nicolas maleve on Tue, 30 Mar 2004 11:56:33 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] un regard critique sur le proces microsoft


La sanction apportée à Microsoft par la commission européenne est-elle un
précédent fort, comme le dit Mario Monti, ou une officialisation détournée
des pratiques de la firme de Redmond?

From: Frederic Couchet <fcouchet@april.org>
To: april@april.org
Subject: [APRIL] Tribune dans Liberation sur Microsoft


Tribune parue ce matin.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=190209

   Le sacre de Microsoft

   La Commission européenne fait les gros yeux à Microsoft
   et entérine son monopole.

   par Daniel Cohn-Bendit, député européen,vert

   Frédéric Couchet, de la Fondation
   pour le logiciel libre.

   Dans le cadre de la procédure pour abus de position
   dominante engagée par la Commission européenne à l'encontre de
   Microsoft, procédure qui porte notamment sur le couplage du lecteur
   de médias de Microsoft, Media Player, avec le système
   d'exploitation Microsoft Windows, la multinationale américaine a
   été condamnée le 24 mars dernier. La multinationale devra
   s'acquitter d'une amende et commercialiser une version de Microsoft
   Windows sans Windows Media Player, ainsi que dévoiler certaines
   informations techniques à ses concurrents.

   Les remèdes proposés par la Commission sont insignifiants : elle
   entérine le monopole que Microsoft a bâti grâce à des pratiques qui
   violent le traité de l'UE (art. 82), et qui lui procure la
   suprématie dans un secteur stratégique de l'économie européenne. La
   sanction principale (497 millions d'euros) s'apparente plus au
   paiement d'une taxe qui vaut officialisation des pratiques. Le
   trésor de guerre accumulé par Microsoft, 50 milliards de dollars,
   lui permettra de faire face sans grandes inquiétudes, et sa
   position sur le marché ne sera pas remise en cause. Bien qu'une
   lettre signée de dix parlementaires américains s'indigne que l'UE
   ose juger une affaire concernant au premier titre des sociétés
   américaines, ces sanctions ne sont qu'un effet d'annonce. Elles ne
   permettront pas l'éclosion d'un marché où la concurrence jouerait
   librement.

   Une concurrence effective impliquerait de permettre à n'importe
   quel acteur de mettre en oeuvre des logiciels compatibles. Pour
   cela, toutes les informations nécessaires à l'écriture de
   programmes compatibles avec Windows doivent être rendues publiques,
   sans restriction d'accès. Microsoft a en effet tiré partie du flou
   de la formule «termes raisonnables et non discriminatoires»
   («reasonable and non-discriminatory terms») utilisée par le
   département américain de la Justice dans une procédure similaire,
   pour exclure de facto les développeurs de logiciels libres.

   En effet, la livraison des interfaces n'est pas en soi suffisante
   sans garantie de licences gratuites et non-discriminatoires sur
   tout brevet ou copyright impliqué dans la réalisation pratique de
   cette interopérabilité : si pour utiliser l'interface, il faut
   utiliser un brevet, le concurrent est coincé. Ceci revient à
   décrire le fonctionnement de l'écrou tout en possédant un brevet
   sur le boulon.

   Or Microsoft a reconnu à plusieurs reprises que son principal
   concurrent était le logiciel libre, dont la production en Europe
   dépasse largement celle des Etats-Unis. Le logiciel GNU/Linux
   possède, selon les études IDC, le plus fort taux de pénétration sur
   le marché ces dernières années. Les comparatifs récents entre les
   suites bureautiques Microsoft Office et OpenOffice.org définissent
   clairement les logiciels libres comme une alternative sérieuse. Il
   est également permis de se demander pourquoi quatre ans d'enquête
   ont été nécessaires pour établir l'abus de position dominante de
   Microsoft. Cela pourrait être risible si la liberté des
   consommateurs, y compris ceux du secteur public, n'était en jeu.

   Une simple visite dans un hypermarché aurait permis de constater
   que le droit à la concurrence et les libertés du consommateur ne
   sont pas respectés. Ces particuliers s'y voient proposer des gammes
   d'ordinateurs comportant au moins le système d'exploitation de
   Microsoft. Acheter un ordinateur sans ce logiciel est, bien que
   cela soit contraire au code de la consommation, la plupart du temps
   refusé, sa vente étant liée à celle de la machine. C'est la base du
   problème de la vente liée que Microsoft pratique dès le système
   d'exploitation.

   S'il est légitime pour un revendeur de proposer en option la
   préinstallation de logiciels sur l'ordinateur, imposer leur achat
   est pour le moins abusif. Il est pourtant possible de procéder
   autrement : la société Sun montre l'exemple en préinstallant
   plusieurs versions de son système d'exploitation Solaris sur
   certaines de ses machines et en invitant l'utilisateur à effacer
   celles pour lesquelles il n'achète pas de licence.

   Vendre un ordinateur en imposant l'achat de logiciels est aussi
   aberrant qu'imposer l'achat de l'intégrale de Dalida à chaque achat
   de lecteur de musique. Dans le cas qui nous préoccupe, il y a
   confusion entre le matériel et le contrat de licence d'utilisation
   du logiciel. Ce dernier est un service et ne peut en aucun cas être
   traité comme une composante matérielle.

   Les démarches de remboursement des logiciels non utilisés,
   démarches fort peu connues du grand public, quand elles sont
   entamées par des particuliers et des entreprises, sont longues,
   difficiles et leur succès aléatoire. Le montant du remboursement
   est également aléatoire en l'absence d'un décompte détaillé du prix
   de chaque élément (matériels et logiciels) fourni et vendu.

   Dans sa déclaration du 18 mars 2004, le Commissaire européen Mario
   Monti déclare qu'«il pense que la meilleure solution consiste à
   adopter une décision qui créera un précédent fort». Pour une réelle
   concurrence et pour la liberté de choix du consommateur, nous
   l'encourageons à prendre effectivement des décisions fortes et
   réellement efficaces, avant qu'il ne soit trop tard. En effet,
   après son monopole sur les postes de travail, Microsoft travaille à
   prendre possession des formats de données numériques et des mesures
   techniques de protection de ces données, ce qui lui permettra
   d'obtenir un monopole sur les contenus culturels. Le résultat
   serait le même si on laissait une seule et même entité s'approprier
   les normes VHS, DVD, CD, GSM, télé, radio... cette entité
   deviendrait la seule et unique autorisée à fabriquer des télés,
   radios, magnétoscopes, téléphones... Pour sauvegarder les droits du
   consommateur et la libre concurrence, un vrai changement de
   politique de la part de la Commission doit passer par les mesures
   suivantes :

    séparer matériel, système d'exploitation et applications.

    permettre que d'autres sociétés puissent fournir des pilotes de
   périphériques (pour les matériels type cartes vidéo, lecteurs
   DVD...)

    donner au consommateur le choix quant aux logiciels qu'il veut
   acquérir. Si le client ne désire pas acquérir le logiciel, il n'y a
   aucune raison qu'il y soit contraint.

   Mitchell Kertzman, CEO de Sybase, indiquait déjà en 1997 dans 01
   Informatique «je connais Microsoft, je sais qu'elle essaie de
   décourager la concurrence, et que c'est de pire en pire». Il est
   temps de condamner les méthodes de Microsoft avant que cette
   société ne crée un monopole privé sur les technologies d'accès à la
   culture et à l'information. La clef de l'économie de marché est la
   liberté de sélectionner en parfaite connaissance l'offre la plus
   adéquate. Ce fondement est aujourd'hui sapé.




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