nck on Sun, 7 Nov 2004 21:53:37 +0100 (CET)


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Re: [nettime-fr] ARTICLE DANS LE MONDE


Cher Fred, Un réveil de dimanche matin sympathique par ta tribune me pousse
rapidement à quelques lignes. Juste une chose pour compléter les foires de
cette année. Basel a accueilli l'installation de Rafael Lozano-Hemmer
"Standards and Double Standards" dans son espace exposition. Et Frieze comme
la première année fait la part belle à une jeune culture rock et
électronique pour dynamiser l'ennui marchand de la journée des visiteurs.
C'est loin d'être des formes traditionnelles de création. Paris est vieille
et en manque de sagesse, tant pis le voyage est ailleurs. De plus, pourquoi
l'art du sens ne serait-il plus le sujet de l'histoire ? Il est tout à fait
normal qu'un type d'art soit à l'image d'un type de marché, Paris n'est pas
Londres ou Bâle et alors ? Encore moins, croire que l'art d'aujourd'hui
puisse ne pas être tributaire du marché. Si l'on pense par contre qu'une
autre économie des échanges soit possible, cela nous évite donc tout
simplement ces lieux communs de l'art, et demande effectivement de chercher
une autre manière de créer et d'exposer. Dans ce sens ni Paris, ni Bâle, ni
Londres, et ni les autres foires ne sont pour l'instant intéressantes. F.
Ancel



----- Original Message -----
From: "Reseau Actif" <reseauactif@wanadoo.fr>
To: <nettime-fr@samizdat.net>
Sent: Sunday, November 07, 2004 2:17 AM
Subject: [nettime-fr] ARTICLE DANS LE MONDE


L'ART CONTEMPORAIN EST-IL CONTEMPORAIN ?
par Fred Forest

Journal Le Monde, daté du samedi 30/10/2004, page 21


" Deux manifestations majeures pour l'art contemporain viennent de fermer
leurs portes à Paris. La FIAC, organisée cette année sous la houlette
artistique de Jennifer Flay, et Art Paris, par un homme d'expérience en la
matière, s'il en est, Henri Jobbe-Duval : de longues années durant, il avait
présidé aux activités de la FIAC.

Pour le visiteur en quête d'initiation, ces manifestations, au-delà de leur
intérêt respectif, en fonction des moyens financiers inégaux mis en oeuvre,
offrent un panorama assez représentatif de l'art contemporain national et
international. De quelle nature est la réflexion dont peut se nourrir la
démarche de ce visiteur, curieux et attentif, qui parcourt au pas de course
plus de 300 stands, un dimanche après-midi ?

Si ce visiteur, par une sorte de miracle improbable, a pu échapper à la
prégnance des modèles officiels de l'art contemporain et qu'il n'est pas
"sous influence", livré sans défense au credo de l'idéologie dominante du
marché, il fera quelques constatations élémentaires. Tout d'abord, il devra
bien admettre que le médium prépondérant, de très loin, quoi qu'on en dise,
reste encore la peinture, le papier à dessin et ses dérivés.

Bien entendu, les objets, les installations et surtout la photo, signe
d'évolution, ont depuis quelques années pénétré en force dans les allées de
la FIAC. A contrario, on constatera que la vidéo et la section spécifique
qui lui était consacrée jadis sont passées sans appel à la trappe. La vidéo
a été, signe des temps, remplacée, avantageusement, par un département
design d'un excellent niveau, mais qui témoigne, une fois de plus, que le
commerce de l'art et sa rentabilité sont étroitement liés encore à sa
matérialité d'"objet".

Notre visiteur, son tour des galeries effectué, repartira perplexe de la
FIAC, car il n'y aura rien vu, ou pas grand-chose, traitant plastiquement et
métaphoriquement de la crise que la société traverse. Le vert et le rose
bonbon dominent. L'esthétique de l'objet et sa fonction "décorative" sont
ici prépondérantes.

L'économie de l'activité artistique (le marché de l'art) est, de façon quasi
exclusive, encore fondée sur une circulation, un échange et une économie de
l'objet. De l'objet destiné à être accroché sur le mur ou mis en scène dans
une inclusion de plastique, bien en vue, quelque part, de préférence à
l'entrée, dans le loft-appartement, surtout quand il est, par chance, signé
Arman, Carl André, ou mieux encore (mais l'investissement est plus élevé)
Jeffs Koons ou Maurizio Cattelan.

Alors que nous sommes entrés de plain-pied dans la société d'information et
de services, au quotidien, il est pour le moins paradoxal que l'art
contemporain, que notre visiteur découvre, témoigne d'une glorification
décorative de la matérialité artisanale et non, en priorité, d'une recherche
de sens avec les "immatériaux" dont dispose désormais l'artiste.

Cela voudrait-il dire qu'en art il n'y a pas de marché véritable pour le
sens, mais essentiellement pour le décoratif branché ? Cela voudrait-il dire
que les artistes, se bornant à répéter des formes et des modèles au gré des
modes, sont incapables, foncièrement, d'inventer des formes d'art en
adéquation avec leur temps ? C'est-à-dire, comme nous l'apprend l'histoire
de l'art si on la revisite, en adéquation sensible avec les connaissances,
les techniques, les savoir-faire, les comportements, et les événements
marquants de leur époque ? Certainement pas.

Mais il faut bien le constater, le système de l'art contemporain est
entièrement régi et commandé par l'économie et le marketing, comme le
faisait remarquer Milton Esterow, rédacteur en chef de la revue américaine
ARTnews. Avant même les institutions et les revues d'art, les "grands"
collectionneurs constituent la véritable puissance qui fonde et impose les
valeurs de l'art contemporain !

C'est bien l'économie qui gouverne un art contemporain qui, dans ses formes
et ses modèles, vise un marché encore exclusivement centré sur l'objet,
alors que le devenir et les pratiques de la société sont déjà alignés
étroitement sur l'économie de l'information et du virtuel.

L'art contemporain et ses artistes doivent donc dépasser ces contradictions
et répondre au défi du sens qui fera que ce ne sera pas, demain, Charles
Saatchi (agence de publicité), François Pinault (Christie's), le comte
Giuseppe Panza (industriel italien), et quelques autres collectionneurs et
financiers de haut vol qui seront considérés, à tort ou à raison, par les
historiens de l'art comme les véritables "artistes" qui auront imaginé,
inventé, et produit les valeurs de notre temps ".

par Fred Forest

Fred Forest est artiste multimédia, Docteur d'Etat de la Sorbonne,
professeur émérite de l'université de Nice - Sophia-antipolis.
. ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.10.04







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