Louise Desrenards on Mon, 19 Feb 2007 14:19:20 +0100 (CET)


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[nettime-fr] D'une romancièrenée en Irak


------ Forwarded Message
> From: Jimmy Gladiator (...)
> Date: Sat, 17 Feb 2007 05:47:11 +0100
> To: <undisclosed-recipients:;>
> Subject: 280e Versatile
> 
LA LETTRE VERSATILE DE JIMMY GLADIATOR
n° 280, parution aléatoire
17 février 2007
__________________________________

Haifa Zangana, réfugiée à Londres fin des années 1970, participait aux
activités du collectif "le Désir libertaire" d'Abdul-Kader el-Janabi et
Maroine Dib et, comme telle, a été de loin en loin publiée (poème ou
collage) par la bande au Melog dont je m'occupais alors avec Patrice
Uhl et Jéhan Van Langhenhoven.
Les surréalistes irakiens de Londres ou Paris n'avaient jamais encore,
jusqu'à aujourd'hui, évoqué à mots non couverts la situation politique
entre Tigre et Euphrate ni ce qu'ils en avaient directement subi.
C'est donc une "première" que Michel Collon publie sur son site
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2007-02-
12%2008:58:24&log=invites
et que je reproduis ci-dessous.
Bien le bisou
Jimmy

++++++++++++++++++++++++++++++++++

SADDAM M'A MISE EN PRISON, MAIS C'ETAIT UN CRIME DE LE TUER

La misère qui règne actuellement en Irak dépasse de loin celle qui
régnait sous son commandement. Samedi dernier, à 3 heures 30, un coup
de téléphone m'a arrachée du sommeil. Mon c¦ur a sauté un battement.
Avant de tenir le récepteur en main, je m'imaginais déjà des parents et
des amis, étendus devant moi, tués et mutilés.

L'exécution de Saddam Hussein : un cocktail composé de force,
d'arrogance, d'ignorance et de racisme made in USA

A Bagdad, il était 6 heures 30, je me rappelais la dernière fois que
j'avais parlé avec ma s¦ur. Elle se trouvait sur le toit de sa maison
pour avoir une meilleure réception avec son portable, mais elle a dû
terminer la conversation au moment où un hélicoptère américain est
apparu au-dessus d'elle. Les Irakiens savent que les « règles d'action
» permettent de tirer sur eux quand ils utilisent des portables, et que
les troupes US ne sont jamais punies, quoi qu'ils fassent. Mais le coup
de téléphone provenait d'une station de télévision turque qui voulait
avoir mes commentaires sur l'exécution de Saddam Hussein. Je me sentis
soulagée, non pas à cause de l'exécution, mais parce que ce jour-là,
parmi les morts, il n'y en avait aucun que je connaissais
personnellement.

La mort est devenue si banale en Irak qu'on a fini par l'évaluer
seulement selon ses critères personnels. Le mois dernier, j'ai assisté
aux A'azas (fêtes commémoratives) de trois personnes dont j'ai beaucoup
apprécié le travail qu'ils avaient fait. Une de ces fêtes était dédiée
à Essam al-Rawi, président de l'Union des Professeurs d'Université qui
a documenté l'assassinat d'académiciens. Une semaine avant d'être
assassiné, son bureau à l'Université de Bagdad a été fouillé et des
soldats US avaient saisi des documents. Les autres A'azas ont commémoré
le Ali Hussain Mukhif, académicien et critique littéraire, et Saad
Shlash, Professeur de sciences journalistiques à l'Université de Bagdad
et éditeur de l'hebdomadaire Rayet al Arab qui insistait à s'opposer
pacifiquement à l'occupation ­ et ce faisant, ils ont permis à des
auteurs, dont je faisais partie, de critiquer l'occupation et ses
crimes, malgré tous les risques que cela comporte.

Environ 500 académiciens et 92 journalistes ont été assassinés depuis
l'occupation. Plusieurs centaines ont été enlevées et un grand nombre
d'autres s'est enfui du pays après avoir reçu des menaces de mort. Le
prix humain est si élevé que beaucoup d'Irakiens pensent que, s'il y
avait un concours entre le régime de Saddam et l'occupation Bush-Blair,
pour savoir qui des deux détruit le plus fortement la culture de
l'Irak, la supériorité des derniers serait écrasante. Malheureusement,
moi aussi, je me trouve parmi eux.

Je dis cela bien que dès le début, je me suis trouvée parmi les
adversaires actifs de l'idéologie du régime Ba'ath et de la dictature
de Saddam Hussein.

De temps à autre, on l'a payé avec la prison et la torture. En 1984,
pendant la guerre irano-irakienne, ma famille a dû payer les balles
avec lesquelles mon cousin Fouad al-Azzawi a été exécuté, avant que son
corps ne leur ait été rendu.

Mais je m'aperçois que je suis d'accord avec grand nombre d'Irakiens
qui considèrent que la vie que nous menons actuellement n'est pas
seulement la continuation, sous une forme nouvelle, de la misère et de
la mort, mais que c'est beaucoup pire ­ même sans compter les
dimensions beaucoup plus importantes du pillage, de la corruption et de
l'anéantissement de l'infrastructure.

A cause de la présence de troupes d'occupation qui assurent la sécurité
et la sauvegarde US, les Irakiens, eux, subissent, jour par jour, une
diminution de leur sécurité et de leur sauvegarde.

Le moment et la modalité de l'exécution de Saddam Hussein prouvent que
l'administration US est toujours enivrée d'une façon criminelle par un
cocktail composé de force, d'arrogance et d'ignorance, mais surtout de
racisme : Ce qui est bon pour nous n'est pas bon pour vous. Nous sommes
des patriotes, mais vous, vous êtes des terroristes.

Les USA et leurs marionnettes irakiennes de la zone verte ont décidé de
mettre à mort Saddam au premier jour de l'Eid al-Adha, du sacrifice
solennel. C'est le jour le plus joyeux dans le calendrier musulman,
auquel plus de deux millions de pèlerins commencent leurs anciens
rites, tandis que d'autres centaines de millions dans le monde dirigent
leur regard sur ces évènements. Ensuite, ils ont continué d'humilier
les musulmans en publiant la vidéo officielle de la mise à mort, qui
montre comment un n¦ud coulant est lié autour du cou de l'homme âgé de
69 ans qui est conduit à la trappe. La photo inofficielle montre Saddam
calme et maître de soi, produisant même un sourire sarcastique et qui a
interrogé les voyous qui l'ont bafoué : « Hiya hiy al marjale ? » («
Est-ce cela, ta virilité ? »), une formule puissante dans la culture
arabe populaire qui associe la virilité au courage, à la fierté et aux
valeurs chevaleresques. Il a même réussi, pendant son agonie, à faire
profession de sa croyance musulmane. Ce faisant, il s'est associé dans
les dernières secondes de sa vie, à un milliard de musulmans. C'est
ainsi que Saddam a eu, parole par parole, le dernier mot. Dès à
présent, aucune fête de sacrifice n'aura lieu sans que les participants
ne commémorent sa mise à mort.

C'était là le point culminant d'une farce coloniale au cours de
laquelle les mélodies nettement confessionnelles qui ont accompagné la
procédure judiciaire ont été intitulées, par le gouvernement de Bush et
le gouvernement anglais, de « procédé loyal ». La puissance
d'occupation a salué également la grotesque exécution publique comme un
« acte de justice ». Qu'on confronte cela à la fin de nos espoirs qui
sont ceux des oppositionnels irakiens, à savoir de convaincre notre
peuple de l'humanité de la démocratie et du fait que cette forme de
démocratie ­ contrairement à la brutalité de Saddam ­ mettrait fin à
toutes les formes de lésions des droits de l'homme, exécutions
publiques et de la peine de mort.

Si le vice-premier ministre anglais John Prescott condamne la forme de
l'exécution comme étant « déplorable », cela ne sert pas à grand chose,
puisque son gouvernement, en tant que représentant de l'une des deux
principales puissances d'occupation, en est tant juridiquement que
moralement responsable du déroulement.

C'est l'enfer, en Irak, selon tous les points de vue, et il n'y a pas
de fin en vue pour la misère du peuple irakien. La résistance contre
l'occupation est un droit humain fondamental et aussi un devoir moral.
C'était le cas pendant la guerre d'indépendance algérienne, pendant la
guerre d'indépendance vietnamienne et il en est de même en Irak.

Haifa Zangana

Source: The Guardian du 6/1/07
traduction française (améliorable) par Horizons & Débats

Haifa Zangana est romancière, née en Irak, et ancienne prisonnière du
régime de Saddam



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