Louise Desrenards on Mon, 12 Apr 2004 12:58:02 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Déconstruction d'un faiseur d'opinion (réponse à Libé)


Déconstruction d'un faiseur d'opinion
De la pression à l'ingérence


    Il est à dire avant toute chose que l'ingérence de la France en Italie
eut été d'agir l'opinion des medias, de leurs journalistes et des
représentants de l'Etat Italiens, en vue d'influencer des changements de la
loi, par exemple l'amnistie générale des adversaires pour en finir avec la
violence des années de plomb. Ce n'est pas le cas, bien au contraire, le
Président Mitterrand selon une tradition locale du droit d'asile politique a
accueilli les réfugiés Italiens en France, pour qu'ils rompent avec la
violence, dont après coup Cesare Battisti lequel, au terme d'un procès mené
et conclu ici-même, suite à une première demande d'extradition, a obtenu des
mains de monsieur Juppé, chef de gouvernement de la cohabitation sous le
second mandat présidentiel de Mitterrand, une carte de séjour pour dix ans
(citation de la déclaration du maire de Paris Delanoë).

Que Battisti fut condamné après par contumace ne change rien : il se
trouvait déjà en France. Que l'Italie n'accepte pas la diversité européenne
en l'état de la loi française pour des hôtes sur le territoire français est
son propre droit. Qu'elle exerce une pression sur notre droit ne l'est pas,
quand résister à cette pression devient plus que notre droit : un devoir.

En effet, l'Europe qui défait les républiques et les démocraties locales de
devoir effectuer ses lois communautaires, normes, taxes, contrôles, demeure
pourtant en attente de constitution ; précisément, la mise en place de la
constitution fut déjugée sous la présidence italienne de la commission
européenne - ; existerait-il des lois communautaires, il ne demeure en terme
civique certain à ce jour, concernant les libertés de penser et
d'expression, d'insoumission, d'asile, d'autonomie ou d'amnistie, que selon
l'autonomie ultime des localités européennes en ce qu'on ne pourrait leur
déjuger de s'autodéterminer dans le cadre commun selon leur traditions leur
culture et leur droit respectifs, y compris pour une démocratie
communautaire laquelle, à défaut de constitution ou de gouvernement élu
n'existe pas de façon souveraine, sauf autoritairement : ce qui n'a pas été
requis par les peuples qu'elle concerne.


        Personne ne pourrait reprocher à Libé de publier un article depuis
Rome sur le climat italien à propos de l'affaire Battisti, et moins encore
de n'en avoir pas transformé la tonalité subjective, fut-elle partisane
contradictoirement de la plupart articles publiés auparavant dans le même
support. On connaît,  " Le monde " a joué le même coup, une sorte de
trahison de son sujet contre le fait d'avoir commencé par le défendre : il
ne faut pas descendre dans le "lectoramat" des amateurs de Presse - ni les
financiers ni ceux au goût du pouvoir n'aiment cela.

Il reste que le brillant rédacteur Eric Jozsef s'affiche sous la bannière de
l'information et de l'objectivité quoiqu'il joue - à moins qu'il ne s'agisse
d'une maladresse ignorant la montée aléatoire du sens - de l'art des
contractions synoptiques, chères à la version courte des idées, sous la
forme de l'abstract (serait-il plus long que cette forme parfaite de la
communication à l'accoutumée, car à la vision large qu'il embrasse on peut
imaginer la profusion de la matière qui le sous-tend et qu'il réduit plutôt
qu'il ne la contracte). Passant d'une diachronie à l'autre, sous des mots
clés devenant ainsi émergents et qui, au bout du compte, tiennent plus de la
métaphore de l'information pour opinion, que de l'actualisation de vision
rapportée, ou même de concept (ce qui supposerait la réflexion en amont),
apparaît soudain la révélation sensible, incontestable sous l'oeil du témoin
direct, l'envoyé spécial - ou plutôt le "résident", si l'on sait que peu de
journaux s'offrent le luxe de véritables "envoyés spéciaux", aujourd'hui -,
de l'événement suivant : la gauche est intégralement solidaire de la droite
et de l'extrême droite digérées et blanchies, dans le front démocratique
parlementaire et gouvernemental de l'Italie de Berlusconi. Car la
droitisation légitime de la gauche sur la question de Battisti et des PAC
est l'objet global de l'article, s'agissant d'une publication dans un
journal de gauche ici, si j'ai bien compris.

Cette opinion étrangement fusionnelle avec la tendance annoncée du reportage
sur place, relation adoptant le point de vue sans distance éthique de ses
sujets, autant de personnalités charismatiques historiques et actuelles de
l'Etat honorées, que de criminels marginaux dénoncés qu'ils combattent,
paraît davantage correspondre à l'environnement du journaliste lui-même, en
Italie.

S'agit-il d'une conviction sensible sous l'effet de l'empathie avec le
voisinage des journalistes "envoyés spéciaux" dans les sphères de la
décision italienne, ou par opportunisme local flattant ses hôtes aux fins de
se maintenir en plaisantes romanités ? Car s'il va recueillir d'autres
témoignages, par exemple du repenti délateur ou de l'idéologue des PAC
(est-ce un repenti ? est-il libéré ? est-il emprisonné de ceux qui, chaque
soir, doivent revenir se faire interner ?) là encore, on n'est pas informé
sur les conditions des interviewes, ni même s'il ne s'agit pas mieux de
citations de la Presse, ou des actes des procès... bref, ce monsieur parle
comme s'il savait tout mais sans jamais dire si c'est directement ou
indirectement, sans jamais citer ses sources, comme si nous devions le
croire lui et ses improbables interlocuteurs, tel Dieu : alors qu'il s'agit
d'enfermer à perpétuité d'anciens militants révolutionnaires - et même s'ils
n'avaient pas tué, ils le pouvaient, puisqu'ils étaient armés.

Il est pourtant des Italiennes et des Italiens critiques, furent-ils
minoritaires, qui demeurent représentatifs comme électeurs italiens non
déchus de leurs droits civiques, mais qui ne pensent pas de la même façon ;
il en est même qui ne pensent pas de la même façon sans avoir participé à
l'univers des accusés. Nous le voyons tous les jours dans les listes et dans
les sites interactifs Italiens sur Internet. Evidemment, monsieur Jozsef
aurait pu en rencontrer quelques uns à Rome, or il n'est pas si bien informé
que cela, puisqu'il les ignore dans le cas général qu'il édifie d'un
soi-disant consensus. Monsieur Jozsef ne pratique pas l'enquête S'il nous
parle depuis la façade médiatique italienne qui l'aurait informé - ou
désinformé - lui-même, faisant tapage de ses oracles au lieu de la vox
populi, certes, sachant qui détient les médias et les paye, pour la plupart
: on veut bien le croire. Pour le reste, tout de même, il n'a pas du lui
arriver de changer de trottoir... Monsieur Jozsef serait par trop routinier
ou sédentaire.

Mais il y a plus grave que d'être sédentaire, quand en plus de la France
l'Europe elle-même est en danger d'ingérence ; ainsi, il ne manque pas que
l'évocation de cette voix critique de la minorité, qui se bat dans les
médias alternatifs et débat en rencontres sur place, contre le manque de
loyauté et de justice des dignitaires d'un Etat capable d'amnistier sans
honte, le lendemain même des attentats espagnols, le 12 mars, les
responsables de l'attentat putschiste de la Banque de l'Agriculture de Milan
en 1969, et criant d'autant plus fort vengeance des exactions de la lutte
armée par l'extrême gauche (qui au fond et entre autre y répliqua), qu'il
devient nécessaire de faire oublier l'horreur accompagnant les antécédents
périphériques de nombre de ceux actuellement au pouvoir, dont certains
héritiers ou témoins, sinon partenaires directs, affichés en évolution
récente pour se trouver légitimement installés au pouvoir par la démocratie
italienne... Preuve que la démocratie n'est pas incompatible avec le
fascisme, voir pouvant y conduire comme au contraire en démettre - une sorte
de "pute" -, ou sous d'autres formes maintenir ses avantages, par exemple
élue et cautionnée sous injection de populisme (je ne dis pas "popularité" ;
si la popularité caractérisait les attributs du pouvoir en place, le recours
à l'argumentaire sécuritaire et à la vengeance populiste ne lui serait pas
nécessaire, pour confirmer à grands flonflons médiatiques sa crédibilité
majoritaire - pour pallier à son impopularité potentielle).

Car il manque en plus - et principalement dès que la minorité est mise en
ellipse - des indications sur les raisons historiques passées, animant les
références crédibilisant le présent de messieurs Violante - fut-il un ancien
communiste, pourtant farouche acteur des lois d'urgence à propos de la
mafia, et quoique n'infirmant pas l'ellipse récente de l'attentat de Milan,
par exemple -, Spataro, non seulement " procureur adjoint à Milan " et
s'occupant " alors de terrorisme ", mais de surcroît accusateur comme
substitut du procureur au procès de Battisti par contumace -. Spataro, qui
ne pourrait donc ignorer les attentats et actions d'extrême droite
intriquant ensemble ou alternativement les responsabilités de la mafia, la
loge P2 (l'Opus dei) et du Vatican, de la démocratie chrétienne, et des
fractions de l'armée et de la police factieuses, adjoints à une puissance
étrangère, quand ce n'est pas directement le chef des services secrets,
lui-même présent - lors de l'enlèvement de Aldo Moro, attribué aux seuls
Brigadistes -, et qui ensanglantèrent l'Italie jusqu'à 1980 ; je cite Carlo
Roccella ["Pour toi Cesare, que je ne connais pas et que j'ai peu lu
(désolé, le polar c'est pas mon truc (...)"] :

" ces dates, ces chiffres, ces bombes : 12 décembre '69 Piazza Fontana 16
morts, 88 blessés ; 2 juillet '70 train Freccia del Sud 9 morts 139 blessés
; 25 septembre '70 assassinat de cinq anarchistes calabrais ; 28 mai '74
Piazza della Loggia Brescia 8 morts 94 blessés; 4 août '74 train Italicus 12
morts 105 blessés; 2 août '80 gare de Bologna 85 morts 200 blessés, bombes
explosées toujours pendant des périodes de forte mobilisations populaire.
Sans compter les dizaines de jeunes militants tués par les fascistes et la
police pendant les manifestations, du Nord au Sud. " Je n'accepte pas que
Cesare Battisti soit remis aux autorités italiennes ; Lettre au comité de
soutien de Cesare Battisti, avril 2004.

J'ajoute Gianfranco Fini, actuel vice président du conseil des ministres,
moins prestigieusement secrétaire national du parti néo-fasciste MSI-DN de
1987 à 1990 et qui se trouvait spécialement dans les bureaux de la police à
Gênes, lors de la violente répression des altermondialistes. Son revirement
public sur la Shoah le sépare de la descendante de Mussolini (cadrée par
l'union de trois formations fascistes elle se présente aux prochaines
élections européennes), mais pas de la politique de monsieur Sharon ni de
celle de monsieur Bush, ce qui ne prouve rien de plus que sa désaffection
récente de l'antisémitisme.

Concernant les enjeux du thème " Battisti fait l'unanimité contre lui en
Italie ", sous-titre " Droite berlusconienne et opposition de gauche
accablent l'ex-membre des Prolétaires armés pour le communisme ", dans un
pays incapable d'envisager un concept politique de l'amnistie, mais
seulement pénal ou partisan tel que l'Italie le manifeste, il paraît peu
responsable pour un journaliste de citer les convictions aux belles
références d'anciens ou d'actuels membres de la justice, de la magistrature,
ou du gouvernement italiens, sans en référer à leur rôle passé dans la
guerre civile larvaire, puis dans la répression et les lois d'urgence ; car
leur point de vue contre Battisti ne pourrait en être indifférent.

Sachant les situations locales respectives européennes et la situation
communautaire elle-même, vues depuis la pression Etat-Unienne en demande de
contrôle de l'Europe, via les pays de l'OTAN les plus engagés dans le
conflit en Irak, et la poussant à légiférer en amont de la fondation
constitutionnelle, on peut envisager une tentative d'ingérence dans les
affaires françaises resituées par l'Europe, et notamment visible à travers
le comportement public de l'Etat Italien et solidaire du gouvernement
français, dans le cas de Cesare Battisti, pion sémiotique d'une stratégie de
la communication armée par les pouvoirs, tandis qu'explosent les bombes en
Espagne...

On décèle donc, sous le flux unitaire italien présenté par cet article, à
quel endroit se situeraient les déclarations publiques contre Battisti, en
pleine instruction de la demande d'extradition, donc sans respect des juges
français et relayé par le ministre de la justice Perben lui-même à la
télévision, avant les élections régionales ; celui-ci, en dépit du
déferlement électoral de la gauche, reconduit comme sa loi qui clone la loi
italienne sur les repentis, au déni de notre tradition éthique et sans que
nous soyons l'objet d'un état d'exception déclaré, (comme au contraire
l'exigerait la convention de la 5e république), sa persistance, quoique
devenue silencieuse, laisse encore imaginer l'allégeance présidentielle
possible selon des accords secrets, qui seuls pourraient expliquer
l'acharnement du pouvoir à l'acte.


         Pour conclure, l'article de monsieur Jozsef n'est pas davantage
éclairant sur les protagonistes des témoignages accablants contre Battisti.
Il est à remarquer, parmi le tout, un repenti et un idéologue des PACS. Où
se trouvent-ils : libres, sous condition de dissociation devant rentrer à la
prison chaque soir, toujours incarcérés ? D'ailleurs on ne sait pas si le
journaliste relate ses rencontres directes, ou celles qu'il a faites à la
Une de ses confrères... ou encore s'agit-il d'extraits des actes des procès
? De plus, il est à remarquer un mélange des protagonistes et des groupes
qui concourre au bûcher des PAC et de Battisti.

Le pire (Armando Spataro, le procureur - d'où sort-il ? est-il au téléphone
?): « Ils disposaient de beaucoup d'armes mais d'un bagage culturel assez
faible ; leur puissance de feu et leur capacité opérationnelle dépassaient
largement leur épaisseur idéologique. » Voilà : c'étaient les prolos de la
lutte armée, des anarcho-maos spontex de base (ça colle avec George Habbache
moins imprescriptible que le Hamas) des "chtarbés", des ions libres assez
cons, et d'ailleurs ils ont commencé par les prisons, justement celle d'où
il sortait et celle d'où il s'échappera encore aidé par ses "potes" et sans
se briser "L'astragale", une chance... L'autre Albertine ce fut bref, Genet
ce fut davantage.

Je ne sais pas ce que vont en penser les lecteurs de Libération, mais les
livres de Battisti me paraissent plus édifiants que ses témoins transalpins
et le journaliste qui, à force de vouloir traîner les PAC en abjection ou de
les révéler en folie finit par en faire des personnages fascinants : c'est
bien pourquoi il faudrait les enfermer - en un monde si résigné ou si
compromis qu'aujourd'hui - leur révolte "sans bagage" appliquée aux idéaux
politiques fut-ce en cavale pourrait donner envie de les imiter ?!... Le
repenti : chacun sait le peu de crédibilité possible à lui prêter, et rien
qu'à lire ce qu'il est censé dire, on se le répète ; est-ce pour autant
qu'il soit si prolixe ? l'idéologue des PAC : comme un père initiatique
accablant son initié il définit les comportements de celui que sans doute il
commandait. On sait bien que les mains sales reviennent aux "hommes de main"
plutôt qu'aux hommes d'idées qui portent toute leur laideur dans la tête, on
l'imagine bien, là, d'où qu'ils aient laissé la loi des repentis, d'aveux en
délation, leur laver les cheveux ; ici, disons plutôt les hommes "de poing"
et les hommes "de tête". Encore peut-on être homme de poing virant à l'homme
de pied courant vite sans avoir tué quiconque ou homme de tête ayant tué -
même pas par procuration, voyez Burroughs et plus tard Althusser. On n'a pas
enfermé l'assassin d'Evariste Gallois.

L'Italie est le pays du déni, le déni de la responsabilité criminelle de
membres liés à l'Etat dans la détérioration des années de plomb en dit long
sur celui de concéder de la pensée à ceux qui se levèrent contre le
déferlement putschiste et furent-ils organisés ou égarés ; c'est précisément
ce pays où Mussolini a pu enfermer Gramsci bien avant la guerre pendant une
vingtaine d'années de réclusion, mort en prison en 1937. Lui qui n'avait tué
personne, le conseilliste visionnaire et imprégné de la vision
pré-scientifique matérialiste de Vico, devait rester enfermé "jusqu'à ce
qu'il ne puisse plus penser". Autant dire jamais ou la mort... N'était-ce
pas là un épouvantable crime ?
Monsieur Eric Jozsef, quel vil bourgeois vous faites !

Combien de brigadistes déjà morts en prison, s'entretuant à cause des
repentis ? et les autres, tués par la police dans leurs lits ?

Monsieur Eric Jozsef, quel vil bourgeois vous faites !

Remerciements à Jean-Paul Sartre, Pierre Mandouze, Francis Jeanson, Germaine
Tillon, (etc...)


Aliette Guibert

Réponse à l'article
"Battisti fait l'unanimité contre lui en Italie", de Eric Jozsef, envoyé
spécial du journal Libération, à Rome ; 10/4/04

http://www.criticalsecret.com


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Quote


Battisti fait l'unanimité contre lui en Italie

Droite berlusconienne et opposition de gauche accablent l'ex-membre des
Prolétaires armés pour le communisme.

Par Eric JOZSEF

samedi 10 avril 2004 (Liberation - 06:00)

Rome de notre correspondant



Divisées pratiquement sur toutes les questions politiques, la droite
berlusconienne et l'opposition de gauche sont en revanche à l'unisson sur le
dossier Cesare Battisti. Des deux côtés de l'échiquier transalpin, on
soutient ainsi la demande d'extradition de l'ancien membre des Prolétaires
armés pour le communisme (PAC). «Celle-ci est sacro-sainte», a par exemple
indiqué Enzo Bianco, ancien ministre de l'Intérieur (centre gauche).
«Battisti est un assassin, il faut qu'il paie. Le garde des Sceaux, Roberto
Castelli, a raison», a martelé Luciano Violante, ancien président (démocrate
de gauche) de la Chambre des députés. De l'autre côté des Alpes, on réfute
largement l'idée d'une Italie où, pour combattre le terrorisme, le système
démocratique aurait été suspendu.

Hold-up. Quant à la mobilisation française autour de l'écrivain italien,
elle provoque l'incompréhension dans l'opinion publique transalpine.
D'autant que, dans le panorama du terrorisme des années 70, les PAC
représentent une réalité très particulière. Le sigle des Prolétaires armés
pour le communisme apparaît pour la première fois en mai 1978 dans un tract
de revendication « contre les médecins flics d'Etat ». Giorgio Rossanigo,
médecin au pénitencier de Novara, et Diego Fava, docteur milanais accusé
d'une trop grande sévérité dans l'appréciation des conditions de santé des
travailleurs en congés maladie, ont été blessés par balles. Les deux actions
ont été planifiées et organisées, selon la justice italienne, par un petit
groupe de militants d'extrême gauche, parmi lesquels Cesare Battisti. Nés au
cours de l'année 1976, les PAC accomplissent ainsi leur première opération
d'envergure. Les membres de ce groupuscule ­ qui comptera au total une
trentaine d'activistes ­n'avaient jusqu'alors réalisé que quelques hold-up
pour s'autofinancer et se procurer des armes. Après ces attentats, le groupe
change de nature.

Réunis autour de la revue Sans prison et inspirés par Arrigo Cavallina,
l'idéologue de la bande, les PAC décident de concentrer leurs activités
contre le système carcéral où, dans une Italie en pleine effervescence
terroriste, de nombreux militants d'extrême gauche sont emprisonnés et
parfois maltraités. Détenu à Udine en 1977 pour vol, Cavallina dénonce les
conditions des prisonniers, la violence des gardiens, parle de « lager
d'Etat ». C'est en prison qu'il rencontre Cesare Battisti : « Il y était
pour vol. C'est là que j'ai commencé à lui parler de politique », a-t-il
raconté récemment. Condamné une première fois à trois mois de prison pour un
vol commis en 1973, puis à quatre ans de réclusion pour un braquage en 1974,
Cesare Battisti, à sa sortie de prison, est une nouvelle fois poursuivi pour
un autre vol en février 1978. Il s'enfuit à Vérone chez Cavallina et fournit
au groupe « la capacité opérationnelle » qui lui manquait, selon la formule
du juge d'instruction Pietro Forno.

« Beaucoup d'armes ». « Actifs surtout à Milan et en Vénétie, les PAC
étaient une organisation très hétérogène. Battisti venait de la délinquance
commune, Adriano Carnelutti avait été proche des Brigades rouges, Pietro
Mutti provenait de Prima Linea, Maurizio Folini avait, lui, des contacts
avec le Front de libération de la Palestine de George Habbache et c'est le
premier à avoir rapporté des armes du Moyen-Orient », retrace Armando
Spataro, procureur adjoint à Milan, qui s'occupait alors de terrorisme et
qui ajoute : « Ils disposaient de beaucoup d'armes mais d'un bagage culturel
assez faible ; leur puissance de feu et leur capacité opérationnelle
dépassaient largement leur épaisseur idéologique. »

« Nous étions un groupe anormal, notre vie n'était pas, comme pour les
autres formations, consacrée à la lutte. Nous, nous mélangions nos activités
quotidiennes à la violence, a raconté Arrigo Cavallina. Pour nos "actions",
deux jours suffisaient. » Le 6 juin 1978, le surveillant de la prison
d'Udine Antonio Santoro est abattu. « Nés d'une rage contre la prison »,
selon Arrigo Cavallina, les PAC modifient leur stratégie fin 1978 et
décident de frapper les commerçants qui prônent l'autodéfense. Sur fond de
hold-up, de tentative d'enlèvement et d'attentats, le groupe prépare un
double homicide contre Lino Sabbadin, un boucher vénitien militant d'extrême
droite, et contre un bijoutier milanais, Pier Luigi Torregiani. Victimes de
vol, tous deux ont réagi en tirant sur leurs agresseurs, des délinquants de
droit commun. Cavallina et quelques autres membres des PAC s'opposent aux
représailles contre Torregiani et Sabbadin. Mais Battisti ­ « une véritable
machine de guerre », commentent les juges ­ et d'autres auraient insisté
pour passer à l'action, qui plus est le même jour, pour rendre l'action plus
spectaculaire. Le 16 février 1979, les deux commerçants sont abattus.

« Ce fut le début de la dissolution du groupe », soutient Cavallina. Le
groupe commet néanmoins d'autres braquages et un dernier meurtre. L'un des
policiers chargés de l'enquête Torregiani, Andrea Campagna, est tué le 19
avril 1979. Selon Mutti, un repenti du groupe, c'est Battisti qui aurait
tiré avec un 357 Magnum. En juin de la même année, ce dernier est arrêté
avec d'autres membres du groupe dans un appartement milanais. C'est
l'épilogue des PAC. Battisti est condamné en mai 1981 à près de treize ans
de prison pour « participation à bande armée » et « recel d'armes ». En
octobre suivant, il s'évade et fuit au Mexique puis en France. Sur la base
de divers témoignages et surtout des déclarations du repenti Pietro Mutti,
il est condamné en 1993 à la réclusion à perpétuité pour quatre « homicides
aggravés ». Cesare Battisti a toujours nié les faits, réfuté la parole de
Mutti et parlé de déni de justice.


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