Yann Le Guennec on Mon, 16 Sep 2002 10:19:38 +0200 (CEST)


[Date Prev] [Date Next] [Thread Prev] [Thread Next] [Date Index] [Thread Index]

[nettime-fr] La terminologie comme element de typologie: le cas 'net art'


La terminologie comme élément de typologie: le cas 'net art'.
Interactions avec la machine ou interactions avec le réseau ?


Comment envisager les spécificités éventuelles de l'art en réseau, art du 
réseau, ou autre "net art", face à la diversité des expériences et au 
brouillage des terminologies et du sens.

'net art', traduit littéralement, donnerait par exemple 'art du filet' ou 
'art du piege'. Considérons ici que 'net' est une abréviation de 
'internet', que 'net art' désigne donc quelque chose du domaine de l'art en 
rapport avec internet, et tentons de voir quelle est la nature de ce rapport.

Lorsque je télécharge sur mon ordinateur une application, me déconnecte 
d'internet et lance l'application depuis la mémoire morte ou elle est 
stockée, si l'application fournit encore toutes les fonctionnalités 
décrites, alors elle n'a pas besoin d'une connexion au réseau pour 
fonctionner, exister. Je me suis procuré l'oeuvre grace à internet, mais 
celle-ci existe en dehors d'internet, pas en tant que partie, résidu ou 
composant d'une oeuvre plus vaste, mais bien dans son intégrité perceptible 
d'oeuvre.

Internet agit comme alors comme un vecteur de réplication et de 
dissémination des fichiers et ce processus est envisagé par l'oeuvre, ou 
plutot son auteur, comme un moyen de diffusion. Internet est alors comme 
une librairie ou je vais acheter un livre. De retour chez moi, ce livre 
n'est plus lié à la librairie. L'oeuvre est le livre, avec ou sans la 
librairie. En tous cas, je n'ai pas besoin de définir le livre en fonction 
de la librairie, ce qui nous donnerait par exemple une 'lib-littérature', 
spécifique parmis les littératures. Inversement, une oeuvre littéraire, 
parce que téléchargée sur internet, serait à ranger dans la catégorie 'net 
art'.

Ce type d'usage d'internet en tant que vecteur de diffusion est valable 
pour ce qui est du domaine des images numériques, fixes ou mobiles, qui ne 
sont pas le résultat de processus dynamiques actuellement en cours [1], des 
applications qui fonctionnent hors connexion, en fait pour tout fichier 
stocké sur un serveur en attente de copie (téléchargement) par le client.

Une fois les fichiers de l'oeuvre téléchargés, je n'interagis pas avec le 
réseau, mais avec ma machine, selon les règles définies par le programme. 
Ce type d'oeuvre peut également être diffusé et exister sur n'importe quel 
type de mémoire morte. L'oeuvre ne fait pas usage des protocoles d'internet 
[2].

Une oeuvre qui cherche à revendiquer une appartenance à un groupe tel que 
celui évoqué par le terme 'net art' doit avoir semble-t-il quelque chose en 
rapport direct avec les spécificités d'internet, soit dans son processus de 
création, soit dans son fonctionnement, et pas seulement dans sa diffusion. 
'Quelque chose d'internet' devrait être nécessaire à l'existence même de 
l'oeuvre pour éprouver ainsi le besoin de l'affilier à une telle catégorie 
typologique. [3]

En quoi l'oeuvre considérée convoque-t-elle les caractéristiques du réseau, 
autrement dit d'un point de vue technique, en quoi fait-elle usage des 
protocoles de la suite TCP/IP en dehors de la fonction de diffusion.

Internet est basé sur une suite de protocoles qui permettent aux 
ordinateurs de dialoguer entre eux sous forme de requêtes, et 
eventuellement, à travers eux, aux utilisateurs de mettre en oeuvre des 
processus partagés et collaborations sur des projets donnés. Cette 
dimension est totalement absente de l'approche 'support de diffusion' 
précédente, elle semble pourtant plus spécifique à internet comme médium et 
environnement pour la création.

L'oeuvre qui revendique une spécificité liée à internet est alors une 
oeuvre de processus, de procédures, non nécessairement limitées dans le 
temps, qui utilise l'architecture physique et logique du réseau pour son 
développement, son existence. Les programmes ou applications qui en 
découlent sont par exemple des agents de sélection et traitement de données 
stockées sur des serveurs distants, des interfaces d'accès à des ressources 
dynamiques disséminées, des collaborations interpersonnelles sur le réseau 
des réseaux dans des cadres plus ou moins définis, bref, un ensemble de 
pratiques qui ne pourraient fondamentalement exister sans internet. [4]

Dans ce cas, l'appellation 'net art' est une indication pertinente sur la 
nature de l'oeuvre, ses enjeux et son environnement. Dans le cas contraire, 
l'usage du terme ne semble pas justifié et tend à vider de sa substance un 
terme qui pourrait faire référence à certaines pratiques identifiables mais 
encore apparemment souvent ignorées par ceux qui se présentent comme 
médiateurs et représentants de l'état actuel de la création numérique [3][5].


YG /ARN
09.2002


réactions et commentaires bienvenus !



[1] Pour un exemple d'image qui existe en tant que visualisation de 
processus lié au protocole d'accès à cette image, voir par exemple : 
"Decay" de Chris Basset
http://decay.robot138.com/


[2] "Internet, avec un I majuscule designe l'ensemble des reseaux qui 
utilisent TCP/IP et qui, grace a une etroite cooperation, forment 
virtuellement un reseau unique. Il permet a tout utilisateur d'un des 
reseaux d'utiliser les services de TCP/IP (NDA : Transmission Control 
Protocol/Internet Protocol) avec tous les autres utilisateurs des autres 
reseaux. "
RFC - Jean-Luc Archimbaud CNRS/UREC - 4 aout 92
http://www.urec.cnrs.fr/standard/92.08.RFCs.txt

Internet existe sans le web mais la reciproque n'est pas vraie. Le web est 
défini à l'origine comme la combinaison de 3 éléments:
URL - Uniform Resource Locator (système de nom unique pour les ressources, 
les documents)
HTTP - HyperText Transfer Protocol  (un protocole qui repose sur TCP/IP qui 
permet la circulation des données entre serveurs et clients. FTP, SMTP sont 
par exemple d'autres protocoles d'internet)
HTML - HyperText Markup Language (le langage des documents)

Voir le site du w3c, en charge de l'évolution du web, pour suivre 
l'évolution actuelle de cette définition
http://www.w3.org
"W3C defines the Web as the universe of network-accessible information 
(available through your computer, phone, television, or networked 
refrigerator...). "
"The Web is a collaborative medium, not read-only like a magazine. In fact, 
the first Web browser was also an editor, though most people today think of 
browsing as primarily viewing, not interacting."
http://www.w3.org/Consortium/Points/


[3] La sélection 'net art' en parallele de la manifestation Villette 
Numérique interroge sur la définition et le champ d'application de la 
terminologie utilisée. Considérer un 'art internet' tel qu'approché par la 
sélection 'net art', c'est se tromper de terminologie. L'usage de 'art 
multimédia' par exemple évoque implicitement l'usage de technologies 
numériques sans chercher à en spécifier un champ particulier et aurait été 
sans doute plus approprié.
L'oeuvre de Stanza, Soundscraper, par exemple, présente dans cette 
sélection, est constituée de fichiers Macromedia Shockwave qui demeurent 
parfaitement lisibles hors connexion.
L'oeuvre est pourtant décrite comme "a self contained online image 
experience". Pourquoi fondamentalement 'online', alors qu'il est possible 
de vivre cette expérience 'offline' une fois les fichiers téléchargés ?


[4] Par rapport à cette approche, le prix Ars Electronica décerné à Linus 
Torvalds pour sa participation au développement du système Linux est 
exemplaire de ce que sous-tend une définition du 'net art' tout en décalant 
radicalement la notion d'oeuvre artistique.

Statement of the Jury:
Golden Nica for Linux/ Linus Torvalds (Finland) "LINUX"
http://prixars.aec.at/history/jurybegr/1999/E99www.html
Les Prix Ars Electronica  1999: le choix des oeuvres et la méthode
Richard Barbeau 09/1999
http://archee.qc.ca/ar.php4?btn=texte&texte=texte&no=22&note=ok#texte1


[5] " Première édition d'une biennale consacrée à la création numérique, 
Villette Numérique reflète le potentiel créatif des attitudes croisées des 
différents champs de la création, la convergence accrue entre l'art 
contemporain, le cinéma, la musique, le spectacle vivant, le web ou les 
jeux vidéos notamment.(...) la manifestation explore ainsi l'impact des 
technologies sur nos vies quotidiennes et le changement radical qu'elles 
produisent dans le paysage culturel. "
http://www.villette-numerique.com/main.php?pg=10&vr=f&lang=fr

 
 
< n e t t i m e - f r >
 
Liste francophone de politique, art et culture liés au Net  
Annonces et filtrage collectif de textes.
 
<>  Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net
<>  Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org
<>   Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr
<>  Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net