Aris on Tue, 29 Apr 2003 14:29:05 +0200 (CEST) |
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[nettime-fr] Les aventuriers du reseau libre sans fil |
Les aventuriers du réseau libre sans fil VINCENT BRAUN Depuis près de trois ans, des particuliers bruxellois mettent leurs ordinateurs en réseau par la voie hertzienne. Un laboratoire citoyen grandeur nature au service d’un projet de coopération au développement. ENQUÊTE Le portable qu'il vient de déposer sur la table du salon ressemble à n'importe quel autre portable. Pourtant, grâce à cet ordinateur d'apparence anodine, Guy Hendrickx peut communiquer par voie informatique avec quelques-uns de ses voisins. Sans le moindre fil. Son PC fait partie de la quarantaine d'ordinateurs domestiques qui forment à présent le Réseau citoyen, foetus de trois d'âge d'un intranet à l'échelle bruxelloise, entièrement libre et gratuit. Entre eux, pas de liaison physique, juste la magie des ondes radio. Les «noeuds» de ce réseau informatique communiquent grâce à la technologie hertzienne du wifi (pour wireless fidelity). À cette fin, chaque machine est équipée d'un logiciel leur permettant de «se reconnaître» entre elles, et d'une carte wifi, en réalité une antenne qui assure l'interconnexion par les airs de machines situées à proximité les unes des autres. «Ici vous êtes dans un endroit privilégié de la ville. Il y a trois ou quatre noeuds dans les environs» , révèle Guy Hendrickx, 27 ans, qui tient une poissonnerie à deux pas de la place Meiser. Ce passionné de bricolage et d'informatique s'est mis en réseau il y a presque un an. «Ce qui me plaisait surtout, c'était de prendre part à un projet novateur pour presque rien». C'est l'un de ses principes de base: le Réseau citoyen fonctionne à moindre frais. Les machines, souvent de récupération, tournent sous logiciels libres (l'inévitable Linux), et sont dotées d'une carte antenne wifi - le seul achat de matériel neuf à consentir, et encore - qui se complète utilement par l'ajout d'une antenne externe, de fabrication artisanale. Placée idéalement en hauteur, celle-ci permet de concentrer les ondes et d'améliorer leur diffusion, la carte wifi ayant une portée limitée à quelque 300 mètres dans les meilleures conditions, à savoir sans obstacle. «Actuellement, le lien le plus long entre deux noeuds va de Mettewie à Meiser, c'est-à-dire qu'il joint deux points de la grande ceinture en passant au-dessus de la Grand Place. Ce n'est donc pas un problème de distance mais de zones d'ombre. C'est une technologie de type micro-onde, donc elle fonctionne à vue. Il faut qu'une antenne voit une autre. Or, Bruxelles est pleine de recoins et d'obstacles. Un point central, bien en hauteur, couvrirait toute la ville» , soutient Jean-Charles de Longueville, l'un des instigateurs du Réseau citoyen. «En revanche, si tous les citoyens bruxellois jouaient le jeu, il ne faudrait plus aucune antenne puisque les cartes wifi suffiraient à mailler le réseau dans tous les sens, à vue». UNE VOIE À CREUSER Le wifi est le nom commercial donné à ce protocole hertzien développé par l'armée américaine, démilitarisé puis libéralisé (sous le nom de code 802.11 b). Il utilise la bande de fréquence 2,4 gigahertz, allouée dans le monde entier pour des transmissions sans licence. «À l'origine, cette technologie militaire visait à établir des réseaux de chars sur les champs de bataille, capables de résister aux perturbations volontaires du Pacte de Varsovie. Elle est donc conçue pour résister aux perturbations extérieures». Une qualité nécessaire en milieu urbain, fait d'obstacles permanents, et idéal pour tisser un réseau local sans fil.À l'origine du Réseau citoyen, il y a une réflexion menée dès la mi-2000 autour de considérations P>technologiques et de coopération au développement. L'objectif initial est de développer des réseaux locaux de communication libre et sans fil dans les pays d'Afrique, en partant de la récupération de matériel informatique et de l'utilisation de logiciels libres. Une solution concrète pour réduire la fracture numérique du Continent noir, régulièrement laissé pour compte tous points de vue confondus. De ces discussions est née l'asbl Bombolong, du nom de ce tambour constitué d'un tronc d'arbre creux servant notamment à la transmission des messages de village en village. Une image symbolique qui va porter le projet du trio - la base d'un réseau - constitué de Marie Anne Maniet, Ivan Markoff et Jean-charles de Longueville. Ingénieur civil et chercheur à l'ULB pour le compte de l'Agence spatiale européenne, ce dernier remarque une technologie de pointe utilisée dans certains labos universitaires. «Le wifi, qui se passait de fil, était la voie à creuser. Pour cela, il nous fallait un laboratoire grandeur nature. Étant tous bruxellois, nous avons choisi Bruxelles pour développer et expérimenter ce réseau libre et sans fil. Après seulement, il serait possible de transférer la technologie aboutie dans la brousse» , raconte Jean-Charles. Un point qui a contribué à décider Guy Hendrickx d'entrer dans la danse du réseau. «Cet aspect laboratoire me donne l'impression d'être utile, de participer activement à une oeuvre humanitaire, autrement qu'en ouvrant mon portefeuille. Le projet a un sens profond. Qu'il le veuille ou non, chaque participant permet au réseau de s'étendre. Chacun en profite en en faisant profiter les autres. Sans compter qu'avec le réseau, des associations de quartiers bruxellois peuvent se connecter entre elles à petits frais, afin de partager leurs expériences, initier les plus défavorisés à l'informatique, et même partager une connexion Internet, même si ce n'est pas le but au départ». 20 NOEUDS D'UN COUP Ce dernier cas mis à part, l'intranet bruxellois sans fil n'a rien à voir avec les réseaux wifi citoyens tels qu'ils ont vu le jour, dès 2000, aux Etats-Unis, où ils servent systématiquement à porter Internet sur les ondes. «C'est une philosophie complètement différente de la nôtre qui repose sur un principe d'égalité absolue entre chaque point du réseau. Là-bas, du fait de l'entrée de cette connexion dans le réseau, certains noeuds dépendent d'autres» , souligne M. de Longueville. Une philosophie qui est en cours d'essaimage dans les principales villes du pays. Des petits groupes s'organisent à Liège, Anvers, Mons, Tournai, Namur, Charleroi... «À Bruxelles, nous nous intéressons exclusivement aux Bruxellois qui sont préoccupés par leurs voisins. Quant à la gratuité, elle est secondaire. À la base, il s'agit d'une démarche militante totalement différente de la gratuité. Nous avons avant tout une démarche de liberté. Il se fait que la liberté conduit souvent à la gratuité mais j'ai rarement vu la gratuité mener à la liberté» , philosophe M. de Longueville. Deux arguments qui ont manifestement séduit les responsables politiques de Bruxelles-Capitale. Lundi dernier, la Région bruxelloise a marqué son accord pour un projet pilote et expérimental d'une durée de deux ans qui devrait permettre d'améliorer le maillage du Réseau citoyen en fusionnant les différents îlots de citoyens actuellement trop distants les uns des autres. «Ce plan prévoit de financer le déploiement de vingt noeuds supplémentaires, à placer sur des immeubles appartenant à la Région, ainsi que l'étude de l'usage qui en est fait par un chercheur» , indique Mme Quaremme, du Centre informatique de la Région bruxelloise (CIRB), un organisme public qui a pour mission de promouvoir et de disséminer l'usage des technologies de l'information et de la communication auprès des administrations locales ou régionales. Cette mesure devrait contribuer à faciliter les contacts entre les quelque 150 «wifistes» recensés à ce jour par le réseau, poussant les inactifs à se lancer et donnant des velléités participatives aux éventuels candidats. D'autant que prendre part au réseau devrait être prochainement plus aisé que cela ne l'a été pour ses pionniers. «Il est vrai que pour se lancer, il est plutôt conseillé de s'intéresser un minimum à l'informatique» , confirme Guy Hendrickx. Ce ne sera bientôt plus le cas. Hellea, le bureau d'études informatique créée par Jean-Charles de Longueville, développe en ce moment une solution clé en main pour se connecter au réseau citoyen, la Citizen Box. Cette boîte magique devrait équiper les vingt PC à installer cet été par la Région. Et sans doute donner un coup de fouet à la croissance du réseau dans la perspective d'une étape fondamentale de sa courte vie, son appropriation véritable par le partage d'information. AVIDES DE JEUX EN RÉSEAU L'aventure du contenu peut commencer. «C'est un réseau de télécoms local. Comme sur Internet, le contenu doit venir des gens qui font le réseau» , note M. de Longueville. Selon les premières consultations, les idées sont très variées. D'ailleurs, on peut tout y faire. La bande passante du wifi est environ 50 pc plus rapide que l'ADSL (11 mégabits par seconde radio, soit 4 à 5 Mb/s pour les données). Tous les types de données peuvent donc aisément circuler par le réseau citoyen. «Parmi les premières choses que les gens souhaitent faire avec cet intranet bruxellois, on trouve des projets culturels, à savoir des radios libres locales et des télés libres locales. Il y a un certain nombre d'artistes télévisuels qui découvrent dans ce réseau le médium dont ils rêvaient pour pouvoir faire de la télé de proximité, impayable autrement». Autres types de contenu, dans la sphère sociale, les projets d'associations de quartier, davantage intéressées par la gratuité que par l'aspect local. «Ce qui n'empêche qu'elles pourraient ainsi fournir de l'information dans les salles d'attente des CPAS de Bruxelles via des ordinateurs emmurés». Il y a également les jeux en réseau, où les «wifistes» pourraient s'affronter par quartier, les back-ups croisés, que chacun peut envoyer sous la forme de fichiers cryptés chez ses voisins, la vidéophonie... Un tout autre cybermonde. © La Libre Belgique 2003 18/04/2003 < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net