Louise Desrenards on Sat, 30 Jan 2016 09:44:07 +0100 (CET)


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[Nettime-fr] Genève en Syrie


Et maintenant vous avez atterri à Genève, en Syrie / Pepe Escobar in
RT Opinion. 29 janvier.

"Le présumé processus de paix syrien entre maintenant dans sa phase de
mascarade à Genève. Il se peut que ça dure des mois; préparez-vous à
des doses somptueuses de gesticulations et de fanfaronnades capables
de surprendre jusqu'à Donald Trump lui-même.
Pour commencer, la notion selon laquelle Genève puisse être en mesure
d'usurper l'identité de Damas dans une pantomime en costume-cravate
est ridicule. Même l'émissaire de l'ONU à la superbe élégance
vestimentaire, Staffan de Mistura, admet à l'avance une tâche de
Sisyphe -- même si tous les acteurs concernés étaient à la table.
Ensuite, nous avons la "figure de l'opposition" syrienne George Sabra
qui annonce qu'aucune délégation du haut comité de l'opposition basé à
Riyad ne sera à la table des négociations à Genève. Comme si les
Syriens avaient besoin d'une "opposition" instrumentalisée par
l'Arabie saoudite.
Donc, dans l'objectif d'informer le contexte, voici un récapitulatif
très concis des derniers faits cruciaux sur le terrain syrien que la
"nouvelle capitale" Genève ne pourrait ignorer qu'à ses risques et
périls.
Commençons par l'été dernier, lorsque Qasem Soleimani, le commandant
superstar des forces iraniennes al-Qods, posa en personne, à Moscou,
la sentence établissant sans aucun doute que la situation à travers le
théâtre de la guerre syrienne était dramatique.
Essentiellement Soleimani dit alors au Kremlin et au Renseignement
russe qu'Alep allait être sur le point de tomber, que Jabhat al-Nusra
était aux portes sud de Damas, que Idlib était tombée, et que
Lattaquié -- siège de la base navale russe de Tartous -- serait la
prochaine.
On peut imaginer l'effet de cette secousse de realpolitik dans
l'esprit du président Poutine. Lequel a décroché sa résolution pour
arrêter la chute de la Syrie et l'empêcher de devenir un remix libyen.
La campagne de la force aérienne russe est avérée être le changeur
ultime du jeu. Elle est dans un processus de sécurisation du réseau
Damas-Homs-Hama-Lattaquié-Alep -- l'ouest urbain développé de la Syrie
qui détient 70 pour cent de la population du pays. ISIS / ISIL / Daesh
et/ou Jabhat al-Nusra -- alias al-Qaïda en Syrie,-- ont zéro chances
de se reprendre de ce territoire. Le reste est en grande partie
désertique.
Jaish al-Islam (l'armée de l'Islam) -- une équipe hétéroclite armée
par l'Arabie saoudite -- détient encore quelques positions au nord de
Damas. C'est maîtrisable. Les rustres de la province de Deraa, au sud
de Damas, ne pourraient faire une poussée vers la capitale que dans un
contexte impossible de Tempête de Désert de 1991.
Les "rebelles modérés" -- de la concoction périphérique -- ont essayé
de tenir Homs et Al-Qusayr, coupant le ravitaillement de Damas. Ils
ont été repoussés. Quant à la horde de rebelles "modérés" qui ont pris
toute la province d'Idlib, ils sont impitoyablement pilonnés depuis
maintenant quatre mois par l'Armée de l'air russe. Le front sud d'Alep
est également sécurisé.

Ne bombardez pas "nos" rebelles

Il est facile d'épingler qui se retrouve livide par toute l'action
russe: l'Arabie saoudite, la Turquie et -- dernièrement mais pas le
moindre -- l''Empire of Chaos" [ pour info sur l'empire du chaos
http://www.denistouret.net/textes/Joxe_Alain.html ], tous à table à
Genève.
Jabhat al-Nusra -- contrôlé à distance par Ayman al-Zawahiri -- est
intimement lié à une tripotée de salafistes-djihadistes de l'"Armée de
la conquête" parrainée par l'Arabie, ainsi qu'alliée sur le plan
tactique avec une myriade de milices nominalement regroupées dans
l'Armée syrienne libre presque éteinte (ASL).
La CIA, recourant aux Saoudiens pour déni plausible, a entièrement
militarisé une sélection de groupes de l'ASL qui a reçu, entre autres,
des missiles antichars américains TOW. L'invité qui a pratiquement
"intercepté" toutes les armes est : Jabhat al-Nusra.
Le suivi ne fut rien qu'hilarant: Washington, Ankara et Riyad
dénonçant furieusement Moscou de bombarder leurs "rebelles modérés" au
lieu d'ISIS / ISIL / Daesh.
Parallèlement à l'offensive russe, l'armée arabe syrienne (AAS),
lentement mais sûrement, a repris l'initiative. Les "4 + 1" -- Russie,
Syrie, Iran ("Les forces spéciales", beaucoup d'entre elles venant
d'Afghanistan), Irak, plus le Hezbollah -- ont commencé à coordonner
leurs efforts. La province de Lattaquié -- qui accueille non seulement
la base navale russe de Tartous, mais encore la base aérienne russe de
Khmeimim -- est maintenant sous le contrôle total de Damas.
Et cela nous amène aux cauchemars d'Ankara. La force aérienne russe a
fracassé la plupart des milices par procuration d'Ankara, les
Turkmènes -- fortement infiltrés par les fascistes turcs -- dans le
nord ouest de la Syrie. Ce fut la principale raison du geste désespéré
du Sultan Erdogan d'abattre le Sukhoi Su-24.
Telles que sont les choses sur le terrain, il est maintenant clair que
les gagnants sont les «4 + 1», et les perdants sont l'Arabie saoudite
et la Turquie. Donc pas étonnant que les Saoudiens veuillent au moins
une partie de leurs groupes par procuration à la table des
négociations à Genève, tandis que la Turquie tente de changer de sujet
en y interdisant les Kurdes syriens : ceux-ci étant accusés d'être des
terroristes, bien plus que ISIS / ISIL / Daesh.

Quitter Genève, entrer à Jarabulus

Comme si cela n'était pas assez confus, un "groupe de réflexion" des
États-Unis est maintenant en train de tricoter une "compréhension"
entre Washington et Ankara pour ce qui serait, à toutes fins utiles,
une invasion turque du nord de la Syrie, sous prétexte qu'Ankara aille
briser ISIS / ISIL / Daesh dans le nord d'Alep.
Ceci est une absurdité totale. Le jeu d'Ankara est à trois volets :
soutenir ses mandataires turkmènes fortement vaincus ; garder bien
vivant le couloir d'Alep -- couloir qui contient principalement la
route djihadiste entre la Turquie et la Syrie ; et surtout empêcher
par tous les moyens nécessaires que "Les unités de protection du
peuple" Kurde (GPJ) réduise l'écart d'Afrin à Kobane, et unisse les
trois cantons kurdes syriens près de la frontière turque.
Rien de tout cela n'a à voir avec les combats contre ISISL / ISIL /
Daesh. Et la partie la plus sucrée est que Washington aide réellement
les Kurdes syriens avec un support aérien. Soit le Pentagone soutient
les Kurdes syriens soit il soutient l'invasion du nord de la Syrie par
Erdogan : la schizophrénie ne peut s'appliquer dans ce cas.
Un Erdogan désespéré au cours de sa dite "invasion" peut être assez
fou pour affronter la force aérienne russe. Poutine est sur le coup
lorsqu'il dit que la réponse à toute provocation sera immédiate et
mortelle. Pour couronner le tout, en fait les Russes et les Américains
sont en train de coordonner leur action dans l'espace aérien au nord
de la Syrie.
Ce qui concerne la prochaine grande chose annoncée, éclipsant
totalement la pantomime de Genève. Le GPJ et ses alliés prévoient une
attaque majeure pour saisir enfin le tronçon de 100 kilomètres de la
frontière entre la Syrie et la Turquie toujours contrôlée par ISIS /
ISIL / Daesh -- et réunissant ainsi leurs trois cantons.
Erdogan a été franc, si le GPJ pousse à l'ouest de l'Euphrate, ce sera
la guerre. Bon, ça ressemblerait à la guerre, alors. Le GPJ se prépare
à attaquer les villes cruciales de Jarabulus et de Manbij. La Russie
va certainement aider le GPJ à reconquérir Jarabulus. Et ce sera sur
le terrain -- une fois encore -- le choc direct de la Turquie contre
la Russie.
Genève ? C'est pour les touristes. La capitale du spectacle de
l'horreur syrienne est maintenant Jarabulus.

https://www.rt.com/op-edge/330618-geneva-syria-peace-talks/
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