Louise Desrenards on Fri, 22 Nov 2013 16:51:46 +0100 (CET)


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[Nettime-fr] Qui a peur des alaouites ? Et si leur gnose était un trésor de l'humanité ?


Au moment où l'OTAN déclare envisager de re-intervenir en Libye pour
mettre fin à la dictature des milices, on devient songeur sur ce qui
était déclaré simplement un désordre, un commandement non obéi sur le
terrain, en tant que représentant militaire consensuel des "amis de la
Syrie" et des combattants de l'opposition, avant la résolution de
l'ONU sur les armes chimiques, quand on apprend maintenant que la
direction de l'armée syrienne libre (ASL) est passée aux mains des
takifiristes.

Je poursuis d'informer, considérant que la résistance culturelle est
la seule ressource critique contre les abus institutionnels locaux ou
les armes internationales des pouvoirs contre les peuples,
aujourd'hui.

Louise

- - - - -

Dans le cadre de la série sur les gnostiques commencée par un article
de Pacôme Thiellement inédit publié le 24 octobre dans La revue des
ressources
http://www.larevuedesressources.org/les-gnostiques-vus-par-pacome-thiellement,2648.html
nous poursuivons la publication intégrale de l'étude en série du
chercheur Bruno Paoli sur les alouites de Syrie -- et que
personnellement je considère à l'emporte pièce comme les cathares de
l'Islam -- dans les Cahiers de l'Ifpo, commencée dans nos pages le 11
novembre :
http://www.larevuedesressources.org/extraits-integraux-des-carnets-de-l-ifpo-des-alaouites-en-syrie-proselytisme-et-diffusion,2652.html

Voici la présentation contextuelle de la publication du second article
de notre rediffusion de la série :

"Extraits intégraux des Carnets de l’Ifpo : Des Alaouites en Syrie :
un autre islam - 2 (1)/4"
http://www.larevuedesressources.org/extraits-integraux-des-carnets-de-l-ifpo-des-alaouites-en-syrie-un-autre-islam-2-1-4,2660.html


" Voici le second de la série des quatre articles de Bruno Paoli sur
les Aalouites de Syrie, publiée dans Les Carnets de l’Ifpo depuis le
mois de décembre 2012.
En réalité c’est le premier paru dans l’indexation de la publication
originale — (1) — ici en second lieu — 2 (1). Si nous avons commencé
par Des Alaouites en Syrie : prosélytisme et diffusion de la gnose —
1(2), — c’était pour mettre en relation la recension Les gnostiques
vus par Pacôme Thiellement, publiée auparavant.
Au moment où la guerre élargie à la question de l’Iran menace le
Liban, après le double attentat suicide qui a frappé l’ambassade
d’Iran et les immeubles avoisinants, à Beyrouth, il est difficile de
présenter aujourd’hui la formidable étude de Bruno Paoli sur les
alouites sans apporter des précisions sur cette guerre, à la fois
civile et géopolitique, où le massacre des alaouites a commencé, sous
couvert du combat ciblé contre le pouvoir en place.
La communauté alaouite ne constitue pas une ethnie dans la mesure où
elle n’a pas d’exclusive de sang. Le Président Bachar al-Assad
lui-même est l’époux d’une sunnite. La religion est l’objet d’une
initiation individuelle plutôt que d’un héritage collectif.
Les alouites les plus nombreux vivant dans un pays du Proche Orient se
trouvent en Turquie, ce qui n’est pas perçu comme un fait significatif
par rapport à la guerre voisine, pourtant impliquant le gouvernement
turc, peut-être dû à un consensus paradoxal du Printemps turc, où
l’opposition kurde, unie au mouvement pluriel écolo-démocratique
contre la normalisation autoritaire de l’État et l’islamisation des
lois, trouve contradictoirement son opportunité nationaliste dans la
guerre en Syrie.
Les alaouites sont présents en moins grand nombre au Liban.
Quant à la Syrie, dont le nord situe le berceau de l’initiation, les
adeptes parmi la mosaïque des communautés syrienne [1] n’y
représentaient que 10% de la population avant le stade actuel de la
destruction.
L’État syrien est cité sans explication ni rappel comme une dictature
abusive d’une minorité sur les autres, à propos de son Président
Bachar al-Assad. Alouite initié et successeur par procuration de son
père, le dictateur Hafez al-Assad qui lui a conféré sa constitution et
cette réputation, Bachar al-Assad a néanmoins été reconnu par
referendum à deux reprises, et a tenté une démocratisation politique
et économique, voire même une libéralisation, quoique difficilement vu
le poids de ses partisans et celui de ses opposants, et l’embargo
américain. Mais les communautés vivaient en paix nationale égalitaire
en Syrie laïque, et s’il y avait une répression elle n’était pas
communautaire mais politique.
On parle d’un régime alaouite, mais ces termes sont inappropriés.
Hormis la garde rapprochée présidentielle et un corps d’élite de
l’armée dirigée par un frère du Président, comme autrefois le propre
frère de Hafez al-Assad, il serait difficile de désigner l’État
gouverné par Bachar al-Assad comme un État alaouite, car le pouvoir
des Assad est d’abord installé sur le parti Baas (ou Ba’ath) [2],
subsistant du parti panarabe laïque (pluri-confessionnel) fondateur du
socialisme arabe, au siècle dernier, dont Hafez-al-Assad fut un
militant et un réformateur notoire, qui n’hésita pas à effectuer des
purges pour assurer son propre pouvoir. Dû à la laïcité parmi une
population dont certaine revendique le nationalisme religieux, et au
socialisme, ces partis évoluèrent souvent en partis uniques de
diverses dictatures autonomes, solidaires entre elles, qui furent
respectivement aidées par le camp collectiviste des partenaires de la
guerre froide, parfois diplomatiquement par les États des anciens
protectorats, et enfin par les grandes puissances d’abord contre les
dictatures régionales de la charia, puis en partie avec elles contre
les intérêts régionaux, pour l’appropriation des ressources dans le
cadre de la mondialisation.
Ainsi, il n’est pas surprenant de découvrir qu’en Syrie actuelle le
dirigeant de l’armée et le chef des services secrets soient des
sunnites, et que le gouvernement et l’État se partagent avec les
membres d’autres communautés.
L’accusation en nom d’ « alaouite » exprime un racisme vengeur qui
prend une communauté en otage sous une menace meurtrière, (en partie
passée aux actes durant la guerre en cours), et la constitue d’autant
plus en victime que deux Présidents successifs en aient fait partie
depuis 1970 (et pour la première fois dans l’histoire de la Syrie),
sans que leur communauté dans son ensemble n’ait émergé en caste
dominante ni en classe notoirement enrichie, (si ce n’était sa
sécurité un temps assurée après des persécutions au long des temps).
De plus, la communauté alaouite elle-même compte des opposants
démocrates au système constitutionnel des Assad [3]. Pour autant, dès
le début de 2012, le mot d’ordre des manifestations contre
Bachar-al-Assad en Syrie se chantait : « Les chrétiens au Liban, les
alaouites au cimetière ». La prédiction est donc en partie réalisée
aujourd’hui.
Les chrétiens ne participent pas davantage que les musulmans sunnites
au partage du pouvoir et même plutôt moins. Mais l’hétérodoxie
alaouite a entre autre ceci de commun avec les chrétiens qui puisse
les faire rejeter par l’intégrisme musulman, outre les croisades et le
porc, que le vin n’y soit pas honni et davantage, que le protocole de
la consommation rituelle du vin fasse partie de la cérémonie de la
fête des Lumières, célébration annuelle alaouite.
Ce n’est pas seulement la fuite massive des populations chrétiennes de
Syrie vers les pays voisins, la Russie et plus largement l’Asie et
l’Australie, ou vers l’Europe et l’Amérique, au point que les divers
Patriarches d’Orient aient demandé audience au Pape pour une stratégie
de coexistence des populations chrétiennes au Proche Orient [4]. Car
la population pluri-confessionnelle (y compris les sunnites
pratiquants susceptibles d’être représentés par l’opposition) fuit
aussi la guerre [5], d’où le nombre de plusieurs millions de réfugiés
[6]. Ce sont aussi les massacres génocidaires dans les villages
alouites de la région montagneuse autour du port de Lattaquié, au mois
d’août 2013, tels les massacres dans les villages arméniens de Turquie
au début du siècle dernier [7]. L. D."


==---> Pour voir les notes se rendre au lien, et surtout pour y
découvrir la passionnante étude de Bruno Paoli,(parmi ses autres et
nombreux travaux non spécifiques de cette culture, il tient
actuellement le chantier de l'ouvrage : "Littérature nusayrie-alaouite
: un guide bio-bibliographique" à juste titre soucieux de marquer un
point d'ancrage pour la défense d'une culture particulièrement menacée
dans les intempéries guerrières)  que nous poursuivrons de publier
jusqu'au 7 décembre, anniversaire d'un an du commencement de cette
série dans Les Cahiers de l'Ifpo.

Rappel de la dernière conférence de B. Paoli (maître de conférences à
l'Université Bordeaux-III où il enseigne la langue et la littérature
arabes ; il dirige depuis novembre 2011 le Département des études
arabes, médiévales et modernes de l'Institut français du
Proche-Orient. Ayant séjourné de longues années en Syrie, il mène
depuis près de dix ans des recherches sur l'histoire de la communauté
alaouite) :

"Conférence : Et maintenant, on va où ? Les Alaouites de Syrie à la
croisée des destins (Amman, 7 octobre 2012)"
http://www.ifporient.org/en/node/1173

Bonnes lectures !
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