Louise Desrenards on Mon, 21 May 2007 19:46:00 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] 17 mai : de Guy Môquet aux "Nouvelles stars"


Un processus simultané de la médiatisation de Sarkozy dans la campagne présidentielle entre les deux tours, jusqu'aux cérémonies officielles du 17 mai, et de l'événement critique (en masse critique) Julien Doré monté par les vecteurs des "Nouvelles stars", dans le long cours de l'opus toujours ouvrable (dernière séance le 24 mai, crois-je avoir compris), est passé inaperçu ; du moins la relation évidente entre ces deux événements de la communication hexagonale est-elle restée sans réflexion conjointe.

Tout d'abord la façon dont Julien pratique dans son domaine le collage en morphing, est la même que Sarkozy dans le sien : signe des temps, la com c'est comme l'argent, elle n'a pas d'odeur du moment qu'elle circule;-) Je me suis toujours intéressée aux clichés, cadres des cartes postales, musique de variété, etc... ce sont des icones significatives des codes collectifs en leur temps, et toutes leurs ritournelles en d'autres temps. Il y a des performances d'épures exceptionnelles, en termes de communication réalisée par le message, dans ces domaines ; on ne peut donc en juger qu'à l'impact collectif (je ne ris pas). De plus, toutes ces choses de l'environnement, look, habillages, c'est aussi en partie la culture et traduit l'histoire du changement populaire, en outre de la manipulation, et de la désinformation des symboles.

J'ai été interpelée par hasard, le 16 mai, par la réponse à une veille des mots clé Lola et Lolita sur Google, comme cela m'arrive de temps en temps pour d'autres mots viatiques, étant une de mes méthodes (le sens modifié par les coïncidences, entre actualité et universaux réactivés anachroniquement, se forment des prédictions logiques par enchaînement). Je suis tombée sur "Les nouvelles stars" -- version française de Star Academy, ai-je lu dans des sites anglophones qui reportaient la nouvelle à laquelle je m'attachais -- dont j'ignorais l'existence auparavant. Comprenant qu'il s'agissait d'une émission de télévision sur M6, que je ne regarde donc pas (je ne regarde pas la télévision a fortiori depuis que je suis scotchée sur mon écran plat en temps réel), j'ai découvert une base hyperarborescente de vidéos en web2 faisant tout le succès du jeune homme dans et alentour de l'émission, dont le succès parallèle des pages des deux groupes sur MySpace, (Dig up Elvis, et Jean d'Ormesson disco suicid, n'ayant rien à voir avec le jeu variétoche auquel leur chanteur se prête individuellement dans le cadre des Nouvelles stars ; et groupes pour lesquels ledit Julien déclare être entré dans le piège -- manger tout de même et fonder un label indépendant, si j'ai bien compris). En trois jours, j''ai tout exploré, je pense, de ce qui pouvait l'être en anglais et en français. Et j'ai appris que jusqu'à la presse "people" s'en était emparée...

Et j'ai vu ceci -- incontestable :

http://www.dailymotion.com/tag/lolita/video/x1yniz_moi-lolita-alizee-julien

Puis cela, où la réussite suivie de "pathétique" (c'est le pb du reality show) comme il dit lui-même après dans une interview pour 20 minutes.com"... vu qui il est et où il se met comme il ne veut pas être, tout en se prouvant qu'il le peut;-)

http://www.youtube.com/watch?v=muHIR_OoMp0&mode=related&search=

Alors évidemment, à part les références variétoches de qualité évidente, même si on est en droit de la penser bien relative vu la misère du monde (et l'écrasant brillo anglo-saxon des musiques qui ont rythmé notre vie), de Ringer à Baschung en passant par Couture, et bien d'autres choses ci-ringardes (comme "il" dit encore ailleurs) que nous tenons ici en propre, ce déflagrant mois de mai 2007, il se réapproprie en androgyne auto-séducteur, klossovskien -- osons le dire en pensant à Gabriel des Forêts -- la version Musac autrement anodine, (pulsions putes attribuées à l'enfance portant le mal en elle par nature, pédophilie hétéro-consommable pour employés de banque déculpabilisés par la "diabolisation" soft ou/et hard de l'enfance), en vogue au temps d'Alizée, en 1995...

http://www.youtube.com/watch?v=dDwKPGUIVME&mode=related&search=

Evidemment : que la jeunesse (jusqu'à 30 ans -- l'âge de la mort du Christ étant celui du commencement de la réversion cellulaire biologique) envoie le signe que tout de même il va falloir qu'elle se protège ou se révolte "en comptant sur ses propre forces", est intéressant pour la génération qui devra célébrer le fusillé Guy Môquet. Jeune homme sacrifié à la cause d'intérêts qui le dépassent, non criminel résistant mais otage activiste (tout communiste qu'il est, ce n'est ni Fabien ni l'Affiche rouge que notre président met en demeure de commémorer, là -- question à 100 balles : quelle est donc la différence ? la réponse déjà dite, indique un sens du choix officiel:)

Alors qu'on ne nous parle pas de résistance associée à la répression meurtière en masse des déserteurs internationalistes par Clémenceau, pour la victoire nationaliste de la guerre à forcer les soldats, alors que de Gaulle dirigea des forces libres et volontaires, tant civiles que militaires, depuis un gouvernement en exil, et les communistes résistants finissant par le rallier... ce qui est au contraire la preuve de l'insoumission de bas en haut. Si j'étais parent d'élève, le jour de la lecture dans les collèges et lycées, je diffuserais dans les classes la version Julien Doré de "Moi Lolita", en guise de protestation, contre la mortification sacrificielle de la jeunesse aux intérêts du pouvoir qui les dépasse (le bras d'Abraham sans dieu ne peut exercer force de loi;-).

Le label d'Alizée n'a pas sommeil http://www.rfimusique.com/siteen/biographie/biographie_7006.asp (2003)
http://www.rfimusique.com/musiquefr/statiques/accueil.asp (les chanteurs qui intéressent la francophonie internationale aujourd'hui, présentent peu de nouveaux;-)


Depuis 1995, il est vrai que nous avons eu Ségolène Royal comme déléguée à la famille et bien sûr, tout a changé ; donc "Julien" c'est un bon rafraîchissement d'insolence érotique, non consommable sinon dans sa forme improductive ("C'est bien moi, vous me désirez, mais vous ne m'aurez pas") pour la génération porno consumériste et sa descendance (dont lui, qui le dit). Moi, tout de suite, et aussi à voir les yeux de Marianne James -- pourtant -- et comme je suis une chipie, ça me convoque:) Le 17 mai, au contraire, elle pleure. Cette femme est très bien quoiqu'on en pense.

Je me souviens que le charme branché de Vince Taylor fut au contraire consommé par des appétits mondains à la périphérie du pouvoir, et finalement le rocker se retrouva en prison -- à cause d'une affaire de drogue. Le contexte était aussi celui de l'affaire Markovic, quand des parties passionnantes se déroulaient à l'Hôtel, rue des Beaux Arts à Paris, mieux que le Chelsea dans un ancien hôtel particulier du XVIIIè siècle attribué à l'architecte révolutionnaire Louis-Ernest Boullée, luxueusement réaménagé. Y passaient aussi bien Polanski et Sharon Tate, que Mick Jagger ou madame Pompidou qui n'était pas triste dit-on (et après tout il ne lui en revient pas que les conséquences de ses effets pervers).

Je sais tout cela parce que j'habitais alors rue de Seine quand il ne fallait pas être riche, juste y être pour être prêt de l'école des Bx Arts. C'est aussi par là que Jim Morrison connut sa dernière overdose (l'entrée du Rock'n Roll Circus sur la rue de Seine, ouvert à tous ou quasi, de l'autre côté de la façade sur la rue Mazarine où donnait l'Alcazar, quand chaque soir Dany y jouait la reine et aussi du deal -- les sous-sols communiquaient), événement qui nous passa inaperçu à l'époque, quoique nous nous y intéressions autrement, jugeant que les Doors sans lui n'existaient plus et que lui était donc déjà mort avant d'arriver à Paris ; Varda nous agaçait comme les autres revenus de leur trip californien post mortem, parce que nous, à l'instant même, nous voulions vivre l'avant garde versus révolution locale en caban, casquette de prolo et baskets "A l'Aigle", entre Amsterdam et Paris. Pour cela nous venions de jeter par la fenêtre notre "curiculum vitae" inaugural, d'autant plus joyeusement qu'il était prometteur avant 68 : New York, Milan, Paris etc... (ce que d'aucuns nous ressemblant s'étaient réservé de faire, nous le comprîmes plus tard, et encore pour la seconde fois en 1981;-) Donc je me souviens aussi de tout cela, ne rien sacrifier aux copains : ce sera toujours fatal;-) alors que les emporter avec soi malgré eux leur vaudra mieux;-)

Bref, "il" venait juste d'en sortir, c'était son premier jour de liberté, dans un petit restau moins que moins cher rue Grégoire de Tours, le patron étant un ancien amateur des boîtes où Vince Taylor chantait "enchaîné";-) Nous n'étions que trois, dans ce compartiment de métro transformé en plancher des vaches, deux à ma table et lui à une autre table, nul autre. Comment ne pas le remarquer cherchant les regards ; il était superbe dans une veste de cuir à larges franges pas cheep, qui devait bien sortir de la boutique mexicaine de la rue des Canettes où il était possible de trouver des Santiag blanches, en peau de ventre de requin non teint (pas besoin d'aller à Los Angeles)... de la classe, de la prestance comme un hobau que l'aventure aurait annobli ; quelques rides, un sourire que rien n'avait découragé, si content d'être enfin dehors, il revenait de loin, on le lisait en lui... Cet appétit de vivre dans les yeux, je l'ai revu deux années plus tard, chez des délinquants par erreur, à leur sortie de la prison de Fresnes.

Après John Cage, le Duchamp de la musique, entre élite sociale, avant-gardisme et société populaire, ils ont marqué qu'au delà d'eux ce serait le passage des barrières de la forme et du mauvais goût : tout est possible de toute façon.

Je dirai même plus s'agissant de Julien "Doré" (sans doute à cause de la bière blonde;-), être allé jusque là pour ne pas triompher de bonne foi à la fin, en prouvant que tout cela est possible à la fois, plutôt que faire de la marchandise alternative, la produire avec le flot qui vient d'ailleurs -- donc l'assumer sans s'y détruire et si possible en chantant juste -- sinon ce serait du mauvais perdant;-) Encore un effort... camarade, pour se mettre à table, au lieu d'être mangé;-)

Engagement pour engagement, vu où il est allé se mettre, dans quel piège, il n'en sortira que par la porte d'entrée, pas par la porte de sortie, ou il sera fichu mort pour son propre label ; celui qui ne s'assume pas et qui n'a pas le charisme collectif nécessaire à ses projets propres, évidemment ne les réalisera pas d'autre part faute de ressource... si tu rentres à sciences Po t'es obligé au modèle de compétence et de performance formatés pour y entrer, mais t'es pas obligé d'en conditionner ta vie après. Je dirai que la réussite mène à la réussite en tous domaines même contraires, et même par malentendu. Le conditionnement se dévoie. Mais aussi le choix en termes de prétendue liberté ne peut pas naître davantage de la nécessité, que de la fatalité... Pas d'utilitaire : de l'ustensilaire.

Sur la question de l'échec : ce n'est pas le niveau de la propre création encore en gestation à l'extérieur, qui transformera en star de l'échec sinon en missionnaire du renoncement (au mieux).

J. D. n'est ni Kurt Cobain (même si des sons le citent), ni Baudelaire;-) ni même Vince Taylor qui fut le dessert de la scène;-) Le contraire même du message de l'appropriation de l'enfance par les adultes pédophiles ou prédateurs (le pouvoir qui envoie un message de sacrifice de la jeunesse pour le projet collectif est culturellement criminel), c'est aussi de parvenir à en triompher.

Cycle social-SM : où le pouvoir tient le S et le peuple le M il y en a marre (Eyes wide shut).

Vive Lola et qu'elle ne saigne pas au loup. La Lolita de Nabokov ne se soumet pas, elle soumet. Le Moi Lolita androgyne de Julien Doré libère de celle hétéro aliénée de Alizée.

Julien Doré fait du hacking. C'est un hacker culturel et médiatique en live... une version toute différente du don et du contre don que le sacrifice à l'ordre établi;-)


On verra bien s'il a le charisme (comme ils disent) collectif nécessaire pour faire l'effort de son expérience jusqu'au bout, même contre son gré, héroïsme ordinaire dans un univers médiocre, aux épreuves ringardes, mais sans lequel on ne peut jamais devenir, puisqu'il s'agit de l'environnement dans lequel on vit, de l'air qu'on respire.


Il faudra bien finir par trouver des processus de réversibilité, plutôt que se retrouver exclu de soi ou par l'autre, car de toutes façons c'est encore en être ; on eput toujours vivrre avec et à côté, les grands romantiques l'ont fait. Je ne mets pas de croyance ni d'espoir dans tout cela, a fortiori pour ce qui est ringard, mais tout de même, c'est parlant alors j'observe... contre les partis. Utopie morte dit que l'atopie c'est maintenant ou jamais.

Et j'attends de voir la fin pour conclure;-) Il n'y a pas de petit exemple de l'insignifiance qui ne soit à considérer aujourd'hui. Chaque particule déviante dans le processus collectif c'est de l'énergie en commun::))

Entre Zizou et Julien, moi qui ici même ai défendu Zizou, ici je défends Julien Doré, qui en incarne le contraire, rampant...






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