste contre l’Islam, parce que cela
caractérise la plupart des émigrés de plusieurs générations de
colonisés qui ne sont pas ou plus intégrés faute d’emploi, et
constituent une large communauté appauvrie in situ, et d’autant plus
que la réalité concrète de la laïcité soit particulièrement liquidée
par le torpillage du service public.

L’Islam est toujours considéré à tort comme une entité homogène, alors
que c’est une nébuleuse hétérogène, diffuse à nos yeux, des mille
lectures du Coran ; l’unité historique n’est le cas hiérarchique que
des organisations centralisées du catholicisme, et plus récemment du
sionisme, rattachés aux nationalismes, et de l’impérialisme en tout
état de cause.

Mais considérer le monde musulman ici ou là en l’amalgamant permet
d’effectuer une argumentation contre toute diversité locale,
seraient-ce indifféremment les apparences sociales explicites, ou des
non apparences consensuelles implicites, à l’aune du néo-libéralisme
monopolistique qui s’empare des biens collectifs et en délocalise la
valeur, servi par le déplacement administratif dépolitisé de l’État
national dans la réglementation supra-nationale — non plus l’État
politique pour servir ses administrés. Pour corser le tout, le tout
s’immerge dans la confusion des iconographies et des formules
figuratives et abstraites des clichés résiduels de l’occident
colonialiste — en trompe l’œil, car en réalité ce n’est pas de cela
qu’il s’agit, mais d’un phénomène nouveau de matérialisation du
fantasme de faire disparaître le tiers de la population sur terre, en
commençant par l’assigner à résidence pour mieux la nourrir en
l’empoisonnant, à titre conservatoire du reste de l’humanité digne de
survivre, rejoignant par là l’eugénisme cher au nazisme que tous
prétendent ne pas reproduire. Retour sur le blasphème : être pour le
droit d’exprimer le blasphème, dans une société à l’égide d’une
constitution laïque, c’était aussi défendre le principe gratuit et
symbolique de la liberté d’expression auto-gérée comme un trésor en
partage.

Le blasphème est l’épreuve du principe de tolérance critique
réciproque, dans une société pour tous ; l’expérience est régulée ou
dérégulée aux limites du « passage à l’acte » — ce qu’exprimer le
blasphème par une création artistique ou poétique ou par des
aphorismes n’est pas : ce n’est pas cela le passage à l’acte criminel
(ni au sens psychiatrique ni au sens judiciaire).

Justement blasphémer est commettre un acte nécessairement pur :
objectif, radical, gratuit, sans affect. Rien n’est pire que
l’exploitation du blasphème dans la communication de masse. Mais le
dire n’est pas réclamer de la censure, c’est au contraire alerter
contre l’intolérance, en épinglant la « binarisation » réactive de
l’interactivité sur le web, bi-polarité simultanée ou alternative qui
détruit la culture (forcément toujours complexe car de fait
paradoxale), et pire encore qui « dénature » l’échange social. Du
dites-moi oui ou dites-moi non, le pouvoir sait parfaitement utiliser
la galaxie des signes résiduels rejetés par cette détermination,
interchangeables quand les pactes symboliques qui les liaient ont fait
long feu, et imposer l’irréductibilité de la voie unique, fatale, aux
dépens du compromis vital, forcément paradoxal (donc aventureux).

Le réductionnisme social qui s’opère à travers la proposition du choix
« pour ou contre » forge la nouvelle imbécilité citoyenne, pour
justifier les lois répressives « raisonnables » qui lui sont
infligées, afin qu’elle ne puisse plus compter dans le jeu des
décisions du monde.

Ce n’est même plus de l’idéologie (dont à lire Marx on en apprend le
système arborescent), c’est une norme de conditionnement en produit,
pour apprendre à répondre aux ordres forcément initiés du commerce, et
du pouvoir qui imite le commerce à force de le servir — et cela vaut
pour les partis parlementaires restés dans l’antichambre sans
gouverner.

Plus la science développe la connaissance de la complexité, où le
sujet devient un objet parmi les autres, mais interdépendant
fusionnellement ou réactivement, ce qui devrait philosophiquement
causer une précaution du pouvoir, tout au contraire les signes de la
société sont d’autant plus requis pour renforcer le pouvoir qui a
perdu son lien symbolique avec la population qu’il administre, fussent
ses électeurs.

Ainsi, la fermeture des accès aux services de la gratuité, lieux
symboliques du partage laïque (où la laïcité a fondé son sens commun),
exécute la sortie du monde concret de la société utopique de la
richesse et de la cognitivité partagées, que la connexion au contraire
devait apporter et apporte, et cela génère l’immaturité convenue de la
population citoyenne, ou bien la récession de sa position critique.

Il faudrait donc arrêter de nous rabattre les oreilles avec une
laïcité qui n’existe plus qu’à l’état de ruine, car le service public
lui-même qui était le sceau de sa valeur d’échange égale à sa valeur
d’usage n’existe plus qu’à l’état de ruines — en attente de dégagement
par le bulldozer européen qui s’annonce très proche.

Par exemple : il est aujourd’hui question de faire payer l’accès aux
classes préparatoires aux Grandes Écoles. Les préparations aux Grandes
Écoles sont le creuset d’une sélection des plus brillants bacheliers,
parmi lesquels d’aventure il arriva — plus souvent qu’on ne le pense,
— que des élèves originaires de familles pauvres parvinssent à s’y
hausser, grâce à leurs enseignants avisés. Ainsi, les grands cadres de
la Nation furent-ils, de Napoléon à la 5è république, recrutés parmi
la diversité sociale, si dominante en matière de nombre la classe
oligarchique ou de l’Enseignement purent-elles s’y trouver (non pas du
à l’argent, mais du fait des faveurs et des conditions de l’éducation
familiale). À partir du moment où ces super-classes ne sont plus
seulement sélectives d’après les résultats obtenus par les élèves, ce
qui imprimait déjà une sélection sociale par défaut des ressources
éducatives dans les familles dépourvues du savoir, mais de surcroît
seulement accessibles par les voies de l’argent, cela signifie que
seules les couches sociales privilégiées pourront désormais s’assurer
d’y voir leur descendance, les autres étant radicalement exclus, si
brillants seraient-ils. Et peut-être même parfois plus brillants,
puisque leur place restant libre devra être pourvue par un autre,
mieux doté serait-il moins performant... Donc non seulement cette
disposition nouvelle de l’accès aux classes préparatoires est sans
ambages la réalisation de l’exclusion de la société républicaine, pour
l’installation exclusive de l’oligarchie aux postes de sa
reproduction, mais, effet pervers de l’argent quand il exclut
forcément certains des meilleurs, le niveau des classes préparatoires
forcément va baisser, confronté à la nécessité du nombre à recruter
pour remplir les caisses. Et même, on peut concevoir qu’en certains
endroits, par le système des donations ou de la corruption, il
deviendra discrètement possible d’acheter l’accès pour certains — même
si l’exception confirme une règle qui ne le permette pas.

Que ceux qui osent encore parler de laïcité après de telles
révélations de l’abolition du service public s’affublent du niqab pour
se voiler la face !

La disparition du « Public » installe la laïcité au temple de
l’Histoire prescrite, palanquin sacré que l’on brandit en principe
seulement lors des défilés commémoratifs (par exemple on pourrait se
mettre à célébrer le jour de la loi Jules Ferry, ou selon la
sensibilité des festivaliers la journée Varlin — qui y laissa ses yeux
et sa peau).

Quand on pense que la Presse a osé désigner par exemple la Poste, en
réalité privatisée depuis quelques années, parmi les lieux publics
français,— à cause de l’histoire de la république moderne et de la
fondation post-moderne sur le passage du Front Populaire et de la
Libération unie aux maquis communistes, il y a toujours cette
connivence conceptuelle du secteur public et de l’espace public qui
installe le malentendu actuel, sur lequel on peut exploiter toute la
mauvaise foi nécessaire, — où il aurait convenu de ne pas porter de
foulard « musulman » pour venir envoyer un colis ou utiliser la banque
postale : foulard qui en réalité dans la plupart de ses cas pourrait
être simplement entendu comme une autre façon de se coiffer
traditionnellement pour sortir : on croît rêver.

Où l’interactivité occupe désormais la place du mort — la république
électorale. Domination imbécile de la masse du pouvoir imbécile — non
le pouvoir des imbéciles mais le pouvoir imbécile administrant les
masses.

Attention aux lendemains de l’interactivité réductionniste de l’idée
partagée en commun.

L. D.


°

[ Pour la suite de la page, voir en ligne ] :

Tombeau de l’unité en quatre guerres contre-citoyennes :

1. La loi de l’humour (sur le pouvoir) / 2. l’Islam (sur le Moyen
Orient) / 3. l’Europe (sur les OGM) / 4. Conclusion (sur les Traités).
(suivre les liens)

http://www.criticalsecret.net/il-y-a-plusieurs-islam-et-pareil-pour-l-union-contre-l-unite-pour-l-ascese-du-blaspheme,056.html

°

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Dans le cadre de :


Le carnet de septembre en 2012_The notebook of September 2012

http://www.criticalsecret.net/-le-carnet-de-septembre-en-2012_the-notebook-of-september-2012,032-.html


Dernier ajout : 21 septembre.

This month -mostly in French. Ce mois-ci, principalement en français.


At the bottom of this page, under the title " Articles de cette
rubrique ", you can find the contents of the notebook of September,
2012, according its progressive construction, then entirely when it
will be concluded (at the term of the fifth article).
On trouvera en bas de page, sous le titre « Articles de cette rubrique
», le sommaire lié du Carnet de septembre en 2012, au fur et à mesure
de sa construction, puis intégralement quand il sera conclus (au terme
du cinquième article).

The logo, is a photography extracted from the series of seven pictures
by THOMAS LEBREUVAUD, for the report published on September 4th by The
Sud-Ouest daily, on the start of the school year 2012 in the French
Charente :
Le logo, est une photographie extraite de la série des sept de THOMAS
LEBREUVAUD, dans le cadre reportage publié le 4 septembre par le
Journal Sud-Ouest, sur la rentrée scolaire 2012 en Charente française
:
http://www.sudouest.fr/2012/09/04/la-rentree-scolaire-en-images-en-charente-811550-5138.php

Articles de cette rubrique

    « Il y a plusieurs Islam » et pareil pour l’Union. Contre l’unité.
Pour l’ascèse du blasphème.
    21 septembre, par Louise Desrenards (auteure)

    Réponse de Judith Butler à l’attaque contre sa distinction
légitime pour le Prix Adorno + Réception
    21 septembre, par Judith Butler, Elisa Trocme (Traduction),
Criticalsecret editorialist

    Sur la disparition de Charlotte Wolman / RIP Charlotte Wolman
    19 septembre, par CS.net Rédaction

    2012 / Sélection de septembre (ouverte) / September Excerpts - opening
    17 septembre, par CS.net Rédaction

    EDITO / Hommage à Laurent Massénat - spéciale dédicace à Décidé
Marcel / A Tribute to Laurent Massenat - special dedication to his
work "Decide Marcel"
    11 septembre, par Aliette G. Certhoux, Laurent Massénat

http://www.criticalsecret.net/-le-carnet-de-septembre-en-2012_the-notebook-of-september-2012,032-.html

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 Pour mémoire

LE CARNET MENSUEL_THE MONTHLY NOTEBOOK

Depuis le mois de septembre 2012 : au hasard de l’actualité et des
navigations sur le web et parmi les réseaux sociaux, voici la
sélection mensuelle de criticalsecret.net en cinq articles, extraits
ou citations intégrales, carnets de citations en série informés par un
éditorial inédit chaque mois, petit journal partiel du temps sensible
(histoire et création), comme un aviron à godiller contre la bêtise
(des conventions, du dogme, du style, des Médias, du pouvoir, de la
société... )

Since September 2012 : Random news collected by surfing the web and
between the social networks : here is the monthly selection into five
articles from criticalsecret, a series of notebooks containing
excerpts and/or of integral quotations plus an unpublished editorial
each month to suggest a partial newspaper of our sensitive time (the
history and the creative). Like a rowing scull against stupidity
(Conventions, Dogma, Style, media, Power, Society ...)



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