LOALLARD on Tue, 30 Mar 2004 11:41:57 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Info Colloque Métallos et Lab.


Laurence ALLARD (Lille III-GERICO)
Marie-Hélène BOURCIER (Lille III-GERICO)
Dominique CARDON (France Télécom R&D) Hervé GLEVAREC (CLERSE - Lille 1)
Eric MAIGRET (Paris III - Communication et Politique)
Dominique PASQUIER (CEMS-EHESS)

Animateur : Olivier DONNAT (DEP-ministère de la culture)


LES NOUVELLES CULTUREs-MEDIA

Journée d'études
Vendredi 28 Mai 2004
Maison des MĂ©tallos
(94, rue Jean Pierre Timbaud 75011 Paris)


ENTREE LIBRE
                                    Inscription conseillĂ©e (cems@ehess.fr)

(Pour tout renseignement : loallard@aol.com ou glevarec@pop.univ-lille1.fr)




C
e colloque à double entrée a pour objectif une confrontation de réflexions théoriques et de travaux empiriques sur les nouvelles formes des pratiques culturelles liées à la croissance des médias et des technologies de communication. Il prend la forme d'une séance matinale et d'une série d'ateliers thématiques réunissant des chercheurs, des praticiens, des amateurs et des critiques.
En France, ces travaux sont de plus en plus nombreux mais ils avancent en ordre dispersé, et prennent trop souvent des formes média-centrées sans poser clairement les questions sociologiques qui font leur unité réelle : comment s'articulent subjectivité individuelle et rapports sociaux, comment se construisent les identités, les formes d'engagement et les logiques d'action dans un monde social où les médias (internet, radio, tv) sont des supports essentiels, comment se produisent les formes de légitimité et de reconnaissance. Il semble particulièrement intéressant d'analyser les interactions complexes qui se trament aujourd'hui entre les pratiques culturelles dites " nobles ", comme par exemple celles des équipements culturels, et celles qui jouiss(ai)ent d'une faible position dans les hiérarchies culturelles et sont l'objet d'expériences a priori plus individuelles ou en tout cas moins organisées institutionnellement. Bref, une interrogation centrale est bien celle de savoir si le contenu des médias constitue quelque chose comme une "culture" ? Avec quels outils convient-il de la décrire étant donné ses modalités de pratique à la fois "privatives" et "associatives" (elle crée des liens et des types particuliers d'associations), domestiques et extrêmement "publiques" ?
Une telle réflexion sur les pratiques culturelles médiatiques ne peut se réduire à une analyse en termes de substitution, au demeurant souvent peu vérifiée - exemple classique des liens entre lecture et télévision - mais doit au contraire être posée en termes de transformation : en quoi la montée des médias audiovisuels affecte-t-elle les modes de relation à l'écrit ? Comment les nouvelles technologies de communication favorisent-elles le développement de certaines pratiques artistiques amateurs ? Quelles sont les ouvertures et les limites en matière d'éclectisme culturel ? Les ateliers proposés voudraient ainsi rassembler des chercheurs ou praticiens qui s'interrogent aujourd'hui sur ces pratiques liées aux industries culturelles et qui opèrent notamment dans la mise en perspective de la sociologie de la culture française et celle(s) des pays anglo-saxons, notamment autour des Cultural Studies, qui ont proposé d'analyser la culture de masse comme un champ de conflits culturels, de luttes symboliques et de ressources cognitives (dans les "textes" comme dans l'économie de leur production et leurs usages) permettant d'accéder aux formes de "définition de soi" et de définition du monde par les acteurs en présence. En plaçant la culture de masse au cœur des interrogations sur la modernité contemporaine, les Cultural Studies ont ouvert un espace d'exploration de la modernité culturelle, jusque dans le kaléidoscope d'objets culturels et de pratiques sociales jugées paradoxalement "exotiques" par la sociologie française. Le modèle français d'analyse des "biens symboliques" est fortement marqué par une alternative d'extériorité/intimité (le fameux "amour de l'art") avec les objets culturels et un modèle (justifié historiquement sans doute) d'interprétation par le style de vie : la culture est le moyen privilégié d'expression du statut social.


matin
9h30-12h30

Séance matinale : Où en-est-t'on de la réflexion sur les cultures médiatiques ?

La séance introductive du matin vise à analyser les filiations intellectuelles et empiriques qui permettent de les raccorder aux recherches contemporaines menées en sociologie des nouvelles "cultures-média". Il semblerait par exemple utile aujourd'hui de donner à ce débat français la place qu'il devrait occuper dans les échanges avec les chercheurs anglo-saxons et d'en passer par une confrontation entre la sociologie de la culture française et celle(s) des pays anglo-saxons. En ce qui concerne les travaux sur les cultures populaires, à commencer par ceux sur les pratiques médiatiques, cette confrontation fait cruellement défaut. On assiste à un premier paradoxe : l'exportation des théories légitimistes, et notamment des travaux de Pierre Bourdieu, s'est faite à un rythme et avec un succès accélérés depuis les années 90, au moment même où elles étaient l'objet en France de remises en question très importantes. Retenons deux de ces relectures critiques qui ont rendues pensables le projet de ce colloque même. Celle qu'ont effectué Grignon et Passeron dans Le Savant et le Populaire en dénonçant l'incapacité de la posture légitimiste à saisir le sens des pratiques culturelles populaires. Et celle d'Olivier Donnat dans Les Français face à la Culture qui souligne les transformations du statut de la culture consacrée et la montée des éclectismes en matière de pratiques culturelles. Il est tout aussi surprenant de constater à quel point les recherches françaises sont restées indifférentes au développement des Cultural Studies. Britanniques à l'origine, puis largement internationalisées, les Cultural Studies ont proposé dans les années 1970 une double rupture avec la tradition critique qui barrait le chemin à une exploration intellectuelle de la culture de masse. En réponse, les Cultural studies ont proposé d'analyser la culture de masse comme permettant d'accéder aux formes de "définition de soi" et de définition du monde par les acteurs en présence, en faisant ainsi un objet significatif des contours de l'espace public contemporain. Ce sont donc ces points d'historicisation et éléments de discussion épistémologiques transnationaux que nous introduirons avant de présenter recherches et réflexions sur les nouvelles cultures-média dans les ateliers thématiques.
Faut-il se contenter de parler de ces "objets médiatiques" à partir de leur relation aux pratiques des individus ? Ou faut-il tenter une réflexion sur la définition du type de culture qu'ils représentent ? On peut parler de "cultures médiatiques" ou de "cultures-média" en tentant de démontrer la valeur culturelle que celles-ci ont acquises. On peut encore parler de "formes culturelles" pour signifier qu'il n'est aucun objet culturel (médiatique ou classique) qui ne soit un objet non médiatisé par une certaine mise en "forme", rien qui ne soit pure œuvre ou pur média ; bref, on ne fait plus de culture sans casser de médias. Non seulement les cultures médiatiques ont des incidences sur les pratiques traditionnelles, mais elles sont aussi le support de pratiques émergentes.

Nous privilégierons deux séries de questions attenantes à ces objets : la question de l'expérience des individus dans leur rapport aux médias et celle des "cultures médiatiques". D'une part, l'encastrement des médias dans les pratiques rend les questions de sociabilité et d'expression de soi, sans parler de la socialisation, cruciales. D'autre part, les "cultures médiatiques" engage la question des formats, des "formes culturelles" ou des genres dont elles sont les supports. Il suffit de penser aux phénomènes de l'échange et des mobilisations via internet. La matinée abordera donc ces questions à travers cinq notions : la sociabilité, l'expressivité, la mobilisation, l'échange et la légitimité.

Exposés
_Légitimité. Hervé Glevarec. Les médias ont joué et jouent un rôle décisif sur la légitimité culturelle. Dorénavant, le monde des pratiques culturelles se caractérisent par un éclatement du holisme culturel du modèle traditionnel de la légitimité en un espace tripartite : institutionnel (scolaire), social et politique. Ces trois "légitimités" ne collent plus les unes au autres. La légitimité scolaire diffère de la légitimité sociale (là où les médias et les groupes sociaux oeuvrent) et de la légitimité politique (le principe du "droit des minorités" a rendu caduque toute pensée de la hiérarchie des cultures).
_Sociabilité. Dominique Pasquier traitera de cette caractéristique décisive qu'est l'intrication des pratiques médiatiques dans la sociabilité des individus, autrement dit qu'il n'y a pas de réception sans un horizon
_Expressivité. Eric Maigret montrera comment les objets médiatiques-culturels sont fortement articulés aux questions de l'individualité, de l'identité et de l'expression de soi. Parallèlement à l'esthétique pragmatiste de R. Shusterman et à l'amateurisme passionné développé par A. Hennion, E. Maigret montrera comment les cultural studies récentes ont abordé cette question.
_Echange. Laurence Allard, à travers l'exemple du peer-to-peer sur internet introduira à quelques analyses des enjeux des nouvelles formes de l'échange culturel nées du réseau -expressivisme généralisé du public co-producteur, nouveau contrat social auteur-lecteur…
_Mobilisation. Dominique Cardon s'intéressera à la façon dont les supports électroniques s'articulent à des formats de la protestation.



Animation : Olivier Donnat.
Après-midi

Descriptif des ateliers

L
es ateliers réuniront chercheurs, praticiens et critiques spécialisés autour d'un même thème, faisant ainsi le lien entre les pratiques culturelles, la réflexivité critique permettant leur existence publique et les analyses des chercheurs, avec l'idée d'interroger les transferts de savoirs, de pratiques et les hybridations entre ces univers. Chaque atelier sera co-organisé avec des magazines spécialisés dans les pratiques évoquées.


14h-16h
Metallos lab Hall
RĂ©seaux, MĂ©dias, Art et Politique : la culture militante du web.

Atelier animé par Dominique Cardon et Laurence Allard ; VJ : Olivier Blondeau.

Autour d'un corpus d'images ou de dispositifs sonores et avec leurs concepteurs, cet atelier propose de documenter et de mettre en dialogue l'univers de la culture militante du web.
Il s'agira de mettre l'accent sur les formes et formats des pratiques militantes de et par l'internet en s'attachant plus précisément aux expérimentations esthétiques nées du réseau, tant dans leur conception que dans leur diffusion, qui renouvellent le répertoire des actions collectives dans une articulation inédite entre l'espace digital et la rue.
Comment cartographier cet ensemble des protestations numĂ©riques et discerner les nouvelles logiques qui sont aujourd'hui Ă  l'Ĺ“uvre dans cet espace d'expĂ©rimentation ?  Les formats d'expression visuelles et sonores proposĂ©s Ă  travers ces expĂ©riences proposent-elles des manières qui leur sont propre d'interroger les rĂ©alitĂ©s sociales et politiques ?

Avec les interventions de
: Nathalie Magnan (Nettime), André Gattolin, Brian Holmes, Sophie Gosselin (Apo 33), Thomas Courtial (Nobabylon.org), Pédro (Samizdat).

16h-16h30 Pause

16h30-18h30
Salle Costes

Game design/Design social : dans quel monde jouons-nous ou la sociologie Ă  l'Ă©preuve des univers persistants et vice versa
Atelier animé par Laurence Allard

Les jeux et notamment les univers persistants multijoueurs en ligne correspondent Ă  des pratiques culturelles massives. Cet atelier interroge les significations du succès des jeux en cherchant Ă  dĂ©velopper les moyens d'une approche comprĂ©hensive de la passion des joueurs et des univers dans lesquels ils s'immergent -design social - par le croisement avec des pratiques professionnelles de scĂ©narisation dites de " game design " qui s'inspirent parfois de modèles sociologiques. Dans le cadre de cet atelier rĂ©unissant sociologues, scĂ©naristes-Ă©diteurs de jeux, joueurs, artistes contemporains,  seront mis en rĂ©flexion notamment les modes de constitution des collectifs des jeux en ligne, les grammaires des mondes du jeu, le statut du joueur dans ces rĂ©cits interactifs…
Invités : Nicolas Auray (ENST), Alexandre Largier (chercheur), Martin Le Chevallier, Olivier Lejade (Mekensleep), Julien Millet (game-designer, Jiraf), Fréderic Weil (auteur, producteur).


19h-21h00
Salle Costes

Identités hautes tensions-Attention aux identités-Identités post-intégration-Identités post-identitaires ou la crise de la république française et des logiques assimilationnistes ou intégrationnistes.

Atelier animé par Marie Hélène Bourcier :
Invités : Nilufer Göle EHESS CADIS, Nacira Guéniff EHESS CADIS Paris XIII, Chantal Nadeau université de Concordia Montréal ; Tom Reucher Maxime Zitouni Vincent Heasy Carine Boeuf Groupe Activiste Trans, Moussa Khedimellan EHESS CADIS ; Les blédardes, collectif de toutes les femmes issues de l'immigration post-coloniale.

Les politiques des identités culturelles, ethniques, sexuelles et transgenres conscientisées comme telles ou non cognent à la porte de la République qui ne peut plus se faire aussi discrète sur la politique de l'identité et de l'unicité qu'elle défend : blanche hétérocentrée universaliste et occidentalocentrée. Elles lui opposent une multitude de discours en retour et de stratégies : resignifications de la citoyenneté /utilisation performative du voile/ déconstruction de la féminité et de la masculinité dominantes,
réécriture oppositionelle… Elles font apparaître la violence épistémique et politique de l'injonction au même, de la copie fidèle d'un sujet de la modernité qui se voudrait encore éclairant alors qu'il reste impérial, qui exige leur invisibilisation ou des formes de visibilites arrêtées, non ostentatoires, muettes.
Du coup, nous avons eu envie de construire un modeste dispositif qui réunisse minoritaires diffractaires de tout poil et de tout voile, chercheurs, universitaires, activistes qui ne sont pas dupes du ventriloquisme ambiant, qui peuvent tous témoigner des silences qu'ils entendent, de leurs réactions politiques face à la politique française.
Universitaires ou sociologues sur le terrain, chercheurs indépendants, doctorants qui s'entendent dire que la recherche s'ethnicise en France, activistes, queers, anti-racistes, drôles de dames, caillera des cités, butchs contre le voile, gender fucker, trans, ils expérimentent, ils voient fonctionner de nouvelles subjectivités politiques. Sous la forme qui leur convient : présentation, narration, manifeste, diaporama, performances, vidéo, leur coalition d'un soir pourrait être la figuration d'articulations futures.